« Beaucoup de paysans ne veulent pas prendre leur retraite, lance Nicolas sur Facebook, un brin provocateur, à propos de la réforme des retraites. Il n'est pas rare d'en voir travailler à 70 ans. »
Une situation due aux faibles retraites des éleveurs selon Laurence : « Sais-tu seulement combien ils perçoivent ? Ça ne vole pas haut ! Cherche pas plus loin... (...) »
Pensions ou cotisations insuffisantes
Nicolas pense plutôt que cela vient de cotisations à la MSA insuffisantes. Il estime qu'il vaudrait mieux « payer de la MSA que de faire en sorte ne pas avoir de résultat pour ne pas cotiser ».
Gilles n'est pas d'accord : « Même en donnant 20 000 €/an à la MSA pour une personne, il ne faut pas espérer une retraite de + de 1 000 - 1 200 €/mois. »
Quand on a défiscalisé pour ne pas cotiser...
« Avant la mesure décidée il n’y a pas si longtemps, c’était beaucoup moins, ce qui peut expliquer pourquoi certains éleveurs restent actifs, maintient Laurence. « Tout le monde ne va pas acheter du matériel agricole pour défiscaliser », ajoute-t-elle.
Du mal à décrocher
Pour Hugo, ce n'est pas qu'une question d'argent. « Les éleveurs retraités viennent toujours sur la ferme de leur fils ou fille », fait-il remarquer.
« Et bien souvent, ce sont encore eux qui commandent », renchérit Nicolas.
« Les éleveurs aiment leur métier. Canapé et télé ne sont pas trop dans leurs habitudes », nuance Honoré.
Aider les enfants pour ne pas déprimer.
« Ceux qui continuent à travailler, pour aider, n'ont pas d'autres occupations et déprimeraient sinon, appuie Nicole. Ils souhaitent se rendre utiles pour soulager le fils qui a du mal tout seul, ou cherchent à compléter leur petite retraite... tranquillement, pas comme un salarié à la chaîne ou un maçon. »
« (...) Les éleveurs, qui travaillent 50 h par semaine minimum, prennent leur retraite à 70 ans soit par besoin, soit par passion de leur métier, soit pour aider leurs enfants, résume André. Cela montre qu'ils ont « des valeurs ».
« À plus de 60 ans, à traire les vaches 7 jours/7 à longueur d'années... »
Jean-Philippe n'est pas de cet avis : « À 60 ans, il ne reste plus grand-chose du bonhomme qui a dû traire des vaches toute sa vie. En 40 ans de carrière, j'ai vu très peu de producteurs de lait continuant après la retraite, sauf pour aider leurs enfants. »
Aurélie connaît « un couple qui a trait 80 VL en 2x6 jusqu’à 82 ans, et qui continue à surveiller les robots et soigner les veaux ». Son explication : le manque de main-d'œuvre en élevage face à l'agrandissement des troupeaux. « Leur fils a vu grand et se retrouve sans ses deux salariés, qui se sont installés. (...) »
Le résultat d'un manque de main-d'œuvre...
Brigitte était infirmière à domicile et aurait « aujourd'hui sa retraite à 67 ans au lieu de 65 ». Partie à 62 ans − « me mettre en invalidité aurait été plus onéreux pour la sécu », précise-t-elle −, elle ne touche que « 1 000 €/mois », malgré de « sacrées cotisations à la caisse de retraite obligatoire ». « Les agriculteurs sont loin d'être les seuls mal lotis comme ils ont tendance à le penser. Il y a aussi les commerçants, les artisans... », souligne-t-elle.
Nicolas acquiesce. Mais pas Aurélie : « Les éleveurs travaillent 7 jours sur 7 toute l’année, ça fait une sacrée différence non ??? On est probablement les seuls à ne pas prendre de vacances et RTT, à ne pas avoir de jours fériés, etc. »
« Les agriculteurs pas les seuls mal lotis »
« Vous l'avez choisi comme moi, reprend Nicolas. D'autres métiers sont pénibles aussi. (...)» « Se dégager du temps » n'est pas non plus impossible, juge-t-il.
Rémi rejoint @Aurélie et @Jean-Philippe : « C'est clair qu'un éleveur est usé à cet âge-là même si on le sait, un agriculteur n'est jamais vraiment en retraite et reste actif jusqu'à la fin. »
Pierre a « commencé à cotiser à 19 ans, en devenant soutien de famille au décès » de son père. À 53 ans, il ne se voit pas « aller jusqu’à 64 ans, ayant des douleurs partout, aux coudes, genoux, cervicales malgré plusieurs infiltrations (...) ».
D'autres métiers sont pénibles.
Liliane partage ces opinions : « Physiquement, c'est très difficile à partir de 60 ans. Il faut gérer les bobos liés à l'âge en plus de la pénibilité du travail d'éleveur. Et au vu de la retraite versée, vaut mieux être en couple car une seule retraite agricole est insuffisante pour vivre. Mais, il y a pire hein... »
Gilles, lui, pense travailler « encore un an », même s'il considère que « ça ne rapporte pas grand-chose de continuer à cotiser entre le moment où on a ses trimestres et l'âge légal de 67 ans (...) ». « Je n'ai pas de repreneur, je suis passionné par mon métier, j'ai la pêche et j'ai peur de m'emm... », déclare-t-il.
Laurent ne sait pas s'il « ira au bout (...) ». « J'aimerais juste ne pas le faire par obligation », indique-t-il.
Arrêter avant, diminuer l'activité
Quand la retraite approche et que « ça s'y prête, de nombreux éleveurs se débarrassent de l’élevage pour poursuivre uniquement avec les terres », constate quant à lui Jean-Claude.
Salut, en effet, réfléchit à « changer de métier, ou diminuer voire arrêter l'élevage ».
Olivier et sa conjointe, tous deux âgés de 55 ans, trouvent eux aussi, que « ce n'est pas réaliste, en élevage, d'aller jusqu'à 64 ans ». Ils ont « choisi d'arrêter à 60 ans et de céder à des jeunes, quitte à se lancer dans une autre activité ».
« 1 200 € brut, pas net, par mois, 44 ans à travailler, pas de prise en compte de la pénibilité... ça va dissuader les jeunes de s'installer », intervient steph72.
Gilles évoque les « (...) revenus annexes » que peuvent avoir les agriculteurs : « capital d'exploitation » ou « fermages (...) ».
Une réforme pour dissuader les jeunes de s'installer.
Aux agriculteurs qui croient ne pas être concernés par la réforme des retraites, Guillaume rappelle « (...) qu'ils le sont ». Il en profite pour faire un point : « L'âge de départ à la retraite pour les agriculteurs est 62 ans, comme pour les autres métiers hors régimes spéciaux. 67 ans est l'âge pour ne pas avoir de décote si on n'a pas tous ses trimestres. Avec la réforme des retraites, la majorité des agriculteurs devront travailler plus longtemps. 62 ans ne sera toutefois bientôt plus d'actualité, on va se prendre 64 ans d'ici peu. Et vu l'âge que j'ai, ce sera sûrement 67 voire plus, sachant qu'il y aura au moins encore 2-3 réformes. Ils ont beau parler de pénibilité, elle n'est jamais appliquée aux chefs d'entreprise. »
Combien d'années de chef(fe) d'exploitation ?
Il complète : « Le montant des retraites agricoles est un autre sujet. Tant que les revenus agricoles seront faibles, les points retraites seront faibles. Repousser l'âge de la retraite de deux ans n'augmentera pas nos pensions de 200 € par mois, faut arrêter de croire au père Noël ! Je ne fais pas du tout confiance au gouvernement pour revaloriser les retraites agricoles. »
Tant que les revenus agricoles seront faibles...
Dit autrement par brebis : « La pension minimum de 1 200 €, c'est pour les carrières longues (43 ans et un trimestre de cotisations, soit 44 ans pour la MSA ), avec un revenu proche du Smic. Sinon, c'est le minimum vieillesse et même, pour certain(e)s, le RSA surtout si le conjoint ne vous a pas déclaré en tant qu'exploitant(e). » « (...) Et pour les reports et gels de cotisations, qu'en est-il ? Il faudra payer les cotisations alors que vous êtes retraité, ou bien les années reportées reportent également la retraite ? », s'interroge-t-il.
Marie-Cécile confirme : « Pour la revalorisation de 700-800 à 1 200 € mensuels, il faut certes les trimestres, mais surtout 43 ou 37,5 années en tant que chef d'exploitation. Les années d'aide familial ou autre ne comptent pas (...) Et certains ont été aide familial longtemps car les parents ne voulaient pas payer trop de cotisations. Idem pour des femmes, qui ont très peu cotisé. »
Et Gilles de conclure : « Avec la réforme des retraites Macron, pour les 1 200 €/mois, il faut attendre 67 ans, car presque aucun agri n'a de carrière complète en tant que chef d'exploitation. »