Assistanat ou lancement de projet économiquement viable ? L'ambitieux programme d'aide publique aux éleveurs de petits troupeaux laitiers, initié en Argentine en 2010, est ici sans précédent. Gratuitement, l'État a remis jusqu'à aujourd'hui 2 000 trayeuses mécaniques de deux postes chacune, et les bénéficiaires sont suivis par un technicien de l'Institut national de technologie agricole. Les autorités argentines suivent ainsi le pas du Brésil, dont le programme « Seau plein », sous la tutelle de la même agence nationale de recherche agricole, montre des résultats encourageants.
Améliorer le revenu et la qualité de vie des petits éleveurs
Les Argentins sont allés plus loin en fournissant la trayeuse. L'initiative laisse toutefois les professionnels dubitatifs : « En dessous de 500 l/j, les laiteries ne collecteront pas le lait. Or, une vingtaine de vaches ne fournit pas la moitié de ce volume seuil. Les éleveurs seront donc toujours obligés de traiter avec la mafia de la crème de lait », remarque Pablo Edwards, gérant d'un grand troupeau. « Un élevage n'est pas rentable s'il produit moins de 4 000 l/j », renchérit Omar Barchetta, député national et vice-président de la Fédération agraire argentine.
«Le but est de remplacer la traite à la main pour augmenter la production et les revenus de l'éleveur, mais surtout améliorer sa qualité de vie», explique Diego Merlo, coordinateur du programme implanté à General Rodríguez, dans la banlieue de Buenos Aires. Il est révolté par ceux qui y voient surtout une façon de glaner le vote des gens pauvres : « Est-ce mal de leur fournir un outil de travail d'une valeur de 1 000 € ? Ces personnes ont souvent une vision non marchande de l'activité. Leurs critères sont autres que la compétitivité ». À General Rodríguez se trouve la plus grande laiterie du pays, La Serenísima, en partie détenue par Danone. Sept trayeuses ont été livrées à des éleveurs dans un rayon de 10 km de cette laiterie. Mais aucun ne la fournit. Liliana Poletti et son mari lui livraient jusqu'en 1995, mais l'insuffisance de leur volume les a mis sur la touche. Ils élèvent 15 vaches sur 20 ha inondables. « La machine a soulagé la corvée à la main. Je vends en direct notre beurre, notre mozzarella et une partie de notre lait sur un marché. Le reste est vendu au noir. Ils nous paient ce qu'ils veulent et viennent quand ils veulent. Nous dégageons un revenu de 800 € par mois. Les veaux sont nos économies. »
À l'autre extrémité, certains s'agrandissent toujours plus
Leurs voisins Alfredo Fernandez et Patricia Piclu sont un cas extrême. Sur 3 ha, ils élèvent six jersiaises dont le lait est transformé en beurre et en mozzarella bio. « C'est beaucoup de travail, mais nous nous en sortons bien », raconte Alfredo, reconnaissant que la taille de leur troupeau est limite pour rentabiliser l'affaire. À l'autre extrémité, d'autres s'agrandissent toujours plus. Le groupe international Adecoagro détient 3 000 vaches argentines donnant 38 Ml par an. Le dernier projet en date est celui de la laiterie Al-Marai, d'Arabie Saoudite, qui prétend investir 100 M€ dans la production de 17 000 ha de luzerne pour approvisionner son marché depuis l'Argentine.
MARC-HENRY ANDRÉ
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