Face à la conjoncture et au climat, les élevages laitiers bio résistent

Un des leviers pour gagner en résilience consiste à allonger les périodes de pâturage d’automne et développer le pâturage hivernal quand c’est possible. (©Antoine Humeau)
Un des leviers pour gagner en résilience consiste à allonger les périodes de pâturage d’automne et développer le pâturage hivernal quand c’est possible. (©Antoine Humeau)

Les élevages laitiers bio des Pays de la Loire ont connu en 2022 une perte de revenu moyenne de 4 500 €/UTH à cause de la sécheresse et de la canicule. « Mais des leviers existent », assure Jean-Claude Huchon, ingénieur référent bio à la chambre d’agriculture. Explications.

S’il n’y avait pas eu ce fort impact climatique des deux dernières années, les élevages laitiers bio auraient bien supporté la flambée des prix des intrants et leur situation économique serait globalement équilibrée. C’est ce qui ressort des résultats de l’étude conduite par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire auprès de 200 fermes.

L’effet climat a entrainé une perte de revenu moyenne de près de 4 500 €/UTH (20 €/1 000 litres de lait produit). « On a quand-même des systèmes bio rémunérateurs et attractifs, quasiment tous trouvent repreneur », se rassure Jean-Claude Huchon, référent bio à la chambre d’agriculture. Il y a toutefois une forte disparité d’environ 15 000 € de résultat courant par UTA d’une ferme à l’autre.

Les élevages les plus autonomes ne sont pas forcément ceux qui ont le meilleur revenu.
Le revenu est globalement inférieur dans les systèmes 100 % herbe, cela s’explique par une productivité du travail par UTH un peu moindre. « Avoir un peu de maïs et un peu de complément permet d’avoir une diversité de fourrage et d’être un peu plus robuste vis-à-vis des aléas climatiques tout en étant un peu plus productif par vache, constate le technicien. Et avec une complémentation, on observe une meilleure rentabilité économique ». L’éleveur doit donc faire des choix. « Tout est affaire de priorité, certains éleveurs mettent l’autonomie en avant, d’autres préfèrent la mettre un petit peu en retrait pour viser une meilleure rémunération. »

Un prix de revient du lait nettement supérieur au prix payé

Les charges fixes connaissent toutes des augmentations préoccupantes depuis 2 ans : + 7,5 % en moyenne, dont + 100 % pour les carburants. Le prix du correcteur azoté a bondi de 40 %, passant de 811 € en 2020 à 1 150 € l’an dernier, alors même que la sécheresse et la canicule ont entrainé une baisse significative des rendements des prairies (- 13 %) et des maïs (- 20 % en moyenne, très variable selon la pluviométrie).

Malgré tout, en Pays de la Loire les éleveurs ont fait le choix de maintenir le volume de lait produit, alors que le prix payé se tasse, passant de 460 € à 456 €/1 000 litres depuis 2020. Les vaches ont consommé beaucoup plus de concentré, en dépit de la flambée des prix : + 60 kg par animal en 2022 par rapport à 2021.

Les charges opérationnelles ont progressé en moyenne de près de 5 000 € et les charges de structure de 6 500 €, pour les élevages intermédiaires (10 % de maïs). Des hausses qui ont été compensées par le produit viande.

Le prix de revient du lait se situe entre 504 et 562 €/1 000 l.
Le prix de revient du lait a augmenté en moyenne de 30 €, soit + 7 %. Il s’élevait à 504 €/1 000 litres pour les systèmes intermédiaires, et à 562 € pour les systèmes tout herbe. « Pour que ce soit rentable, si l’on maintient le choix d’une rémunération à deux Smic pour rester attractif, il faudrait donc une forte hausse du prix du lait », alerte Jean-Claude Huchon. Il était en moyenne à 473 € en 2022.

L’effet climat sur les exploitations laitières bio, c’est environ - 20 €/1 000 l ou - 4 800 €/UTA par rapport à 2021. « Si j’achetais les fourrages pour compenser les pertes de rendements des prairies et du maïs, l’impact serait de - 9 000 €, ce qui représente 10 % de l’EBE pour une ferme de deux actifs avec 81 vaches », développe l’ingénieur agro. « Cela incite à regarder dès maintenant les jauges de stocks et si les objectifs de production sont atteignables dans les élevages. »

Maintenir l’attractivité pour la transmission

Alors qu’un tiers des chefs d’exploitation ont plus de 55 ans, la perspective de la transmission a de quoi faire grincer des dents, parmi les futurs cédants. « La valeur économique des élevages est parfois plus faible que la valeur patrimoniale ou comptable », s’inquiète Jean-Claude Huchon.

Une valeur de reprise inférieure à ce que le futur retraité espérait, c’est peut-être une aubaine, pour les candidats à l’installation. « Pour les jeunes, c’est peut-être le moment de s’installer », suggère le spécialiste des élevages laitiers bio, malgré les mauvais signaux conjoncturels. « Il est difficile de bâtir un projet, on a fixé volontairement la rémunération à deux Smic, mais si le jeune décide de réduire la rémunération de 500 €/mois, cela lui donne une capacité d’emprunt supplémentaire de 100 000 €. »

Des leviers pour être plus résilient

Face à ces perspectives conjoncturelles et climatiques peu réjouissantes (les prairies, en Pays de la Loire, peinent à repartir), faut-il maintenir ou diminuer le lait vendu ? « Les élevages bio ont une efficacité de 50 % d’EBE avant main d’œuvre sur produit brut quel que soit le système, rappelle Jean-Claude Huchon. Pour pouvoir payer les annuités et rémunérer la main d’œuvre, il faut un niveau de produit minimum à atteindre. » Cela suppose donc de maintenir, soit par plus de vaches, soit avec une qualité de fourrage et une productivité minimum.

Le cap : réduire les charges pour produire du lait le moins cher possible.
Des leviers existent. Cela commence par la réduction des charges, notamment les achats de concentrés. Produire du lait avec des fourrages de qualité et moins coûteux reste donc un objectif impérieux. Développer le pâturage hivernal est une piste. Cela peut être associé à d’autres solutions comme le semis de colza au mois de mai pour avoir plus de fourrage pâturable en été et à l’automne, ou encore développer le chou fourrager pour augmenter encore ce pâturage jusqu’en décembre. « Ces axes permettent d’avoir un pâturage de qualité et azoté dans la ration des vaches, résume l’ingénieur référent bio. Les semis de prairies sous couvert facilitent aussi le rendement en première coupe et amènent du fourrage de qualité sur la ration hivernale. »

Ce moment de crise est l’occasion de faire le point sur la cohérence globale de son système. « Il y a urgence à se projeter pour vérifier les équilibres économiques, met en garde Jean-Claude Huchon. Définir une stratégie d’investissement, de complémentation pour vérifier si ça passe et vérifier cela à moyen terme. »

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
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Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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Maïs fourrage et herbe

Alternatives au maïs ensilage : 4 scénarios passés au crible

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