Où en est-on des discussions sur la réforme de la Pac pour l'après-2014 ?
Michel Dantin : La dernière proposition d'Herman van Rompuy, le président du Conseil européen, revient à baisser de 2 % les aides du premier pilier (aides directes, Organisation commune de marché) et de 10 % celles du second (ICHN, PHAE, installation, aides aux investissements, agriculture biologique, forêt…). Pour le premier pilier, le débat porte sur la vitesse de convergence des aides directes entre les agriculteurs et entre les pays. Pour les Français, il se situe plus à l'intérieur de l'Hexagone qu'à l'extérieur. Si les DPU moyens nationaux (280 €/ha) sont proches du niveau européen (271 €/ha), les écarts sont en effet plus accentués entre les agriculteurs : en France, ils vont de moins de 50 €/ha dans les Alpes-Maritimes à 660 € dans un arrondissement de l'Aisne. En Europe, ils varient de 84 €/ha en Lettonie à 450 € en Grèce. Alors que les pays de l'Est appellent une convergence la plus rapide possible, la France souhaite qu'elle se fasse le plus lentement possible. Un tempo plus progressif que celui envisagé initialement par la Commission de Bruxelles permettrait d'atteindre deux tiers de la valeur cible d'ici à 2019, puis 100 % en 2024. Sur le verdissement, des discussions avec des positions différentes sont en cours.
En matière de régulation laitière, les parlementaires européens, codécisionnaires de la Pac, n'ont-ils pas loupé le coche avec le paquet lait ?
M.D. : Il n'y avait pas de majorité au Parlement pour aller plus loin en matière de régulation laitière. La responsabilité de mettre en oeuvre certains dispositifs, tels que l'élargissement du stockage privé aux associations de producteurs, a été renvoyée à l'OCM. Alors que la plupart des outils d'intervention publique ont été démantelés ces dernières années sous la pression des libéraux, l'Allemagne veut aujourd'hui les démanteler entièrement. Personnellement, je prône un renforcement de l'organisation des producteurs. Mais vouloir s'organiser est une chose, le pouvoir en est une autre. Compte tenu des dérives actuelles du système, une clarification du droit de la concurrence, une harmonisation dans l'interprétation et l'application des règles en Europe sont indispensables.
Votre proposition de verser, en temps de crise, une aide aux producteurs qui réduiraient leur livraison d'au moins 5 % pendant 3 mois peut-elle aboutir ?
M.D. : En 2009, les petites et moyennes exploitations ont baissé leur production en tirant sur les concentrés, alors que les grosses sont allées chercher les coûts marginaux. Au Parlement, quatre groupes sur six sont favorables à ma proposition qui prévoit également que les exploitations qui augmenteraient de plus de 5 % leur livraison, pourraient être pénalisées. Un tel système d'aides coûterait moins cher que de gérer des stocks.
Ne faudrait-il pas un rééquilibrage des aides en faveur de l'élevage ?
M.D. : La part de l'élevage dans l'Hexagone étant inférieure à ce qu'elle est en Europe, notre intérêt français n'est pas de faire glisser une partie des aides des régions céréalières vers l'élevage au plan européen. Nous perdrions une partie de notre enveloppe au profit de pays voisins (jusqu'à 1,5 milliard d'euros). Mieux vaut approfondir la voie initiée par les céréaliers sur le plan national avec la création du fonds de solidarité, dont le niveau est certes insuffisant aujourd'hui. Une gestion plus ingénieuse du second pilier, avec une meilleure utilisation des aides environnementales en faveur de l'élevage, doit également être possible. En la matière, l'Allemagne et la Lituanie ont une longueur d'avance. Et la proposition française de majorer le paiement de base des aides directes sur les premiers hectares devrait passer.
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