
Dans les élevages laitiers, la crise du bio continue de se faire sentir, particulièrement en Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) qui a subi la plus forte baisse de collecte. Quelques signaux de reprise semblent toutefois encourageants pour la filière.
Avec 3 970 livreurs [chiffre de juin 2024, NDLR] pour 1,2 milliard de litres produits sur 2023, le lait bio vit des heures difficiles. Après une période faste entre 2017 et 2022 - doublement des livreurs et des volumes sur cette période -, la filière a vu la courbe de son activité s’inverser provoquant un arrêt de ces ateliers dans les fermes. Au total, près de 8 % des producteurs de lait bio ont cessé leur activité depuis juin 2022, dont une moitié qui est retourné en élevage conventionnel et une autre qui a mis fin à la production laitière.
« Jusqu’à 2022, la filière bio avait pourtant un bon taux de renouvellement avec seulement 1 % d’arrêt », note Corentin Puvilland, économiste de la filière laitière au Cniel, à l’occasion d’une journée autour de la filière lait bio en Auvergne-Rhône-Alpes (1). À ses côtés, Thierry Gastou, directeur du Criel Alpes Massif-Central, poursuit : « Le bio aidait à tamponner la déprise laitière sur nos territoires. Malheureusement, aujourd’hui, il y participe... »
D’autres facteurs ont aussi amplifié ce phénomène, comme le note Jean-Pierre Monier, conseiller en élevage laitier à la chambre d’agriculture de la Loire : « C’est aussi un problème structurel de manque de main d’œuvre et de charge de travail. Les producteurs de plus de 50 ans [près de la moitié, NDLR] passent en vaches allaitantes pour finir leur carrière », la traite quotidienne étant relativement contraignante pour les éleveurs.
11,8 % de lait en moins en Auvergne-Rhône-Alpes
Troisième région de France pour la collecte laitière biologique, la filière auvergnate et rhône-alpine a été l’une des plus touchées par cette crise du lait bio avec 11,8 % collecté en moins entre juin 2023 et juin 2024. Sur le territoire, les revenus des producteurs de lait, et notamment de lait bio, ont été particulièrement impactés par l’inflation. « En Auvergne-Rhône-Alpes, la part montagne est très importante, rappelle Thierry Gastou. Ce sont des exploitations, à priori, plus fragiles que les autres et qui sont touchées de plein fouet par cette crise. »
Dans ces zones où l’autonomie alimentaire est moindre, les coûts de production ont explosé avec l’inflation. D’après les estimations de revenus de l'Institut de l'élevage, les éleveurs de plaine auraient réussi à maintenir une certaine stabilité grâce à des efforts d’autonomie, alors que les fermes de montagne ont vu leur revenu baisser. L’écart de prix de revient entre le lait bio de plaine et de montagne est aujourd’hui de 130 euros, contre 70 à 80 avant la crise. D’après une étude des chambres d’agriculture (via le réseau Inosys) réalisée avec 29 exploitations du Massif central, les producteurs de lait de vache bio ont perdu 10 % de leur revenu entre 2022 et 2023.
La situation pourrait toutefois se stabiliser, avec la baisse du prix des aliments et du GNR. Après une dégringolade en 2021, les prix du lait bio remontent. En Aura, ils sont même supérieurs au niveau national : 501 € pour 1 000 litres de lait, contre 492 € en moyenne dans le pays. Dans ce contexte, les éleveurs bio ont tenté de résister en s’adaptant. Certains ont choisi de réduire leur production en attendant des jours meilleurs, tandis que d’autres ont, au contraire, augmenté leur volume de lait transformé pour aller chercher de nouveaux débouchés en local. Ces stratégies, couplées à un renforcement de l’autonomie fourragère en implantant divers méteils et davantage de prairies, ont permis de maîtriser les coûts de production et d’augmenter le prix de revient du lait en attendant des jours meilleurs, notamment pour les investissements nécessaires.
Une reprise de la consommation attendue
La filière commence d’ailleurs à voir la lumière au bout du tunnel. La consommation d’abord semble reprendre. Après une chute de près 30 % des vente en équivalent lait bio depuis 2019 dans les grandes et moyennes surfaces, cette baisse connaît un ralentissement, « le nombre de références bio dans les circuits généralistes devraient donc cesser de diminuer », assure Bastien Boissonnier, chargé des filières au Cluster bio. En circuits spécialisés, la courbe tend même à se stabiliser. « La réduction de l’offre en GMS ramène des clients en magasins bio, observe encore Bastien Boissonnier. La dynamique est tirée par les fruits et légumes et le rayon frais, dont les produits laitiers qui font partie des favoris pour les consommateurs bio. »
Autre dynamique notable chez les consommateurs : une tendance vers une relocalisation des produits laitiers. « Cette demande accrue pour des produits de proximité pourrait servir de levier pour revitaliser la filière bio », assure Bastien Boissonnier avec optimisme. L’exemple des marchés bio allemands et anglais qui commencent à rebondir laisse d’ailleurs espérer une dynamique similaire en France. « Selon les prévisions, il est probable que la collecte nationale se stabilise autour de 1,15 milliard de litres d’ici fin 2025 », annonce Corentin Puvilland, économiste au Cniel. Et d’ajouter : « Mais cela nécessitera de surmonter des défis significatifs. »
(1) Journée financée par la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la DRAAF et organisée par la Chambre régionale d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes, la coopération agricole Auvergne-Rhône-Alpes, la Fédération régionale des agriculteurs biologiques d’Auvergne-Rhône-Alpes et le Cluster bio.
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