Aberrant. « Nous sommes le seul métier à avoir un carnet de commandes rempli au-delà d'un an et à savoir à l'avance que nous n'allons pas en vivre ou très mal ! », s'insurge Emmanuel Redureau, installé à Sallertaine (Vendée). Lui et son associé Lionel Bocquier y conduisent 65 laitières et 2 poulaillers sous label. Le tout sur 103 ha, surtout des prairies avec 25 ha de maïs dont 20 ha ensilés.
Leur indignation s'est renforcée cet hiver quand Lionel a pris la calculette. « Entre fin juillet, date de clôture, et fin décembre, avec la baisse du prix du lait, notre recette laitière a diminué de 8 000 € par rapport à 2011. Parallèlement, avec la hausse des aliments, nos dépenses ont grimpé de 4 600 € ! » Un manque à gagner donc de 12 600 € ! « Avec ce qu'on nous annonce, en fin de campagne, il pourrait atteindre 20 000 €, voire plus ! ». Un scandale pour eux qui déjà ne prélèvent chacun que 1 200 €/mois.
« Si rien ne change, l'élevage va disparaître »
Au fil des réunions, ils en ont parlé à des collègues. « Tous sont dans le même cas, alors que tous sont techniquement bons ! » Avec leurs normandes à 6 500 l et de bons taux (42/35) pour des concentrés maîtrisés à 150 g/l, Emmanuel et Lionel estiment ne pas être en reste. Pour le premier, pas de doute : « Si rien ne change, si l'on n'obtient pas des prix plus justes, l'élevage va disparaître. »
Une impression renforcée par les conversations et les appels téléphoniques qu'il reçoit. Alors, avec leurs collègues, ils ont alerté la presse locale, le 28 février 2013 : « Une action que nous voulions syndicalement non marquée, tant le sujet dépasse les clivages. Nous pensions être dix. Au final, nous étions une centaine dans la stabulation ce jour-là. » Ce premier succès les a motivés au point de lancer, sur internet, une pétition(1) à l'adresse du ministre… « Je veux le rencontrer pour lui dire qu'il y urgence, explique Emmanuel, mais après, pas question de rester à la tête d'un mouvement, je retourne à mes animaux. » Lionel a aussi conçu une feuille de calcul sur Excel, envoyée par mail à qui la demande. « Elle permet à chacun de calculer lui-même son manque à gagner avec juillet 2011 pour point zéro et en remplissant quelques cases : son quota, le prix du lait, et celui des concentrés… » D'autres versions ont été déclinées pour les producteurs de canards ou de lait de chèvre. Verdict à ce jour : « Pour 100 € de recettes, il nous faudrait tout de suite 0,068 € de plus en lait, 0,07 € en canard, 0,17 € en chèvre… autant dire rien sur le prix au consommateur. Si les décideurs ne s'en rendent pas compte, certains d'entre nous – ou parfois leurs épouses – feront d'autres choix que de rester éleveurs. Malgré leur passion. »
GWENAËL DEMONT
(1) Lancée le 7 mars, elle a recueilli au 27 mars 1 360 signatures http://petitionpublique.fr.
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