Croyez-vous à une explosion de la production européenne après 2015 ?
Luc Morelon : Bien sûr. L'Irlande, les Pays-Bas et d'autres en Europe annoncent des hausses de production de 20 %. Ces éleveurs sont endettés et ont besoin de volume. L'administration néerlandaise est derrière eux. Malgré les contraintes environnementales, ils se préparent à augmenter. Je m'attends donc à une baisse du prix du lait en 2015.
La filière française est-elle suffisamment compétitive ?
L.M. : Quatre leaders mondiaux de la transformation sont français. Ce n'est pas si mal. Mais la chute d'Entremont a montré qu'il existe des entreprises fragilisées par une grande dépendance vis-à-vis des produits industriels. Il est vrai aussi que les transformateurs français supportent des charges supérieures à celles de leurs concurrents, mais cela s'explique puisqu'ils dégagent plus de valeur ajoutée. Le problème n'est donc pas là. Quant aux éleveurs, on voit les difficultés qu'ils ont rencontrées en 2009, alors que le lait leur était payé 35 /1 000 l de plus qu'en Allemagne. Ceci révèle un vrai problème de compétitivité. Des tas d'études ont pointé les faiblesses : une taille insuffisante, une productivité du travail et de l'animal trop faible.
Pourquoi ce retard ?
L.M. : Cela s'explique par vingt-cinq ans d'une politique de cogestion qui n'a pas bougé d'un millimètre. Aujourd'hui, le système syndical est déstabilisé par des minoritaires qui revendiquent leur droit de s'exprimer. Bien qu'il s'agisse d'une situation qui concerne le collège des producteurs, sur laquelle les transformateurs n'ont pas à prendre parti, le système est bloqué. De plus, à trop vouloir répartir le lait sur l'ensemble du territoire et favoriser systématiquement les petits élevages, on a bridé les plus dynamiques. Aujourd'hui encore, on installe des jeunes avec 150 000 l de lait. Comment peut-on les laisser croire qu'ils pourront vivre avec ça ? Et pourtant, les éleveurs français ont des atouts. Ils n'ont pas à rougir de leurs compétences techniques. Ils bénéficient, notamment dans l'ouest, d'un contexte pédoclimatique très favorable.
On parle d'une gestion des quotas par bassin laitier, de contractualisation, de prix et volumes différenciés. Qu'en pensez-vous ?
L.M. : J'attends de connaître la définition d'un bassin laitier. Certes, on pourrait y gagner un peu de souplesse. Mais on risque fort d'assimiler ces bassins aux régions administratives. Et surtout, cela ne règle en rien le problème de fond. Le système ne fonctionne plus. Les interprofessions ne décideront rien si les producteurs ne sont pas d'accord entre eux. Quant au système des prix et volumes différenciés, je n'y vois que des inconvénients. Cela ne protège en rien les éleveurs, bien au contraire. La contractualisation offre une piste. Mais tant que les quotas sont en place, on ne peut pas y parler de volume. Ce dont nous avons absolument besoin aujourd'hui, c'est d'un système qui permette aux éleveurs de se préparer à la fin des quotas.
Que faut-il faire pour se préparer ?
L.M. : Il est vraiment souhaitable de remettre en cause tout ce montage administré, d'oublier le lien du quota au foncier, et de laisser les éleveurs dynamiques se développer. Avec deux bémols, cependant. D'abord, pour protéger les régions les plus fragiles. Ensuite, pour ne pas se laisser déborder par des volumes de lait difficiles à valoriser correctement. Si on arrive à prendre cette décision très vite, la France rebondira après les quotas. En 2008, en Ille-et-Vilaine, les livraisons ont augmenté de 22 %. Cela donne une idée du potentiel de certains. Ils ont l'envie de devenir plus compétitifs, il faut leur en donner les moyens. Sinon, qui en France sera capable de supporter la baisse des prix après 2015 ?
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