
Sûr de voir sa demande d'AOP retoquée à Bruxelles, le gruyère français met tous ses espoirs dans une IGP, signe de qualité qui offre la même protection dans l'UE.
Il n'y aura pas d'AOP gruyère français, pas plus que d'AOP gruyère suisse. Le syndicat du gruyère français a renoncé à sa demande de reconnaissance en AOP vouée à l'échec. Point de litige avec Bruxelles qui l'a alerté : la non-unicité des zones de production de lait, d'affinage et de conditionnement. Ce casus belli vaut aussi pour le gruyère AOC suisse. La conséquence est lourde pour les Français. Elle signe la disparition, à terme, de leur AOC* dont le décret avait été signé le 30 mars 2007, clôturant dix ans de procédure. On l'oublie, mais pour être entérinée, une AOC doit obtenir son passeport européen, l'AOP.
Un cahier des charges aussi strict que celui de l'AOC
Les Suisses s'en tirent à meilleur compte. Certes, ils n'ont aucune chance, pour les mêmes raisons que les Français, d'obtenir l'AOP s'ils la demandaient. Mais ils pourront garder leur AOC nationale et la vendre sur le marché européen. Cela en vertu d'un accord bilatéral récent qui grave dans le marbre la reconnaissance mutuelle entre l'UE et la Suisse de leurs signes de qualité respectifs. Le gruyère suisse en fait partie (pas l'emmental). La fin programmée du gruyère AOC français signe-t-elle aussi celle des espoirs d'une meilleure valorisation du lait pour les systèmes foin-regain de Haute- Saône (exclus de la zone AOC comté) ? Absolument pas. Encouragé par Paris, qui juge le dossier stratégique, et conscient des enjeux territoriaux, le syndicat du gruyère français s'est vite réorienté sur une démarche de reconnaissance IGP… signe de qualité qui offre les mêmes garanties et niveaux de protection européenne qu'une AOP. Tout au plus, une IGP permet-elle de s'appuyer sur un cahier des charges plus souple pour traiter du lien au terroir. Ce ne sera pas le cas pour l'IGP gruyère qui a fait un « copier-coller » du cahier des charges de son AOC.
Verdict final de Bruxelles attendu fin 2011
Cela lui a permis au passage de gagner un temps précieux, cette rédaction toujours délicate sur le plan politique prenant pour le moins deux ans. Résultat : en mai, le syndicat déposait sa demande d'IGP à l'INAO. Elle a abouti au lancement d'une procédure nationale d'opposition le 10 juillet et close le 10 septembre sans objection particulière. Le dossier validé dans la foulée par l'Inao s'est traduite par la reconnaissance officielle par Paris de l'IGP gruyère français au JO du 10 Octobre dernier. C'est désormais au tour de Bruxelles qui a reçu le dossier d'ouvrir sa propre procédure d'opposition. Verdict attendu fin 2011 avec, au final, seulement six mois perdus sur la démarche AOP si elle avait été menée à son terme.
La partie est-elle gagnée pour autant ? Pas vraiment. On peut s'attendre à des oppositions de certains États membres et de pays tiers qui considèrent le nom « gruyère » comme générique. Mais la priorité donnée aujourd'hui par l'UE à la protection de ces signes de qualité et au soutien des zones difficiles laisse de vrais espoirs.
Une certitude : ce ne sont pas les Suisses qui poseront des problèmes. Si la démarche IGP échouait, l'AOC gruyère française tomberait et l'AOC gruyère suisse se retrouverait seule. Mais à défaut de pouvoir prétendre à une AOP, la Suisse ne pourrait pas empêcher n'importe quel industriel européen de vendre dans l'UE du gruyère sous un nom commercial... sauf si le « gruyère » est protégé par une IGP.
JEAN-MICHEL VOCORET
* L'AOC gruyère français perdurera jusqu'au verdict du dossier IGP.
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