Aux États-Unis, la filière laitière est en alerte

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Employée hispanique travaillant dans une laiterie américaine
L'élevage laitier dépend d'une main-d'œuvre étrangère que les USA menacent d'expulser. (©P.Le Cann)

L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche laisse planer le risque d’une hausse des droits de douane et d’un moindre accès à la main-d’œuvre étrangère. Sans compter une possible désorganisation de l’Administration et des aides fédérales. Début mars, l'incertitude pousse les exportateurs à freiner leurs achats et les cotations faiblissent.

À première vue, 2025 commençait sous de bons auspices pour les éleveurs laitiers des États-Unis. Les bonnes perspectives pour le prix du lait s’accompagnaient d’une baisse des coûts alimentaires laissant espérer une hausse des marges. La production semblait en cours de redressement après trois ans de stagnation, et malgré la chute de productivité des vaches californiennes touchées par la grippe aviaire. Enfin, le dynamisme des exportations, en particulier des fromages, était susceptible de compenser la stabilité de la consommation intérieure.

Mais la poursuite de ces tendances favorables se trouve suspendue à la politique de Washington. La hausse de 25 % des droits de douane visant les produits canadiens et mexicains ne cesse d'être programmmée puis reportée. Or l’impact serait rude pour les États-Unis, dont 43 % des exportations laitières partent vers ces deux pays. Le Canada a d’ores et déjà défini une liste de produits sur lesquels il appliquerait ce même taux de 25 %, en représailles. De nombreux produits laitiers sont concernés (lait liquide, beurre, crème). Le Mexique a aussi annoncé un plan de riposte incluant des mesures tarifaires, sans plus de détails. Ce type de réactions pèserait inévitablement sur les prix du lait et des produits laitiers aux États-Unis.

Le deuxième sujet pouvant fracasser les prévisions pour 2025 concerne la main-d’œuvre. Donald Trump a lancé un vaste programme d’expulsions qui inquiète les éleveurs. Dans une étude publiée en 2015, la National Milk Producers Federation (NMPF), premier syndicat d’éleveurs laitiers, estimait que, dans les élevages, 51 % des travailleurs étaient d’origine étrangère. Ils contribuaient directement à produire 79 % des volumes de lait. Ces chiffres n’ont pas été actualisés, mais selon le Dr Robert Hagevoort, de l’université du Nouveau-Mexique, ils sont aujourd’hui sous-estimés. Il suffit de visiter de grands élevages dans le pays pour constater que la quasi-totalité des employés sont hispaniques. Bien sûr, les éleveurs affirment tous qu’ils n’emploient pas de migrants illégaux. Difficile de savoir quelle est la réalité. Alors que le taux de chômage se limite à 4 % aux USA et que les nationaux refusent de traire les vaches, le remplacement de ces travailleurs serait impossible. D’autant plus que ce risque de pénurie de main-d’œuvre concerne l’ensemble des filières agricoles et alimentaires.

Les bénéfices des éleveurs pourraient fondre de 6 Md$

Par ailleurs, les coupes budgétaires de l’État fédéral pourraient être lourdes de conséquences. Ainsi, l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), déjà démantelée, achetait de nombreux produits agricoles. De plus, l’État soutient largement l’agriculture et ses fonctionnaires, aujourd’hui menacés, constituent un rouage essentiel à la mise en œuvre de ces programmes. Au total, les producteurs de lait états-uniens pourraient perdre 6 Md$ de bénéfices au cours des quatre prochaines années, chiffre de Charles Nicholson, professeur associé à l’université de Cornell (NY, USA). Sur tous ces sujets, la secrétaire d'État à l’Agriculture Brooke Rollins tente de rassurer. Interviewée par le Farm Journal le 20 février, elle évoque la nécessité de chercher de nouveaux marchés agricoles, au-delà du Canada et du Mexique. Elle estime que son administration doit elle aussi chasser les gaspillages, mais affirme que les programmes essentiels aux agriculteurs seront maintenus. Depuis, elle a annoncé que ces services travaillaient à la mise en place d'un plan de soutien financier pour compenser les pertes liées aux mesures tarifaires. Cela ne suffit pas à rassurer les marchés à terme où la fébrilité domine. Craignant une chute de la demande, les exportateurs freinent leurs achats et début mars, les prix s'orientent à la baisse pour la poudre de lait et le lactoserum écrémés. Ceux du beurre et du fromage faiblissent également.

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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