Votre cahier des charges limite déjà le niveau d'intensification laitière. Pourquoi vouloir en plus figer le lait/ha ?
Claude Vermot-Desroches : L'Union européenne vient de nous reconnaître le droit de plafonner la productivité des surfaces fourragères de chaque exploitation au niveau atteint lors de la meilleure campagne de 2008-2009 à 2012-2013, augmentée de 10 %. Tout cela au titre du maintien de la qualité et de la spécificité du terroir. Le comté vend une promesse au consommateur : celle d'une agriculture de type extensive respectant la nature, d'une économie équitable... Il nous a paru important de le rassurer car nous savons que malgré notre cahier des charges contraignant, il y a un potentiel de croissance de la productivité laitière qui nous mettrait vite en porte-à-faux. On ne vend pas du fromage, on vend un massif du Jura vivant, des montbéliardes qui pâturent, une activité artisanale modernisée, une campagne riche d'exploitations familiales... Nous sommes aussi interpellés par les associations environnementales à propos des problèmes rencontrés dans certaines rivières. Ce sera donc un défi que de pouvoir accroître de 10 % la productivité actuelle sans balayer tout notre édifice.
Définir une productivité sur un historique n'est-il pas injuste ?
C. V.-D. : Je comprends le sentiment d'injustice qui peut être ressenti. Mais le comté doit rester cohérent avec son histoire et sa diversité. Il y a des secteurs à 2 000 et 4 000 l/ha, car au-delà du savoir-faire des éleveurs, il existe des conditions pédoclimatiques extrêmes : une altitude allant de 200 à 1 400 m, une profondeur de sol de 1 m à 10 cm, des différences de pluviométrie de près de 1 000 mm... Et plutôt que limiter le lait par vache, nous avons estimé qu'il valait mieux prendre en compte l'existant dessiné par nos conditions naturelles. Pour autant, nous travaillons maintenant à la définition de cette productivité laitière par hectare pour intégrer au mieux les projets des agriculteurs, comme les JA ou les nouveaux entrants dans la filière. Le débat sur une définition par rapport au lait produit, en référence ou en objectif, n'est pas tranché.
Cette mesure qui s'applique à tout le lait de l'exploitation, qu'il soit transformé en comté, morbier, mont d'or... ne va-t-elle pas limiter le potentiel de développement des AOC franc-comtoises ?
C. V.-D. : Sur la zone actuelle, tout le lait produit dans le cadre du cahier des charges de ces AOC n'est pas transformé en AOC. Il faut aussi compter avec la souplesse des 10 % sur quelque 800 Ml en AOC et avec celle qui découlera de la définition de la productivité par ha. Toute la SAU n'est pas non plus vouée au lait AOC (lait standard, vaches allaitantes...). Il y a là assez de marge pour répondre pendant plus de quinze ans à une croissance des marchés qui continuerait au rythme de 1,5 % par an. Qui dit produit de terroir, dit aussi potentiel de développement, avec une limite si on ne veut pas tromper le consommateur. C'est indispensable pour qu'il continue d'acheter un produit qui permet de rémunérer le lait AOC 100 à 150 €/1 000 l de plus que du lait standard.
Cela signifie que ce sont plutôt les nouveaux entrants que les producteurs historiques qui bénéficieront de cette croissance. Ne craignez-vous pas que cela mette à mal l'esprit collectif qui est votre force première ?
C. V.-D. : Une AOC est un bien public. Elle n'appartient pas aux producteurs, fromagers ou affineurs historiques. C'est une protection européenne ouverte au champ de la concurrence. S'il est vrai qu'il est moins facile de fédérer et de construire quand l'économie est florissante, je reste confiant dans la capacité des acteurs de la filière à garder cet esprit collectif.
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