Dermatose nodulaire contagieuse : le risque sanitaire justifie-t-il les abattages massifs ?

Manifestation sur le Gaec Duchêne
La manifestation se poursuit le Gaec Duchêne pour empêcher l'abattage de 120 Montbéliardes sur une exploitation foyer de DNC. (©Christian Convers)

Pas moins de 33 foyers de dermatose nodulaire contagieuse ont été constatés au 21 juillet. Face à la progression de la maladie, les autorités sanitaires appellent à la prudence, et présentent l’abattage préventif comme la seule option pour contenir la maladie. Mais la mesure reste un crève-cœur pour les agriculteurs, comme au Gaec Duchêne, où l’annonce de l’abattage d’un troupeau de 120 Montbéliardes a suscité une vive mobilisation. [Article mis à jour le 22 juillet 2025 à 14h]

Sur le village de Cessens, la mobilisation portée par la Coordination rurale pour éviter l’abattage d’un troupeau de 120 Montbéliardes aura duré plus de 10 jours. L’exploitation, déclarée foyer de dermatose nodulaire contagieuse (DNC), avait reçu un arrêté d’abattage le 9 juillet au soir. L’éleveur s’est finalement résigné à l’euthanasie de son troupeau après l’apparition de nouveaux cas parmi les animaux confinés, et suite au refus du tribunal administratif de lever l’arrêté d’abattage.

Christian Convers, secrétaire général de la CR a participé au blocage, et témoigne de l’engagement du syndicat. « Il y avait énormément de monde sur la ferme. Des tours de garde étaient organisés la nuit par les agriculteurs… Il y avait au minimum 30 à 40 personnes sur le site au cas où ils voudraient nous prendre par surprise. » Mais pour l’élu, les pressions exercées sur Pierre-Jean Duchêne étaient « trop fortes. »

La manifestation aura eu le mérite de remettre la question des abattages de troupeaux sur la table. « On voit beaucoup de politiques passer, ça nous permet d’expliquer la situation et de montrer que l’on confine les animaux et de proposer nos alternatives » poursuit Christian Convers.

D’autres exploitants, à quelques kilomètres de là, ont également tenté de s’opposer aux abattages avec le soutien de la Confédération paysanne. Le blocage, sur la Ferme de la mésange bleue, aura également duré quelques jours avant que de nouveaux cas de DNC apparaissent dans le troupeau confiné.

Fanny Métrat, porte-parole de la Confédération paysanne, dénonce dans un communiqué la gestion de la crise sanitaire. « Derrière cette stratégie, ce sont des vies qui basculent. Des éleveuses et des éleveurs anéantis. Des produits fermiers qui disparaissent. Du lait, du fromage, de la viande locale qu’on ne goûtera plus. C’est tout un modèle d’élevage paysan de proximité que ces mesures sacrifient. »

Dans le même temps, les autorités sanitaires continuent de prôner l’abattage sur les foyers de DNC. Malgré le début de la campagne de vaccination le week-end du 19 juillet, l’abattage préventif reste la seule solution pour éradiquer la maladie.

Nicolas Berthollet, vétérinaire, est intervenu à l’occasion d’un webinaire organisé par la FDSEA des Savoie pour renseigner les éleveurs sur la dermatose nodulaire contagieuse. Pour le professionnel, elle n’est pas à prendre à la légère.

Jusqu’à 40 % de mortalité constatée dans les Balkans.

« En Afrique, sur les zones endémiques, le virus circule et l’on constate des flambées épizootiques tous les 3 à 5 ans. Lorsque cela arrive, on a environ 50 % d’animaux malades et 10 % de mortalité », détaille le vétérinaire.

La maladie n’étant pas endémique dans l’hexagone, il y a fort à parier que l’impact sera plus lourd. « Nous sommes sur une population d’animaux « naïfs », qui n’a jamais été en contact avec le virus », rappelle Nicolas Berthollet. La propagation de la maladie dans les Balkans par le passé présentait des chiffres autrement plus inquiétants. « On avait 90 à 100 % d’animaux malades, avec des taux de mortalité qui variaient de 10 à 40 % », insiste le vétérinaire.

Or la longue période d’incubation de la DNC la rend particulièrement difficile à apprivoiser. « Cela peut aller de 3-4 jours à un mois, avec une moyenne de 15 jours. » Cela veut dire qu’un animal d’apparence saine peut développer la maladie et être source de diffusion sans que l’éleveur s’en rende compte. En l’état, les tests ne permettent pas de détecter les stades précoces.

Une propagation de l’ordre de 7 km par semaine dans les Balkans

Dans ce contexte, le vétérinaire exhorte les éleveurs à limiter les déplacements d’animaux. « Le virus se transmet via les taons et les stomoxes, voire d’autres insectes piqueurs mais au global, ces insectes voyagent peu. Ce sont surtout les mouvements d’animaux qui permettent à la maladie de progresser. » Dans les Balkans, durant les pics épizootiques, la maladie affichait une progression de l’ordre de 7 km par semaine.

Si la comparaison avec la FCO et la MHE est tentante, la DNC est autrement plus impactante. « C’est une maladie grave, classée A à l’échelle européenne, un peu comme la fièvre aphteuse… », complète Bernard Mogenet, président de la FDSEA de Savoie.

Mieux accompagner les éleveurs touchés

Mais tous s’accordent sur le drame que représente un abattage global de troupeau. « Il faut accompagner les éleveurs. La cellule Réagir a été saisie et est à disposition », poursuit l’élu. « Pour revenir sur le blocage sur la commune de Cessens, je pense qu’on arrive à ce type de situation quand on s’occupe mal des producteurs. Je ne suis pas étonné qu’on se retrouve dans des cas très complexes parce que les services de l’État n’accompagnent pas assez les éleveurs… », ajoute Guillaume Leger, président des JA. « Certains agriculteurs réalisent de très gros sacrifices pour protéger leurs voisins, c’est très dur. »

Si les abattages semblent arbitraires, ils n’en demeurent pas moins ciblés. « On est sur des abattages par lot », rappelle Bernard Mogenet, président de la Chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc. Cela explique qu’au 11 juillet, 15 foyers étaient détectés sur 9 exploitations.

La maladie progresse. Les abattages de bovins devraient se poursuivre. Se pose alors la question de l’indemnisation. « On a essayé de prendre en compte toutes les incidences : perte des vaches mais aussi perte de lait… Et toutes les problématiques autour des DJA pour les jeunes installées, de la Pac pour les aides à l’UGB », précise le président de la chambre d’agriculture.

Une incertitude demeure toutefois sur la durée de l’indemnisation pour les pertes d’exploitation. « Aujourd’hui, le protocole est sur 3 mois en lait. On sait tous que cela sera bien plus long de reconstituer les cheptels, et retrouver les niveaux de productions actuels tant en termes de quantité que de qualité. »

Des vaccins arrivés au 20 juillet

Il n’empêche que l’inquiétude des éleveurs reste grande et la vaccination apparaît comme une voie de salut. La campagne, censée protégée les 285 000 bovins de la zone est lancée. Mais la prudence reste de mise car le vaccin ne résoudra pas instantanément tous les problèmes. « Nous sommes sur des vaccins vivants inactivés. Cela veut dire qu’ils ont des effets secondaires. On a peu de recul sur l’impact que le vaccin aura sur le cheptel français. »

Ce que l’on sait, c’est que la vaccination reste une méthode de protection préventive. Elle ne freinera pas la progression des symptômes sur un animal touché. « La stratégie de vaccination ceinture les zones touchées pour limiter la propagation du virus », précise le vétérinaire. La vaccination est alors une manière de protéger les animaux, et de faire barrage à la diffusion de la maladie.

« Le GDS travaille dès à présent pour vacciner le plus rapidement possible, car il faut encore compter 21 jours après injection pour bénéficier de l’immunité maximale », confirme Cédric Laboret. La vaccination représentera un challenge collectif. « On pense qu’il faudra vacciner au champ, où du moins là où se situent les bovins pour éviter les mouvements. Bouger des animaux pour faire les soins au bâtiment serait prendre le risque de propager la maladie ».

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