
Retour d’expérience. Dans le Morbihan, l’EARL Sigogne est l’une des premières exploitations à avoir investi dans le matériel autonome Aura, de Kuhn. Ses atouts : il prend l’ensilage directement au silo et l’éleveur n’a pas besoin de cuisine. Au quotidien, les exploitants estiment gagner entre deux heures et demie et trois heures de travail.
Parmi l’offre relativement large de robots ou de systèmes d’alimentation automatisée, le modèle Aura, développé par le groupe Kuhn, se démarque de la concurrence. En effet, il est conçu pour aller charger directement l’ensilage d’herbe ou de maïs dans le silo, ce que ne font pas les autres marques. C’est ce point qui a séduit Frédéric Sigogne, éleveur associé en EARL avec son épouse Marine, à Priziac, dans le Morbihan. « Nous avons déjà deux stalles de traite robotisées, un repousse-fourrage et un aspirateur de lisier, le tout provenant de chez Lely, explique-t-il. Je voulais depuis longtemps automatiser l’alimentation du troupeau. Mais je n’avais pas envie d’un système avec une cuisine de stockage où il faut déposer des blocs d’ensilage que le robot vient reprendre. Cela me paraissait trop contraignant au quotidien. Le système proposé par Kuhn n’a pas cet inconvénient. Nous sommes allés en voir un fonctionner dans une ferme où il était en test et nous avons décidé de nous lancer. »
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Automatiser toutes les étapes
Les exploitants font donc partie des premiers clients utilisateurs de l’Aura. Ils ont été accompagnés par Bréa Technologies, distributeur de ce matériel pour le secteur. La mise en route a eu lieu en mars 2024. Dans les mois qui ont précédé l’arrivée du robot, l’EARL a réalisé différents aménagements, comme la création de deux cases à l’abri sous un bâtiment destinées à stocker de la paille broyée. Il a fallu aussi installer des vis sous les quatre silos verticaux qui servent à entreposer les compléments et les concentrés. Pour les minéraux, les éleveurs ont investi dans trois petites cuves de 100 l, abritées à côté des cases pour la paille. Elles sont équipées de doseurs électriques pour ajuster le débit à quelques grammes près. Les portails à l’entrée des deux couloirs d’alimentation ont été remplacés par des rideaux enroulables, également pilotés par un moteur. « L’objectif est d’automatiser toutes les étapes du remplissage de la cuve jusqu’à la distribution, souligne Frédéric. Nous programmons dans l’application la composition de chaque ration et l’emplacement du lot d’animaux à nourrir. La position des différents silos est enregistrée et le robot va se servir pour chaque ingrédient. Il se déplace seul en commandant la mise en route des vis, ainsi que l’ouverture ou la fermeture des portes. De mon côté, j’interviens très peu. Il faut bien sûr débâcher les silos, ramasser éventuellement l’ensilage tombé au sol et vérifier que les silos d’aliments ne sont pas vides. Tous ces préparatifs nous prennent en moyenne entre vingt et trente minutes par jour au maximum et, jusqu’à présent, les incidents ont été plutôt rares. »
Balise RTK
Le système Aura est totalement autonome. Il est équipé d’un moteur diesel de 56 ch et d’une cuve de 3 m3, avec vis verticale. Sa capacité est de 1 100 kg. L’ensemble se déplace dans un périmètre défini à l’avance grâce à un repérage par signal GPS de type RTK. C’est également un point fort de cette machine, puisqu’il n’est pas nécessaire de placer de plots ou de fils au sol. Avant la mise en route, un géomètre a réalisé un repérage complet de la zone de travail : murs de silo, chemins, bâtiments, poteaux, cornadis… Tout l’environnement est ainsi cartographié, et l’EARL a installé une antenne RTK qui sert de point zéro pour permettre un positionnement dans l’espace au centimètre près. Les éleveurs ont aussi fixé plusieurs relais wifi dans les bâtiments et à l’extérieur, le cerveau de la machine étant connecté en permanence à internet. En plus de ce balisage, le robot possède plusieurs capteurs Lidar et ultrasons : si un obstacle ou une personne est présent dans son champ d’action, il s’arrête instantanément. Il tentera de redémarrer au bout de quelques secondes, mais, si le système détecte toujours une présence anormale, une alerte est envoyée sur le téléphone de l’éleveur. Les capteurs peuvent aussi repérer un opérateur présent en haut du tas, ou bien un pneu tombé au pied de l’ensilage.
Pour obtenir le droit de faire fonctionner ce robot sans surveillance humaine à proximité, Kuhn a prévu des systèmes de sécurité renforcés, notamment au moment du désilage avec la fraise (lire l’encadré). « Tout est pensé pour empêcher les accidents, estime Frédéric. Nous avons vite appris à côtoyer ce robot au quotidien et évitons d’interférer sur son passage ou de laisser traîner de potentiels obstacles. Des panneaux d’avertissements sont placés un peu partout sur la ferme pour informer les personnes extérieures. Je demande aussi aux livreurs qui viennent remplir les silos d’aliments de m’appeler quand ils sont sur place afin de mettre le robot en veille à ce moment-là. »
Front d’attaque propre
À chaque nouveau passage dans le silo d’ensilage, le chargement reprend exactement là où il s’était arrêté précédemment. Avant de commencer à désiler, des capteurs spécifiques scannent le profil du tas. La fraise peut travailler jusqu’à 4 m de hauteur. La cuve est équipée d’un système de pesée. Quand la quantité à prélever est pratiquement atteinte, la fraise s’arrête. Puis elle s’abaisse pour terminer le remplissage avec l’ensilage tombé par terre. Elle fonctionne donc comme le ferait le chauffeur d’une automotrice. L’objectif étant de laisser un front d’attaque propre, avec le moins de matière possible au sol pour éviter le risque d’échauffement. L’éleveur détermine la profondeur à prélever à chaque passage. Il indique aussi dans l’application combien de centimètres d’ensilage la machine doit laisser sur les côtés. Si le silo est récent, avec des murs bien droits, la fraise peut approcher à quelques centimètres des bords. Dans le cas d’une construction plus ancienne, avec un sol ou des parois déformés, il est préférable de conserver une distance de sécurité. Tous les jours, l’éleveur récupère l’ensilage qui reste sur les côtés ou au sol et le distribue à des vaches de réforme ou à des allaitantes qui sont au pré.
Le mélange de la ration est assuré dans la cuve. L’exploitant programme les quantités directement depuis l’application disponible sur son téléphone. « C’est relativement simple à utiliser et, chez nous, tout le monde sait s’en servir : ma femme Marine, Bryan notre ouvrier, et Manon notre fille qui travaille à la ferme en apprentissage, commente Frédéric. Cette question de l’accessibilité est importante, car, si je suis absent, je sais que cela fonctionnera sans moi. Entre les différents lots d’animaux, nous avons actuellement six rations différentes. Je peux les modifier rapidement selon la saison, la qualité de l’ensilage et les aliments disponibles. Au quotidien, il faut surtout penser à indiquer tous les changements d’effectifs quand une vache vient de vêler, par exemple. »
L’emplacement de chaque lot d’animaux est mémorisé dans l’application. Le robot vient se placer devant les cornadis et distribue la quantité prévue. Le tapis peut fonctionner à droite comme à gauche. Le constructeur a aussi prévu deux brosses pour repousser le fourrage de chaque côté. Sur une journée normale, le robot est programmé pour travailler à partir de 6 heures du matin jusqu’à 10 h 30 environ. Il redistribue ensuite une nouvelle ration aux laitières dans l’après-midi, entre 16 heures et 19 heures. Les éleveurs ont choisi de conserver leur robot Juno de chez Lely pour repousser le fourrage. Cet automate fonctionne en effet à l’électricité et il se révèle plus rentable de l’utiliser que de programmer des passages supplémentaires avec l’Aura.
300 000 € tout compris
D’un point de vue financier, l’investissement dans ce système automatisé approche les 300 000 €. Un prix qui intègre le matériel, l’accompagnement préalable avant et pendant la mise en route, le suivi, les mises à jour et une garantie de 25 000 heures ou sept années de fonctionnement. À cela s’ajoutent les aménagements annexes : installation des réseaux wifi et RTK, amélioration éventuelle des silos et des chemins de circulation, automatisation des portails… Le montant total de la facture et la rentabilité finale dépendent donc de la situation d’origine de l’exploitation.
Mais, comparé à d’autres systèmes, la polyvalence de l’Aura suscite un réel intérêt de la part de nombreux éleveurs. De leur côté, avec plus de six mois de recul, Frédéric et Marine Sigogne s’estiment satisfaits de cet investissement. « Avant, je commençais ma journée par faire démarrer le tracteur pour nourrir les vaches. Aujourd’hui, quand j’arrive sur la ferme, une bonne partie du travail est déjà faite, se félicite l’exploitant. L’organisation est similaire à celle des robots de traite : cela marche très bien tout seul si tout est correctement préparé, et, de temps en temps, il faut être disponible pour corriger un incident mineur. »
Quand il reste moins de 25 % de carburant dans le réservoir, les éleveurs reçoivent une alerte sur leurs téléphones. Le robot vient se stationner automatiquement à côté de la pompe, mais il faut qu’une personne soit là pour faire le plein. Actuellement, il tourne environ 7 h 30 par jour, pour nourrir 300 animaux, dont 110 laitières. C’est le temps nécessaire pour effectuer environ une douzaine de passages au quotidien avec cinq rations différentes à préparer. « Si je devais faire le même travail avec un tracteur et un bol mélangeur, en diversifiant autant l’alimentation, j’y passerai entre 2,5 et 3 heures par jour au minimum, estime Frédéric. Ce système est évolutif. Il est possible d’ajouter de nouveaux parcours sans avoir de fils à placer au sol. En distribuant de la nourriture plusieurs fois par jour, l’Aura stimule aussi l’activité des laitières. Depuis sa mise en route, nous avons constaté que le nombre de passages quotidiens à la traite avait légèrement augmenté, avec un gain de production. C’est le fruit d’une observation, pas d’une étude comparative, mais cela fait aussi partie des points positifs à signaler. »
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