L’exploitation de Mathieu Razy est située dans les Monts du Lyonnais, dans le Rhône (69). Les sols sont principalement sableux avec un risque très élevé lié à l’érosion. Les taux de matière organique sont de plus en plus bas et le secteur est touché par des sécheresses de plus en plus précoces. C’est ce qui a amené Mathieu à travailler sur l’autonomie alimentaire de son exploitation en travaillant notamment sur les méteils pour diversifier les périodes de semis et avoir un sol toujours couvert.
Compte tenu de son contexte, de son passé dans le machinisme et de la mise en place de systèmes essayant d’améliorer le taux de MO des sols, la réduction du travail du sol est apparue comme une évidence (même si elle n’est pas toujours simple à mettre en place sur le terrain).
Au démarrage, Mathieu utilisait principalement un Actisol pour le scalpage. Aujourd’hui, il a amélioré son semoir Symtech en ajoutant des ailettes en carbures aux éléments semeurs. Cela lui permet de sarcler et semer en un seul passage limitant la consommation de fuel et le temps de travail.
Maïs associé au méteil
Mathieu Razy cherche principalement à améliorer l’autonomie alimentaire de son élevage d'Aubrac. Il développe deux stratégies de successions méteil-maïs :
- sur les terres où il a réussi à améliorer le taux de MO après plusieurs années de TCS et de restitutions organiques, il cultive le maïs en pur comme présenté dans l’enchainement ci-dessus ;
- sur des terres plus superficielles et avec des taux de MO plus bas, il considère qu’il y a trop d’incertitudes sur la productivité du maïs ensilage en pur. Il mise sur le méteil qu’il va laisser un peu plus longtemps et sème ensuite un maïs associé en direct après un sarclage.
Ces deux stratégies permettent d’améliorer l’autonomie mais surtout la résilience du système en ayant deux récoltes dans l’année et en variant les périodes de semis et de récolte.
Implantation du méteil hivernal
L’objectif de ce méteil est de produire le plus de biomasse avec un triple intérêt :
- exporter de la nourriture de qualité pour le troupeau ;
- étouffer les adventices pour limiter la pression ;
- structurer le sol par un système racinaire performant.
Pour y parvenir, le méteil doit être implanté dans de bonnes conditions à l’automne avec un semis suffisamment précoce. Le choix des espèces se fait en fonction des disponibilités mais en gardant une bonne cohérence sur les précocités : la céréale doit arriver à épiaison au moment de l’exportation.
Ce méteil peut nécessiter une fertilisation organique à l’automne (fumier) ou au démarrage du printemps (lisier ou minéral selon le système). Selon les analyses de sol, des apports en oligo-éléments ou en soufre peuvent aussi être bien valorisés.
Il faut viser minimum 5 t de MS pour espérer avoir un effet bénéfique de ce couvert sur la structuration du sol, l’activité biologique et l’étouffement des adventices. Même un couvert exporté rapporte environ 5 t MS au sol via le système racinaire et les exsudats.
Destruction du méteil
L’exportation du méteil se fait fin avril/début mai. Mathieu Razy a choisi de détruire les chaumes en scalpant les couverts. Il se sert d’un Actisol qu’il règle pour couper le collet à 2-3 cm de profondeur. Cette destruction nécessite des réglages assez précis à bien vérifier au champ pour ne pas descendre trop bas notamment. Un mulchage superficiel permet de terminer la destruction des chaumes. Surtout Mathieu met en garde sur les conditions météo : il faut choisir une fenêtre météo avec plusieurs jours de sec pour faire sécher les plateaux de tallage.
Implantation du maïs
L’objectif est d’arriver à aller chercher la fraîcheur sous la zone scalpée. Là aussi les réglages doivent se faire précisément pour avoir un semis régulier : les grains semés trop profond vont être pénalisés à la levée et ils auront du mal à rattraper le retard…
« En choisissant de valoriser le méteil, on se retrouve à semer plus tard. La majorité de la production de biomasse se produit au mois d’avril avec le retour de températures douces. Ce décalage dans la date de semis augmente le réchauffement du sol et favorise une croissance rapide du maïs. Là aussi une fenêtre de tir avec des conditions favorables est une des clés de la réussite »
Le choix variétal est primordial avec deux critères :
- les implantations tardives peuvent nécessiter le choix de variétés plus précoces;
- la vigueur au démarrage est primordiale : il faut choisir des variétés qui partent rapidement.
Fertilisation du maïs
La faible minéralisation est à anticiper pour la nutrition. Un amendement organique (type fumier) est à anticiper à l’automne pour la fertilisation du maïs. Le lisier doit lui être amené avant le semis.
En système conventionnel, la fertilisation minérale doit aussi être anticipée. Elle peut être fractionnée en deux avec un apport avant semis et le reste au stade 3-4 feuilles du maïs mais les apports doivent avoir été finalisés à ce stade. Une fertilisation incorporée peut aider au démarrage au moins les premières années. Bien surveiller aussi les oligo-éléments et notamment le soufre et le Mn surtout dans des sables superficiels.
Des pistes très intéressantes émergent avec l’enrobage de semences avec des thés de compost oxygénés ou autres bio-intrants. On observe des effets importants sur la vigueur au démarrage des maïs (ces pistes pourront être précisées dans un prochain article).
Désherbage mécanique et/ou chimique
« La gestion du désherbage dans mon système bio est ce qui rend le plus compliqué ce type de semis » explique Mathieu. « Les résidus au sol, même après sarclage, rendent complexes le désherbage mécanique. L'achat d'une houe rotative nous a permis de désherber les adventices à des stades jeunes en brassant ce mulch mais c'est surtout la mise en place d'une rotation équilibrée qui permet de limiter le salissement. Elle passe par une part importante de prairies dans celle-ci et par la production d'une biomasse importante dans le méteil avant maïs pour limiter les adventices. »
En système conventionnel, un désherbage chimique en post levée reste envisageable. Il pourra être adapté en fonction des adventices observées.
En résumé :
Avantages | Points de vigilance |
La succession méteil/maïs permet de produire de la nourriture de qualité à deux périodes. Elle permet de limiter les risques. | La plus faible minéralisation nécessite de revoir le plan de fertilisation et d’être très vigilant sur le choix des variétés. |
L’impact sur l’érosion visible dès la première année et sur la vie du sol. | Destruction du couvert et implantation du maïs nécessitant des réglages assez précis du scalpeur et du semoir. |
Meilleure rétention en eau liée à l’activité biologique : les maïs restent plus verts plus longtemps. | Le bon choix de la fenêtre météo reste primordial avec du sec pour détruire les adventices et les repousses du couvert après scalpage et des températures douces pour avoir un maïs qui démarre rapidement. |
L’exportation des résidus valorisés en élevage facilite l’implantation. | Le désherbage peut être plus compliqué en bio notamment ce qui implique de bien travailler sur la rotation. |
| Bien vérifier la structure du sol avant d’envisager l’implantation en direct. |
Les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à tester ces approches. L’intérêt est qu’elles s’inscrivent dans une logique systémique de diversifier les périodes de semis pour avoir toujours une production de fourrage sur l’exploitation. Elles permettent aussi d’avoir un sol toujours couvert.
Avant de passer à l’échelle, il est prudent de tester des bandes dans les parcelles pour se faire la main. Les réglages du semoir peuvent être complexes ainsi que la gestion du désherbage. N’oubliez pas de vérifier la bonne structure de votre sol et l’activité biologique avec un test bêche avant d’envisager le semis. Le plan de fertilisation doit être adapté pour compenser la faible minéralisation. L’idée n’est pas d’en rajouter mais de revoir les périodes et les modes d’applications pour favoriser un démarrage rapide de la végétation avec un sol encore un peu frais.