BOITERIES EN SÉRIE SUR DES VEAUX LAITIERS

CINDY JOUVE, VÉTÉRINAIRE DANS LE PAS-DE-CALAIS
CINDY JOUVE, VÉTÉRINAIRE DANS LE PAS-DE-CALAIS (©)

L'apparition successive de boiteries sur des génisses de moins d'un mois révèle que cette pathologie peut avoir une origine génétique à prendre en compte dans le travail de sélection.

DANS UN ELEVAGE D'ENVIRON QUATRE-VINGTS PRIM'HOLSTEINS HAUTES PRODUCTRICES, à une semaine d'intervalle, l'éleveur nous appelle pour deux génisses laitières âgées d'un mois qui présentent une boiterie du membre postérieur gauche avec absence totale d'appui. La première génisse a commencé à boiter quinze jours auparavant et a alors reçu des anti-inflammatoires (l'hypothèse principale étant un accident survenu dans la niche, comme une patte coincée) mais devant l'aggravation de son état, l'éleveur a préféré faire à nouveau appel à nous. En revanche, il ne s'est rendu compte de la boiterie de la deuxième génisse que le jour de la mise en parc collectif, lorsqu'il lui a enlevé le manteau qu'elle portait en niche individuelle afin de la protéger du froid. Comme il est plutôt rare que deux bêtes du même âge se blessent la même patte alors qu'elles sont en niche individuelle et à si peu de temps d'intervalle, l'origine de ces boiteries ne saute pas aux yeux immédiatement.

UNE FONTE MUSCULAIRE

L'examen clinique apporte quelques informations complémentaires : les deux génisses sont normothermes (température normale du corps), elles ne posent plus du tout la patte et présentent une déformation en regard de l'articulation de la hanche. La mobilisation du membre atteint est très restreinte, la hanche craque lors de la manipulation et une amyotrophie importante est notée (diminution du volume d'un muscle). Cette fonte musculaire confirme que l'apparition de la boiterie est ancienne, même si elle n'a été découverte que récemment pour la deuxième génisse. Malgré tout, les deux animaux parviennent facilement à se relever sur trois pattes et présentent un bon appétit. Ces éléments permettent d'éliminer l'hypothèse d'une origine infectieuse mais ne suffisent pas à poser un diagnostic.

ARTICULATION DE LA HANCHE MAL FORMÉE

Pour y parvenir et compte tenu de la valeur génétique de ces génisses, des radiographies et échographies du bassin sont réalisées et mettent en évidence une malformation au niveau de l'articulation de la hanche : la tête du fémur et la partie dans laquelle elle s'emboîte dans le bassin sont anormales, ce qui fait qu'elles ne coïncident pas parfaitement. Il en résulte une inflammation qui finit par empêcher l'animal de mobiliser le membre de façon correcte.

Les origines traumatiques ou alimentaires peuvent désormais être écartées. Il reste l'hypothèse d'une origine génétique qui est la plus probable car l'étude de la généalogie de ces deux génisses a montré qu'elles avaient les mêmes grands-parents maternels (leurs mères sont soeurs). Il existe bien entendu différentes causes de boiterie chez les bovins, certaines plus classiques que d'autres (panaris, abcès du pied, etc.). Mais il convient de garder à l'esprit que l'origine peut être génétique, avec un risque de transmission à la descendance, en particulier dans un contexte de sélection intensive sur certains critères zootechniques, qui conduit à l'utilisation trop fréquente d'un petit nombre de reproducteurs dans l'espèce bovine.

En bas, tête fémorale droite normale. En haut, sur le même animal, malformation de la tête fémorale gauche qui s'emboîte anormalement dans le bassin.

En bas, tête fémorale droite normale. En haut, sur le même animal, malformation de la tête fémorale gauche qui s'emboîte anormalement dans le bassin.

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