CAS RARE DE NÉCROSE DU CORTEX CÉRÉBRAL EN SÉRIE

UN ÉLEVEUR DE BOVINS ALLAITANTS ET DE PORCS achète, tous les ans, une trentaine de veaux laitiers mâles âgés de moins d'un mois, afin de les élever et de les engraisser en taurillons. Les veaux sont nourris au lait en poudre jusqu'à deux mois, âge auquel ils sont sevrés. À partir du sevrage, ils sont exclusivement nourris avec de la paille, du foin et un aliment concentré du commerce. Les veaux sont élevés en stabulation libre paillée dans une ancienne étable et leur note de propreté est bonne.

Un peu plus de trois mois après leur achat, l'éleveur appelle la clinique car un veau est à terre. Je me rends dans l'élevage et constate que les veaux sont en très bon état général et qu'ils ont bien grossi depuis les prises de sang d'achat que j'ai réalisées trois mois auparavant.

L'un des plus beaux veaux du lot est couché sur le côté. Son examen clinique montre un animal sans fièvre, sans diarrhée, avec une auscultation cardio-respiratoire normale, un nombril et des articulations sans anomalie. Il n'y a pas de raideur du cou, mais l'animal semble perdu dans son environnement. Il ne cligne pas des paupières lorsqu'on approche rapidement notre main de son oeil, alors que sa pupille se contracte lorsqu'on l'éclaire avec une lampe. Nous sommes donc face à un veau aveugle sans atteinte de l'oeil, ce qui signe probablement une atteinte cérébrale.

Face à ce tableau clinique et dans ce contexte d'élevage, les principales hypothèses de diagnostic par ordre décroissant de probabilité sont :

- nécrose du cortex cérébral (NCC, carence en vitamine B1) ;

- intoxication par le plomb (mais absence de symptômes digestifs et nerveux) ;

- méningite (mais absence de fièvre et de raideur du cou).

Un traitement administré par voie intramusculaire est instauré. Il comprend une association de vitamines B1 et B6, un anti-inflammatoire et une antibiothérapie. Le pronostic est réservé, mais je suspecte fortement une NCC. J'explique qu'en général, ce sont des cas sporadiques pour lesquels seul un animal est touché, que ce n'est pas contagieux, mais que les mêmes facteurs de risques peuvent rarement engendrer d'autres cas. L'acidose ruminale est indiquée comme facteur de risques à l'éleveur.

Deux jours plus tard, l'éleveur rappelle car deux autres veaux ont les mêmes symptômes. Le premier veau soigné va mieux et a rapidement récupéré, ce qui laisse à penser que l'affection est bien une NCC.

Un collègue va examiner ces deux veaux, leur administre de la vitamine B1 et un anti-inflammatoire. L'acidose ruminale est encore évoquée, bien qu'aucune diarrhée et qu'aucun retard de croissance ne soit objectivé dans le lot de veaux. Dans les jours qui suivent, l'éleveur est venu à plusieurs reprises à la clinique pour se procurer de la vitamine B1 injectable, car d'autres veaux ont présenté les mêmes symptômes. Dans les semaines qui suivirent, l'ensemble des veaux a reçu une injection de vitamine B1. Tous les animaux atteints ont récupéré, mais l'origine de cette carence en vitamine B1 n'est pas établie. Une ration trop riche en soufre et/ou acidogène, avec une mauvaise transition, favorise l'apparition de NCC, mais nous n'avons pas pu réaliser les investigations pour étudier ces deux éléments.

UN ANTI-INFLAMMATOIRE EST RECOMMANDÉ

Un tel cas avec une telle incidence semble rarement rencontré. La NCC est d'assez bon pronostic si le diagnostic et le traitement sont réalisés rapidement (moins de 24 heures). Le traitement de cette affection repose principalement sur l'administration de vitamine B1. L'utilisation d'un anti-inflammatoire est recommandée pour lutter contre l'oedème cérébral. L'antibiothérapie utilisée se justifie car il a été rarement rapporté que les animaux ayant récupéré de NCC sont plus sensibles aux infections respiratoires. La complémentation orale de vitamine B1 a peu ou pas d'effet pour prévenir la nécrose du cortex cérébral. Aussi cette voie d'administration est-elle à exclure.