UN CHEVAUCHEMENT QUI TOURNE MAL

LE MOTIF D'APPEL CLASSIQUE POUR UNE « VACHE QUI NE MANGE PAS » peut révéler bien des surprises.

À mon arrivée, l'éleveur me résume la situation : la vache, une holstein en troisième lactation, a vêlé il y a un mois environ et, bien que présentant un déficit d'état corporel, tout allait pour le mieux jusqu'à ce que son appétit et son état se dégradent. Pour m'aider, il me précise qu'à la suite d'un chevauchement survenu lors de ses premières chaleurs après la mise bas, elle s'est mise à boiter des postérieurs.

Mais qu'elle s'en est plutôt bien remise, même si les aplombs postérieurs restent encore un peu affaissés. Une fois toutes ces précisions données, j'entame mon examen clinique : la température, la fouille vaginale et la fouille rectale ne dévoilent rien d'anormal. L'auscultation des flancs ne révèle pas de caillette déplacée et un dosage des corps cétoniques dans le sang exclut tout problème d'acétonémie. Les bruits de la panse indiquent néanmoins qu'elle tourne au ralenti.

UNE PARALYSIE DE LA QUEUE ET DE LA VESSIE

Un début de piste me vient lorsque je constate que la queue est souillée avec des reflets roux, une queue qui paraît bien molle quand je la saisis pour prendre la température et faire les fouilles.

La queue est paralysée et, en regardant bien son attache, on voit qu'elle est enfoncée entre les pointes des fesses. Lors du chevauchement qui avait provoqué la boiterie des postérieurs, la colonne vertébrale a été touchée et, dans ce cas, l'axe nerveux qu'elle contient a été lésé. Les nerfs qui partent de la moelle épinière ont été touchés, ce qui explique les problèmes d'aplombs des postérieurs et la paralysie de la queue qui constituent les lésions visibles, car l'innervation d'organes internes non visibles a pu également être touchée.

Ce sont les reflets roux et humides qui souillent la queue qui m'y font penser : ils sont dus à de l'urine qui s'écoule le long de la queue, parce que la vache ne peut plus la lever lorsqu'elle urine et que la vessie est frappée de paralysie. De ce fait, l'urine ne sort plus par un jet grâce à une contraction de la vessie, mais elle s'écoule passivement lorsqu'elle est pleine. Je vérifie le problème en effectuant un sondage qui me confirme une stase urinaire avec une complication infectieuse : je recueille, en effet, plusieurs litres d'urine rosée par la présence de sang, dans laquelle flottent des fragments de fibre.

UNE INFECTION URINAIRE AIGUË

Les lésions nerveuses dues au chevauchement ont entraîné une paralysie de la vessie, qui s'est prolongée par une infection urinaire aiguë. Un traitement adapté a permis de combattre l'infection mais celle-ci risque de devenir chronique. La réforme de l'animal en question apparaît donc comme la seule issue.

Le déficit d'état de cette vache après la mise bas explique la faiblesse de la jonction entre la colonne vertébrale et le bassin. Dès lors, avec un poids de plus de 300 kg sur le dos au moment du chevauchement, l'architecture du bassin n'a pas tenu. Bien que rare, ce type de dislocation du bassin peut également être provoqué par des mauvaises manipulations lors du vêlage, à un moment où les ligaments sont relâchés. Une règle de base consiste à prévoir un local de vêlage bien dimensionné (5 x 5 m) pour éviter les mises bas dans de mauvaises positions, surtout en logettes, et à ne pas tirer sur la queue pour coucher ou retourner la vache pendant la mise bas.