
En Lorraine, Francis et Françoise Claudepierre ont été les premiers agriculteurs français à se lancer dans la méthanisation, il y a dix ans. Avec la construction d’une nouvelle unité de 250 kW, l’exploitation chauffe huit appartements, l’école communale ainsi qu’une cellule de séchage de foin en grange.
![]() Les consommateurs utilisent l’électricité principalement le matin et le soir. Avec la méthanisation, il est possible de produire de l’électricité aux heures de pointe car la géomembrane souple peut faire office de ballon tampon. (© Terre-net Média) |
![]() Francis Claudepierre est adhérent à l’association des agriculteurs méthaniseurs de France. (© Terre-net Média) |
« Avec la conversion en bio qui n’était pas vue d’un très bon œil dans la région, une installation de séchage de foin en grange, la méthanisation et le rachat de 65 ha suite au décès du propriétaire des lieux, cette époque fût particulièrement difficile à vivre, concède Francis Claudepierre. Suite à l’arrêt du maïs, les vaches sont passées de 8.700 à 5.200 litres, mais ça va nettement mieux aujourd’hui, on atteint les 8.000 litres à la belle saison. Le système est mieux rodé grâce, entre autres, à un foin séché de très bonne qualité et à l’épandage du digestat sur les terres. »
Un travail titanesque
La première installation, « un peu folklorique », a été mise en fonctionnement début 2003, elle avait une puissance de 20 kW et a couté 160.000 euros. A l’époque, le tarif de rachat était de 0,08 €/kWh, soit un chiffre d’affaires de 10.000 €/an pour la vente d’électricité. « Nous avons milité pour créer une filière méthanisation en France et obtenir un tarif de rachat adapté. Aujourd’hui, Edf paie 0,12 € du kWh avec un supplément de 0,03 € appelé "coefficient d’efficacité énergétique" si la chaleur est suffisamment utilisée. »
En 2008, pour profiter de l’augmentation du tarif de rachat de l’éléctricité, Francis Claudepierre a dû construire une nouvelle installation de 250 kW. « Tout d’abord, la phase administrative n’a pas été simple. Il a fallu réaliser une enquête publique, faire et refaire des dossiers conséquents. Pour dire, le jour de la signature, je suis arrivé à la préfecture avec 98 kilos de papier ! ». Les agriculteurs se sont associés avec un ami pour créer une Sarl dédiée à l’activité de méthanisation.
La ration d'une "vache en béton ! " :- Lisier et fumier : 2.000 t/an Le digesteur consomme 15 tonnes par jour. « Le digesteur c’est comme une vache en béton ! Il peut même faire une acidose si on l’alimente mal », explique Francis Claudepierre. Les bactéries ne peuvent pas se nourrir uniquement d’effluents organiques, elles nécessitent des aliments plus fermentescibles comme de l’ensilage ou des déchets de l’industrie agro-alimentaire. « Sans cet apport de sous-produits, le digesteur aurait besoin d’environ 80 ha d’ensilage de maïs. Il faut compter 1 ha d’ensilage pour 2kW de puissance électrique. » |
Chauffer neuf logements et une école
Cette nouvelle installation fonctionne depuis trois ans et produit 1,8 millions de kWh par an. Pour un investissement total avoisinant les 900.000 euros, soit un coût de 3.400 € du kW installé, les agriculteurs espèrent un retour sur investissement sur une dizaine d’années. Néanmoins, la rentabilité d’une unité de méthanisation dépend principalement de la valorisation de la chaleur, notamment pour pouvoir bénéficier du cœfficient d’efficacité énergétique.
Le cogénérateur (voir photo ci-dessous) tourne toute l’année à 88 % de son potentiel de puissance. Une partie de la chaleur qu’il produit permet de chauffer la maison des exploitants ainsi que huit appartements situés dans le village à 800 mètres. Bientôt, ce sera au tour de l’école communale de bénéficier de la chaleur. « L’eau chauffée à 85°C arrive au village dans des canalisations isolées. Cette eau chaude est vendue aux particuliers à 0,04 € du kWh thermique », explique Francis Claudepierre. A la saison des foins, la chaleur est dirigée vers la cellule de séchage en grange.
![]() Le cogénérateur est un moteur Deutz V8 de 250 kW. Il convertit 38 % du méthane en électricité et le reste sous forme de chaleur. Un quart de la chaleur produite sert à chauffer le digesteur pour assurer le bon développement des bactéries méthanogènes. (© Terre-net Média) |
La méthanisation occupe plus d’un temps plein
Cette installation, bien que rentable, n’est pas une sinécure pour autant. « La méthanisation, c’est un travail de tous les jours, cela n’a rien à voir avec des panneaux photovoltaïques. Il ne faut pas s’y lancer les yeux fermés », prévient Francis Claudepierre. Entre les factures, l’alimentation du digesteur, la maintenance, trouver des matières premières, épandre le digestat,… l’unité occupe plus d’un temps plein. »
L’associé de la Sarl gère la partie administrative et les approvisionnements issus des industries agro-alimentaires. « Il est très difficile d’établir des contrats durables avec les industriels. Avant, les industries nous payaient pour utiliser leurs déchets organiques, aujourd’hui, nous les obtenons gratuitement, mais demain nous devrons probablement payer le transport. »
Le digesteur produit 3.600 m3 de biogaz, soit l’équivalent de 1.100 litres de fioul par jour. « Le biogaz est, avec le bois, la seule énergie renouvelable qui soit stockable, soit en utilisant la géomembrane pour stocker le gaz durant quelques heures, ou alors en transformant le biogaz en fuel », fait remarquer l’éleveur qui aimerait bien faire rouler ses tracteurs avec, mais ça, c’est encore une autre histoire…
L’Earl de Brimbelles : à Migneville en Meurthe-et-Moselle
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![]() La cellule de séchage du foin en grange (© Terre-net Média) |
![]() Le foin est séché puis stocké en vrac. Une pince sur charriot sert à la manutention. (© Terre-net Média) |
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![]() Maquette de la ferme. A gauche : salle de cogénération et stabulation avec fosse de pré-digestion pour les effluents. En haut : cellule de séchage en grange. A droite : digesteur. (© Terre-net Média) |
En savoir plus sur la méthanisation :
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