Avec un prix du lait en France à 379 €/1 000 l en juillet, désormais supérieur au prix allemand, les trésoreries des producteurs connaissent un répit salutaire. Et la collecte est toujours très dynamique (+6 %), portée par de très bonnes conditions fourragères. Mais des nuages noirs s'annoncent à l'horizon. En moins de deux mois, la cotation Atla de la poudre maigre a chuté de 800 €/t (soit - 28 %). Le beurre a suivi la même pente. Malgré une demande mondiale toujours bien orientée, le marché européen des ingrédients laitiers s'est déséquilibré. En cause, l'embargo russe qui prive de débouchés 120 000 t de fromage et 20 000 t de beurre. En 2013, la Russie a capté l'équivalent de 2,2 Mt de lait européen. C'est le premier client de l'UE, devant la Chine. Si la France exporte peu en Russie, l'embargo provoque un effet domino qui atteint tous les États membres. Les principaux fournisseurs que sont les Pays-Bas, la Finlande, l'Allemagne et la Pologne ont rapidement réorienté leur fabrication de fromages sur le couple beurre-poudre, faisant s'écrouler les cotations européennes. Dans le même temps, les cours mondiaux sont en net recul sous la pression d'une collecte en forte progression en Océanie et en Europe. « Nous n'avons pas beaucoup de visibilité aujourd'hui sur les marchés. Dans une conjoncture baissière, les acheteurs ont tendance à attendre. Notre seule certitude est qu'il y a des stocks importants dans les entreprises et qu'il y aura un excédent de matière dans les prochains mois », note un opérateur.
La France touchée fin 2014 ?
En Lituanie, le prix du lait au producteur est déjà tombé à 210 €/t en septembre et l'Allemagne annonce 300 € en décembre. La France, et son prix du lait décalé de trois mois par rapport aux marchés, ne devrait pas être touchée avant la fin de l'année, mais janvier 2015 pourrait être un cap douloureux pour les producteurs. Face à cette crise annoncée, la Commission européenne a déclenché les aides au stockage privé du beurre, de la poudre de lait et des fromages. Un outil jugé inutile par certains économistes. « Quel opérateur va stocker dans un marché qui s'écroule et sans visibilité ? La logique est plutôt de vendre au plus vite. Seuls des achats massifs à l'intervention pourraient rééquilibrer le marché. Retirer 20 000 t de poudre et 10 000 t de beurre tous les mois, l'équivalent en lait des exportations vers la Russie, permettrait d'enrayer la baisse des prix en attendant que les marchés se rééquilibrent. » Mais le prix d'intervention est à un niveau si bas (1 698 €/t pour la poudre et 2 217 €/t pour le beurre) qu'il valorise le lait entre 200 et 220 €/1 000 l. Inacceptable pour les producteurs et du plus mauvais effet à quelques mois de la sortie des quotas. L'interprofession française demande à la Commission de relever ce prix d'intervention pour amorcer un retrait rapide de produits. Les transformateurs européens, représentés par EDA, appuient cette demande. Un consensus semblerait donc se dessiner en faveur de cette mesure dans l'UE. Reste à savoir à quel prix d'intervention la Commission fera sa proposition au Conseil des ministres, qui statuera ensuite à la majorité qualifiée.
DOMINIQUE GRÉMY
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