Vaut-il mieux être plus productif ou plus efficace ?

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(©Terre-net Média)
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« Perte de compétitivité », « il faut améliorer la productivité des élevages », « il faut être plus productif... Produire plus et mieux, ces injonctions sont revenues tout l’été dans les discours et les médias. Le BTPL s’interroge : les projets d’avenir sont une course à l’agrandissement, le travail augmente, et pourtant, l’augmentation de la productivité améliore-t-elle la situation financière ? Permet-elle de vivre mieux et plus heureux ? Peut être qu’avant d’améliorer la productivité, il serait plus judicieux d’améliorer l’efficacité !

Qu’est ce que la productivité ?

La productivité est généralement définie comme le rapport entre une production obtenue dans une période donnée et les moyens mis en œuvre pour l’obtenir.

En production laitière, la productivité peut se mesurer par différents critères :

  • Lait produit / vache présente
  • Lait produit / ha de surface fourragère
  • Lait produit / unité de main d’œuvre
  • Lait produit / heure de travail

Attention, augmenter sa productivité ne veut pas forcément dire produire plus !

Exemples : L’exploitation A produit 600 000 l de lait par an en passant 2 500 heures de travail sur l’atelier laitier : la productivité de son atelier lait est de 300 000 l / 2 500 h = 120 l/heure de travail. L’exploitation B produit 200 000 l de lait en travaillant 1 200 heures sur l’atelier lait : la productivité de son atelier lait est de 200 000 l / 1 200 h =  167 l/heure de travail.

Dans cet exemple B produit moins de lait que A mais est plus productif que A ; il produit plus de lait par heure de travail. La notion de productivité ne renseigne, par contre en aucune façon sur la manière dont est produit ce lait : pénibilité du travail, niveau d’équipement, qualité des produits, coût de production, etc. Elle ne renseigne pas non plus sur la rentabilité du système ou sur la marge qui reste sur ce lait produit.

Une production de lait par UMO élevée permet de réduire le coût de la main d’œuvre (salariée ou exploitant)/Ml.

Qu’est ce que l’efficacité ?

L’efficacité est généralement définie comme la capacité à optimiser un résultat. C’est le rapport entre une quantité produite ou un résultat obtenu et mesuré par une entreprise, la quantité maximale qu’elle peut obtenir si elle utilise ses intrants de la meilleure façon possible.

L’efficacité se définit aussi comme la capacité d’une personne, ou d’un groupe à produire les résultats escomptés et à réaliser les objectifs fixés, et ceci également dans d’autres domaines que la production pure tels que la qualité de service, la rapidité, la maîtrise des coûts, la maîtrise du temps de travail, la maîtrise énergétique….  

Pour être efficace, il ne suffit pas de faire le plus possible mais de faire :

  • Ce qui est le plus pertinent  : la cohérence des actions et des moyens mis en œuvre avec les objectifs fixés : « faire ce qui doit être fait » ;
  • Ce qui est le plus efficient : optimiser les résultats par rapport aux moyens humains matériels et financiers dont on dispose : « bien faire les choses » ;

On ne sera en effet pas efficace si :

  • on fait bien les choses mais pas les bonnes, ou pas celles demandées : ex : fournir un produit ne correspondant pas à un cahier des charges demandé.
  • on fait les bonnes choses mais on ne les fait pas bien : ex : fournir un produit  correspondant au cahier des charges demandé, mais avec beaucoup de déchet, et avec un coût de production trop élevé par rapport aux concurrents.

Etre efficace, c’est avant tout :

  • produire de manière cohérente par rapport à ses moyens et aux possibilités de son entreprise ;
  • avoir une bonne maîtrise technique de son atelier : les leviers d’action sont nombreux : qualité du lait, système fourrager, alimentation, élevage des génisses, organisation du travail ;
  • connaître ses coûts de production, les suivre régulièrement pour les maîtriser le mieux possible.

Chaque année, les résultats Ecolait montrent que malgré un contexte économique fluctuant, chaque système : intensif, herbager, bio, gros troupeau, dans chaque région de France peut être efficace s'il respecte ces trois points. Le challenge est certes plus difficile.

Comment savoir si je suis efficace ?

Pour savoir si je suis efficace, il faut d’abord savoir en quoi je veux l’être : rentabilité économique, maîtrise du temps de travail, maintien et création d’emploi, rentabiliser rapidement mon nouveau bâtiment, pouvoir déléguer rapidement la gestion du troupeau à un nouvel associé, gagner plus en travaillant moins, être connu, me faire remplacer le plus facilement possible, pouvoir faire tout seul…

Il faut donc s’être fixé au préalable des objectifs clairs et précis : (objectifs SMART : Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes et Temporels) et vérifier régulièrement si ces objectifs sont atteints ou pas.

Il faut aussi apprécier, pour un critère donné, si le potentiel de l’exploitation est utilisé au mieux : la méthode la plus pertinente est de pouvoir se situer par rapport à un groupe d’autres producteurs et d’identifier ses points forts et ses points d’amélioration. Elle passe par les échanges en groupes en vue de progresser. (figure 1)

Autofinancement de l'atelier lait
Autofinancement de l'atelier lait après rémunération de la main d'oeuvre.(©BTPL)

Figure 1 : Critère d’efficacité mesuré : Capacité d’autofinancement/UMO lait en fonction du lait produit/UMO lait : comment est-ce que je me situe par rapport à d’autres exploitations ?           

  • Entre les zones 1 et 3 : je suis dans la moyenne : est-ce que je peux mieux faire ?
  • Zone 1 : plutôt mieux que la moyenne, mon efficacité est bonne.
  • Zone 2 : beaucoup mieux que la moyenne : comment faire pour que cela dure ?
  • Zone 3:  plutôt moins bien que la moyenne : je dois identifier mes marges de progrès.
  • Zone 4: une situation exceptionnelle explique-t-elle ses résultats ? Quelle mesure d’urgence ?

Être plus productif n’est-ce pas aussi ÊTRE plus efficace ?

Le figure 2 montre effectivement une tendance de fond à l’amélioration de la capacité d’autofinancement par unité de main d’œuvre après rémunération avec le litrage produit par unité de main d’œuvre avec toutefois :

  • Un plafonnement de la tendance quand le litrage devient important,
  • De fortes disparités entre exploitations, qui vont en augmentant avec la taille des ateliers laitiers.

Figure 2 : évolution de la capacité d’autofinancement de l’atelier laitier/UMO lait après rémunération de la main d’œuvre avec le litrage produit par unité de main d’œuvre

Capacité d'autofinancement de l'atelier lait après rémunération de la main d'oeuvre
Capacité d'autofinancement de l'atelier lait après rémunération de la main d'oeuvre (©BTPL)

On peut avoir la même productivité que son voisin, mais pas la même efficacité :

A : productivité : 350 000 l/ CAF/UMO après p privés : 22 000 €

B : productivité : 350 000 l/ CAF/UMO après p privés : 0 €

On peut être plus productif que son voisin et moins efficace que celui-ci ?

A : productivité : 350 000 l/ CAF/UMO après p privés : 22 000 €

C : productivité : 500 000 l/ CAF/UMO après p privés : 0 €

Comment améliorer son efficacité ?

- Identifier des objectifs clairs et précis : méthode SMART de définition d’objectifs (Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes et Temporels).

- Identifier les actions qui auront le plus fort impact par rapport à mes objectifs.

- Se poser la question : si je change ceci, qu’est-ce que ça va me coûter et me rapporter ?

  • Intrants utilisés (fourrages, aliments achetés, travail, etc..)
  • Méthodes (âge au vêlage, élevage des génisses , intensification, recours à plus de sous-traitance, simplification du travail, etc..)
  • Technologies utilisées (équipements de traite, une grosse mélangeuse ou une plus petite avec deux passages, automatisation etc…)
  • Organisation, règles de fonctionnement, relations entre personnes travaillant sur l’exploitation.

- Utiliser l’analyse de groupe pour se situer, se comparer : un outil essentiel pour se situer, mesurer l’efficacité de son système et échanger.

Concrètement, vaut-il mieux être plus productif ou plus efficace ?

Raisonner productivité, c’est se focaliser uniquement sur la production et la quantité de travail réalisée dans le temps : la productivité indique le potentiel de l’exploitation.

  • De quel niveau partez-vous, où voulez-vous aller ? En avez-vous les moyens humains, techniques, financiers ?
  • Augmenter la productivité vous permettra-t-il de vraiment évoluer ? Etre plus productif vous aidera-t-il à atteindre vos objectifs (personnels et professionnels) ?  
  • Ne vaut-il pas mieux rechercher l’efficacité avant la productivité ?

Raisonner efficacité :  c’est  se préoccuper du meilleur résultat possible avec les moyens dont on dispose, mais aussi de la cohérence entre des objectifs que l’on s’est fixés au départ et le résultat obtenu. Exemple : dégager le maximum d’EBE pour rembourser des annuités importantes et payer des salariés, dégager le maximum de temps pour une activité en dehors de l’exploitation, ce qui peut passer par la sous-traitance de certaines activités, et un résultat qui ne sera pas le maximum escompté.

Raisonner efficacité c’est aussi chercher à optimiser et à obtenir le plus rapidement possible les résultats, plutôt que d’anticiper sur le long terme. On peut être efficace aujourd’hui mais ne plus l’être demain si le contexte change. L’efficacité est une notion qui n’est pas figée et évolue avec le temps.

Un compromis pas toujours facile : allier efficacité et productivité pour être performant

Pyramide efficacité et productivité
 (©BTPL)

  • Avoir un minimum de productivité permet d’avoir un potentiel d’adaptation aux événements extérieurs.
  • Augmenter la productivité doit se faire avec le moins de perte d’efficacité possible : augmentation de la productivité signifie donc remise en cause permanente de ses pratiques passées et actuelles.
  • Une exploitation efficace, ce n’est pas une question de taille, ni d’investissement !
  • Une exploitation  efficace utilise à son plein potentiel ses intrants et ce, dans les bonnes proportions ! Faire mieux avant de faire plus.
  • L’efficacité ne peut se mesurer qu’en fonction d’objectifs que vous vous êtes fixés au préalable : on ne peut pas être efficace dans tous les domaines.

Etre productif et efficace, est-ce suffisant pour être compétitif ?

La compétitivité est l’aptitude pour une entreprise, un secteur ou l’ensemble des entreprises d’une économie à faire face à la concurrence effective ou potentielle.

La compétitivité peut se jouer à deux niveaux : « par les prix » ou « par les coûts ».

La recherche d’une compétitivité par les prix se réalisera en général par une politique d’économies d’échelle ou encore le développement du progrès technique visant à réaliser des gains de productivité, et à une dilution de certaines charges par le volume produit.

La recherche d’une compétitivité par la diminution des coûts de production peut cependant se passer de gains de productivité. Ces coûts ne peuvent cependant pas descendre sous un certain seuil.

D’autres facteurs plus globaux et non maîtrisables entrent en jeu : coût des terres, coût de la main d’œuvre, contraintes réglementaires, niveau d’imposition, de charges sociales, organisation des filières, politiques d’aides à certaines productions etc…

Parmi les facteurs de compétitivité, l’efficacité et la maîtrise technique restent essentielles pour l’avenir.

Dans un contexte économique difficile, la recherche d’efficacité reste primordiale.

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Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
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