Quel contrat de mariage pour les éleveurs ?

couple sur le point de se marier en extérieur
Parmi les choix à faire avant de se marier, celui du régime matrimonial est fondamental. (©oksix/adobe stock)

Comment protéger l’entreprise en cas de séparation ? Comment protéger son conjoint et sa famille en cas de difficultés financières ou de décès ? Ce sont les questions à se poser lorsque l’on est éleveur et que l’on se marie. Parmi les choix à faire, celui du régime matrimonial est fondamental. Quelles conséquences pour quel régime ? Revue des différentes possibilités avec Maître Guillaume Chauchat-Rozier, notaire.

Une exploitation agricole est une entreprise, mais pas tout à fait comme les autres. L’élevage, en particulier, par les contraintes qu’il suppose, implique la famille parce qu’il influence son fonctionnement, au moins indirectement. Ce sont des caractéristiques dont il faut tenir compte au moment de convoler.

Le mariage : jamais sans contrat

Le mariage est le régime le plus impliquant pour les conjoints, qui deviennent solidaires fiscalement et sur le plan patrimonial. « Par défaut, le régime du mariage est la communauté de biens réduite aux acquêts, précise Guillaume Chauchat-Rozier, notaire à Vannes (Morbihan). Cela signifie que tout ce qui est gagné ou acquis pendant la période du mariage est présumé appartenir automatiquement aux deux époux, même si un seul des deux a payé. Par contre, tout ce qui a été acquis avant le mariage, ainsi que les héritages et les donations, restent des biens propres à chaque conjoint. »

Pour un exploitant qui s’est installé avant de se marier, cela ne change rien à la propriété de l’exploitation. Le conjoint risque en revanche d’être solidaire des emprunts nouveaux contractés après le mariage.

Si l’installation a lieu pendant le mariage, les époux sont co-propriétaires de l’exploitation ou des parts de la société. « Même si on est seul associé et seul financeur, la valeur de la société est commune », insiste Guillaume Chauchat-Rozier.

Cette situation, qui ne crée pas de barrière étanche entre la famille et l’exploitation, ne pose pas de problème tant que le couple s’entend bien et que l’exploitation est en bonne santé. Elle peut en revanche devenir périlleuse si ce n’est plus le cas.

Pour éviter cela, le notaire conseille sans hésiter le régime de la séparation de biens, qui permet à l’exploitant marié d’être seul propriétaire de son exploitation ou de ses parts sociales. « Mieux vaut le faire dès le mariage, notamment parce que c’est moins cher », précise-t-il. Il est cependant possible de changer de régime matrimonial par la suite. Mais le changement doit être impérativement fait avant l’installation.

Le coût d’un contrat de mariage est de 259,19 €, un coût fixe, défini par l’ordre des notaires et qui ne doit pas être dépassé, sauf accord spécifique avec le client.

Séparation de biens sinon rien

Pour un chef d’entreprise, si Maître Chauchat-Rozier déconseille la communauté de biens, il exclut avec plus de force encore le régime de la communauté universelle, qui verse les biens des deux époux dans le même « pot commun ».

« Attention aussi au régime de la communauté avec participation aux acquêts », pointe-t-il. Ce régime ressemble à la séparation de biens, à ceci près qu’au moment du divorce, les enrichissements des époux sont comparés et celui qui s’est le plus enrichi doit reverser une partie du patrimoine acquis à l’autre ». Une disposition qui, sous certains aspects, pourrait sembler juste, mais qui peut mettre en péril la pérennité de l’exploitation.

« En réalité, seule la séparation de biens devrait être conseillée à un exploitant agricole », conclut Guillaume Chauchat-Rozier. Elle permet de protéger la famille, parce que le patrimoine engagé dans l’exploitation reste propre à l’exploitant. Pour cette raison, elle protège aussi l’outil de travail de l’exploitant en cas de séparation.

Reste le problème de la résidence principale. Acquise en commun, elle est protégée parce qu’elle est insaisissable. « À condition de ne pas se porter caution à titre personnel, précise Guillaume Chauchat-Rozier. Donc, si la banque exige une garantie, il faut, autant que possible, la limiter à un bien précis ou à un montant déterminé ».

portrait de Guillaume Chauchat-Rozier notaire à Vannes
Pour maître Guillaume Chauchat-Rozier, notaire à Vannes (Morbihan), la séparation de biens avec société d'acquêts, assortie d'un testament, pourrait être l'idéal pour un éleveur. (© Emmanuelle Bordon)

La séparation de biens avec société d’acquêts : passer du prêt à porter au sur-mesure

Injustement méconnue, la séparation de biens avec société d’acquêts pourrait être le meilleur régime pour un exploitant agricole. « Même si la séparation de biens est indispensable, elle ne tient pas compte du fonctionnement particulier de la famille lorsque l’un des conjoints est exploitant agricole, pointe le notaire. Les astreintes auprès des animaux, le temps passé au travail impliquent inévitablement que l’autre conjoint, s’il n’est pas exploitant lui-même, va assumer plus de la moitié des charges domestiques et, par exemple, s’occuper des enfants plus souvent ».

« Même si les choses évoluent, le schéma classique, dans lequel Monsieur est exploitant et Madame s’occupe de la maison et des enfants en plus de son travail, est encore courant, plaide Guillaume Chauchat-Rozier. Et on peut considérer que si l’exploitation fonctionne, c’est aussi parce que Madame prend en charge la famille et les travaux de la maison. Il est donc normal d’instaurer une compensation ».

Le régime de la séparation de biens avec société d’acquêts fonctionne comme une séparation de biens classique, à la différence que l’on crée en plus une communauté de biens partielle nommée « société d’acquêts ». Même si elle n’a de « société » que le nom, elle constitue une sorte de « pot commun », dans lequel on choisit de mettre ce que l’on veut, à la carte. La situation classique consiste à y placer la résidence principale, mais aussi, éventuellement, une voiture, des placements financiers… et dans la pratique, c’est totalement libre. « On récupère une communauté au sein de la séparation de biens, commente maître Chauchat-Rozier, et on tient compte du fait qu’une communauté de vie peut impliquer une communauté de patrimoine. »

Le testament, arme de protection massive

La séparation de biens ne fait pas tout. « Il me semble indispensable de protéger le conjoint en cas de décès », affirme Guillaume Chauchat-Rozier.

Concernant l’habitation, le conjoint marié est automatiquement usufruiter s’il y a des enfants en commun et seulement en commun. S’il n’y a pas d'enfant, il est en concurrence avec les parents du conjoint décédé pour l’attribution des biens du défunt. Et s’il y a des enfants d’une première union, le conjoint survivant ne bénéficie plus automatiquement de l’usufruit ; il a droit au quart du patrimoine, pendant que les enfants se partagent le reste.

« Pour éviter au conjoint survivant d’avoir, par exemple, à déménager en catastrophe, il est souhaitable d’établir l’usufruit en droit au moins pour la résidence principale », conseille Maître Chauchat-Rozier. Mais plutôt que de citer les nombreux cas de figure possibles, il plaide pour la rédaction presque systématique d’un testament, « arme de protection massive ». « Le testament est un outil formidable, qui permet de faire du sur-mesure, ce qui est toujours mieux que les solutions standards prévues par la loi, insiste-t-il. Par conséquent, dès que la situation est un peu complexe, surtout lorsqu’il y a une entreprise, il vaut mieux consulter un notaire, avec qui trouver la meilleure solution ».

Il rappelle en conclusion que la rédaction d’un testament ne coûte presque rien, hormis les 12,19 € pour son dépôt officiel et d’éventuels honoraires, non obligatoires, proposés par le notaire.

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