
Désormais seuls bénéficiaires au monde d’un système de gestion de l’offre sur le marché laitier, les éleveurs canadiens doivent faire face à la menace du lait diafiltré importé des États-Unis par les trois principaux transformateurs.
En Europe, les regrettés quotas laitiers ont vécu un peu plus de trente ans…. Au Canada subsiste désormais l’unique système au monde de gestion de l’offre laitière. Un dispositif mis en place à la fin des années 60 auquel sont évidemment très attachés les producteurs de lait eux-mêmes, mais qui est de plus en plus contourné par certains industriels.
Avec un système cogéré par l’ensemble de la filière avec le gouvernement fédéral et chaque gouvernement provincial, le Canada maintient l’équilibre entre d’un côté la production et la transformation de lait, et de l’autre, la demande intérieure de produits laitiers. Autrement dit, hormis quelques exportations planifiées et des importations de fromages européens, les producteurs ne fournissent que leur marché national, ni plus, ni moins.
L’équilibre offre-demande canadien est, depuis 2013, ébranlé par les trois principaux industriels laitiers du pays – Parmalat, filiale de Lactalis, le privé Saputo et la coopérative Agropur – qui importent de plus en plus de lait diafiltré en provenance des États-Unis. Ce concentré liquide contient 15 % de protéines. Pour les fabricants de fromage, il coûte bien moins cher que le lait frais canadien.
Un contrôle drastique des importations figure bien parmi les piliers du système de gestion de l’offre, qui limite notamment les importations de lait et d’ingrédients laitiers pouvant entrer dans la composition des fromages. Mais depuis quelques années, les industriels profitent de plusieurs imbroglios juridiques.
Plus de 140 M€ de manque à gagner pour les éleveurs
Lorsque le lait diafiltré est apparu en 1999, l’agence des services frontaliers (ASFC) chargée des contrôles l’a classé dans une catégorie différente – et non soumise aux limitations d’importations – à celle des autres ingrédients laitiers. Les importations de lait diafiltré ne sont donc pas limitées, ouvrant ainsi, au bénéfice des transformateurs, une brèche permanente aux frontières.
Par ailleurs, le lait diafilté parvient aussi à contourner la barrière des standards de composition du fromage imposés aux transformateurs. L’agence canadienne d’inspection des aliments, qui est responsable de leur application, considère le lait diafiltré, non pas comme un isolat de protéines laitières comme il devrait l’être, mais comme un lait entier pouvant être ajouté à discrétion par les industriels.
Au passage, de l’autre côté de la frontière, les industriels américains se frottent les mains de ces anomalies juridiques et profitent de cette nouvelle opportunité de marché : non utilisé côté US, ils produisent ce concentré exclusivement pour le marché canadien.
A Montréal, au siège de l’UPA, l’Union des producteurs agricoles (le principal syndicat agricole du pays), c’est l’un des principaux sujets d’inquiétude. Car tout ce qu’importent les industriels sont autant de volumes en moins à produire pour les éleveurs canadiens. « En deux ans, les industriels ont doublé leurs importations de lait diafiltré », commente François Bertrand, des Producteurs de lait du Québec, organisation affiliée à l’UPA. Selon les chiffres du syndicat, les importations de concentrés protéinés sont ainsi passées de 16 200 tonnes en 2013 à 20 800 tonnes en 2014, pour dépasser les 30 000 t en 2015. « En 2015, on estime les pertes subies par les producteurs canadiens à plus de 200 M$ (environ 140 M€) ».
Les producteurs de lait en concurrence avec les bûcherons
Le dossier met l'Agropur dans une position délicate. Tout en s’affichant contre l’importation de lait diafiltré, la première coopérative laitière en utilisait comme ses concurrents, « pour demeurer compétitive ». Devant la croissance du problème, le géant coopératif a choisi en mai 2016 de privilégier les achats de lait canadien, mais payés moins cher aux producteurs, en attendant la définition d’une nouvelle stratégie nationale sur les ingrédients.
Soutenus par le gouvernement provincial québecois, les producteurs, qui ont multiplié les manifestations, notamment devant le Parlement canadien à Ottawa, ne comprenaient pas pourquoi le gouvernement fédéral du Canada, qui a la compétence sur ce dossier, ne réagit pas en leur faveur. Jusqu’au jour où, début juin 2016, Jean-Claude Poissant, le secrétaire parlementaire du ministre de l’agriculture, a admis publiquement que le dossier était mêlé à la négociation menée avec les États-Unis pour renouveler l’accord commercial entre les deux pays sur le bois d’œuvre. Laissons entrer du lait diafiltré pour conserver nos quotas d’exportations de bois de construction…
Avec 418 millions d’hectares de forêts, soit quasiment la moitié de la superficie du pays, la filière bois canadienne est essentielle à l’économie des provinces de l’Ouest et du Nord mais aussi à la balance commerciale du pays : les sociétés forestières ont exporté près de 3 Mds$ (2 Mds€) vers les États-Unis, de loin leurs principaux clients étrangers.
Pour l’UPA et les producteurs de lait du Québec, « la solution est politique ». A l’occasion des élections fédérales d’octobre 2015, remportées par le jeune libéral Justin Trudeau, tous les partis fédéraux avaient pris des engagements sur le contrôle des importations de lait diafiltré. Neuf mois après, les producteurs attendent toujours un reclassement du produit aux frontières.
« Ensiler 38 ha de maïs, c’est rentrer l’équivalent de 75 000 € de stock »
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Maïs fourrage : « Un silo mal tassé monte rapidement à 15 % de freinte »
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
La « loi Duplomb » est officiellement promulguée
Quelle évolution du prix des terres 2024 en Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
Biométhane ou électrique, les alternatives au GNR à l’épreuve du terrain
Facturation électronique : ce qui va changer pour vous dès 2026