Avec une production nationale de pommes de terre de conservation en hausse de plus de 8 % en 2014 par rapport à la moyenne sur cinq ans, l’offre européenne dépasse ces dernières semaines la demande et les cours sont à un niveau historiquement bas. Dans les régions productrices, il n’était pas rare de trouver des opportunités d’achat à 20-25 €/t en dégagement à la récolte cet automne.
La pomme de terre contient environ 20 % de matière sèche pour 80 % d’eau. « A 30 €/t de pommes de terre, cela équivaut à 150 €/t de matière sèche. Selon le prix d’achat et le coût du transport, cet aliment peut être intéressant comparé aux prix des céréales, qui peuvent être revendues pour dégager de la trésorerie, estime Yan Mathioux nutritionniste du cabinet Bdm. C’est un produit très appétent, qui fonctionne bien pour les jeunes bovins à l’engraissement, comme pour les vaches laitières avec un effet positif sur les taux. Et contrairement aux céréales, il n'y a pas d’aplatissage, d'où un gain en termes de coût et de temps. »
Riches en énergie (1,20 UFL) et présentant un amidon plus lent et donc moins acidogène que celui du blé, la pomme de terre s’avère un aliment du bétail plus attractif pour les rations à base d’herbe que pour celles à base d’ensilage de maïs, déjà riches en énergie. Néanmoins, les patates apportent un produit juteux et frais dans les ensilages de maïs un peu trop secs.
10 kg par vache
A l’état frais, la pomme de terre peut être distribuée telle quelle, entière, non lavée et crue. D’après le nutritionniste, « les risques d’étouffement restent minimes, surtout si les pommes de terre sont attaquées par la mélangeuse. Mieux vaut tout de même maintenir les vaches bloquées au cornadis pour éviter qu’elles ne lèvent trop la tête. Cela évite aussi la compétition car les vaches dominantes pourraient rafler un grand nombre de pommes de terre, au risque d’attraper une bonne colique ! »
En effet, tout comme l’herbe jeune, la pomme de terre est riche en eau et en potassium. L’effet laxatif est facile à maîtriser jusqu’à 10 kilos bruts par animal, voire davantage si la ration est bien calée, suffisamment fibreuse et ne dépasset pas 25 % d’amidon en vaches laitières et jusqu’à 35 % en engraissement. Il est conseillé de faire une transition alimentaire sur une semaine en deux ou trois fois, en réduisant d’autant la complémentation en céréales.
Conservation en frais
Passé la récolte, l’approvisionnement se fera en pommes de terre de conservation de gros calibre, stockées en frigo. Cela signifie qu’il faut parvenir à écouler la livraison dans le mois qui suit, car les pommes de terre pourrissent rapidement une fois sorties de la chambre froide.
Il faut les stocker au frais et à l’abri de la lumière pour éviter le verdissement (toxique) et la germination des tubercules. Le stockage sur une dalle de béton extérieure avec une couverture en paille sur le tas convient mieux que le bâchage. « A priori, il y a peu de risques à distribuer des pommes de terre gelées. Par contre, elles se mettront à pourrir très rapidement après le dégel », prévient Yan Mathioux.
Ou en "silo sandwich"
« L’idéal est de conserver les patates en sandwich dans le milieu du silo de maïs, conseille le nutritionniste. Une couche de 50 cm de pommes de terre non écrasées, prise entre un bon mètre de maïs en-dessous et au-dessous, permettra au tubercule de "cuire" et de ramollir sans pourrir. Il n’est pas nécessaire de laver les patates si elles sont destinées aux bovins viande, mais il faudra impérativement éliminer la terre si elles sont distribuées au troupeau laitier afin d’éviter les risque de fermentations butyriques dans le silo.
D’après le Comité interprofessionnel de la pomme de terre (Cnipt), il est également possible de conserver les pommes de terre en ensilage pur. Pour cela, il faut hacher grossièrement les pommes de terre avec un rotavator, voire les écraser avec les roues d’un tracteur, avant de les entasser dans un silo couloir. Il est recommandé de recouvrir le silo d’une bâche plastique, chargée de sable ou d’autres matériaux, car il ne peut être tassé.
Le silo laisse écouler des quantités importantes de jus pendant plusieurs jours, représentant un tiers à la moitié du poids. Ces jus malodorants sont très appréciés des animaux et il est donc conseillé de trouver un moyen pour les récupérer. Après ensilage, le taux moyen de matière sèche des pommes de terre se situe autour de 30 %. Il est possible de limiter ces pertes de jus en associant aux pommes de terre d’autres produits en mélange, tels de la paille, du foin, de l’herbe préfanée, de la pulpe de betterave surpressée, du maïs.
Selon le Cnipt, deux techniques sont possibles.
- En lits alternés dans un silo (taupinière ou couloir), en mettant une couche de fourrage sur 30 à 40 cm, puis une couche de pommes de terre entières sur la même hauteur, et continuer ainsi de suite en tassant simultanément après chaque couche de fourrage.
- En mélange, à l’aide d’une remorque mélangeuse (10 % de paille et 90 % de pommes de terre) : les pommes de terre et la paille seront grossièrement broyées ou hachées et projetées dans le silo en une seule opération. Là aussi, il faut tasser au fur et à mesure. La densité du mélange est de 900 à 1.000 kg/m3. Au bout de deux à trois semaines, le silo diminue d’un quart à un tiers de sa hauteur.
risquent d'en manger davantage. (©Terre-net Média)