Au Gaec de Kroaz Ru : « Notre élevage simple et rentable séduit un jeune »

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membres du Gaec de Kroaz Ru dans le Finstère
Yves Cariou (au centre) et Dominique Le Gall (à droite) se sont associés en gaec en 2006. François, le fils de Dominique, travaille à temps partiel sur l'élevage et envisage de s'y installer. (© Maelig LE GALL)

Associés depuis près de vingt ans, Dominique Le Gall et Yves Cariou s’appuient sur le pâturage pour produire du lait de façon économe. Les résultats économiques sont bons et François, le fils de Dominique, envisage de les rejoindre.

C’est l’histoire de deux copains, installés en production laitière chacun de son côté, et qui se trouvent le dos au mur au moment où la mise aux normes s’impose. Dominique Le Gall et Yves Cariou sont voisins sur une commune du Finistère sud, Mahalon.

Nous sommes en 2005 et tous deux ont repris une exploitation familiale il y a une dizaine d’années. Yves a 55 vaches sur 55 ha et Dominique élève 45 prim’holsteins sur 45 ha. 2,5 km les séparent. Tous deux bénéficient encore de l’aide de leurs parents, mais savent que cela ne saurait durer. Surtout, leurs bâtiments ne sont plus conformes. Tout est à refaire pour respecter les normes environnementales. Les deux amis partagent leurs préoccupations et l’idée d’un projet commun émerge. « Construire un seul bâtiment plutôt que deux paraissait plus intéressant », se souvient Dominique. « Travailler ensemble pour bénéficier de week-ends et de vacances sans dépendre de nos parents présentait beaucoup d’avantages », renchérit Yves. Encore fallait-il qu’ils s’entendent pour construire une association pérenne. Les deux éleveurs avaient vu des Gaec exploser autour d’eux. Conscients des risques, mais malgré tout confiants, ils ont conçu leur projet avec prudence. En cas d’échec, ils voulaient minimiser les conséquences financières pour chacun d’eux.

Pâturage vaches laitières dans le Finistère Le parcellaire regroupé et les sols portants permettent de profiter du pâturage pendant une bonne partie de l'année y compris parfois en hiver. En revanche les prairies se dessèchent en été. Des chemins ont été aménagés.
Le parcellaire regroupé et les sols portants permettent de profiter du pâturage pendant une bonne partie de l'année. (©  C. Faimali/GFA)

50 ha accessibles pour le pâturage

En juillet 2006, ils créent le Gaec de Kroaz Ru. Ils décident d’investir chez Yves qui a l’avantage de disposer de 50 ha accessibles pour le pâturage. Pour respecter la règle de distance de 100 m par rapport aux habitations, ils doivent sortir du village et donc partir de zéro pour implanter le bâtiment. Ils choisissent de construire une stabulation avec trois rangées de logettes (92 au total) et une table d’alimentation avec 87 places pour leur centaine de vaches. Les éleveurs tenaient à ce que chacune ait une place. Ils ont construit une salle de traite 2 x 8 TPA avec décrochage automatique. Pour le lavage des aires d’exercice, ils ont opté pour un système d’hydrocurage (voir encadré). La nurserie est également aménagée sur le nouveau site. « Nous avons conservé mes installations pour héberger les génisses, et pour stocker du fourrage », précise Dominique.

Comme les vaches, les génisses profitent largement du pâturage. Dominique et Yves gardent des femelles croisées qu’ils élèvent avec les futures laitières. Cela permet de compléter les lots et de constituer des groupes d’âge homogène. Ils estiment que l’impact de ces animaux est minime sur la charge de travail. (© Maelig LE GALL)

Le système de production est basé sur le pâturage. Les éleveurs tirent profit d’une structure et de conditions pédoclimatiques favorables. Dans cette région côtière, les sols sont peu profonds mais offrent une bonne portance. Les orages d’été tombent un peu plus loin et les prairies sèchent en juillet. Mais il arrive que les vaches sortent en janvier pour pâturer.

Cinquante hectares desservis par des chemins sont accessibles. Les génisses valorisent les prairies situées sur l’autre site. Les éleveurs sèment un mélange de RGA trèfle, quelques parcelles sont en RGH trèfle violet. Sur 5 à 6 ha, ils mettent du RGI en dérobée après une céréale. Normalement, ces parcelles sont pâturées trois fois, mi-octobre, novembre et février, ce qui augmente encore la surface pâturable. Les vaches restent un à deux mois sans sortir en hiver. La ration se compose alors de 10-12 kg de MS de maïs, 6 kg d’enrubanné, 3 kg de betterave et 3 kg de correcteur azoté (2/3 soja, 1/3 colza). Tout est mis dans la mélangeuse. « Quand on récolte l’enrubannage, on hache le fourrage. Les brins sont courts et la balle se défait bien dans la mélangeuse. » Au printemps et en automne, le pâturage est complété par 4-5 kg de MS de maïs. De mi-juillet à mi-septembre, le régime est souvent le même qu’en hiver.

Tracteur chargeant une mélangeuse.
Le Gaec achète un tracteur neuf tous les cinq ans, utilisé pour les travaux quotidiens. (© C. FAIMALI/GFA)

Une plus-value de 45 €/1 000 l grâce aux taux

Cette conduite permet une bonne productivité puisque les livraisons de lait par vache dépassent 8 000 l, avec des taux élevés, 47,5 de TB et 35 de TP. Sur le dernier exercice, la plus-value liée aux taux s’élève à 45 €/1 000 l. Ces performances sont obtenues avec un apport de concentré limité à 128 g/l de lait contre 185 g en moyenne pour le groupe. Le lait est donc produit d’abord par la ration de base ce qui limite le coût alimentaire et améliore la résilience de l’élevage quand les prix des intrants s’affolent.

L’alimentation des génisses est également basée sur le pâturage. Les éleveurs en gardent 25 par an, ce qui correspond au besoin pour le renouvellement. Le reste du troupeau est inséminé avec des doses Inra 95 ou blanc bleu belge. « On garde des génisses croisées pour pouvoir compléter des lots », explique Dominique. Elles sont vendues à 27 mois. Les génisses sont sevrées à 2 mois et demi puis reçoivent une ration à base de foin et de concentré produit avec les céréales de l’exploitation, avant de sortir au pâturage. Elles rentrent à 14 mois pour la première insémination. Il arrive que cette date soit décalée pour certaines quand elles pâturent au loin. De ce fait, l’âge moyen au premier vêlage s’établit à 26 mois. « Nous avons un contrat qui inclut le génotypage des femelles et les échographies », précise Yves.

Les taries sont conduites en deux lots, assèchement puis préparation au vêlage, et ne pâturent pas. Pour ces animaux, les éleveurs veillent à la Baca et choisissent un minéral adapté. Le premier lot reçoit une ration composée d’ensilage de maïs, d’enrubanné avec du correcteur azoté et le même minéral que les vaches en production. Le second consomme du maïs-ensilage, 20 à 22 kg de MS, du correcteur azoté, un minéral spécifique riche en chlorure de magnésium et de la paille d’orge. « Depuis que nous avons adopté cette conduite, et arrêté le pâturage pour les taries, nous observons une différence nette sur les fièvres de lait et les non-délivrances. »

Installée dans le bâtiment des vaches laitières la nurserie a été aménagée pour améliorer le confort des veaux. Les faux plafonds offrent des espaces de couchage à l'abri du froid.
La nurserie a été aménagée pour améliorer le confort des veaux. (© C. FAIMALI/GFA)

Gestion des vacances et des week-ends

Les résultats économiques sont bons, mais la charge de travail est relativement importante. « Nous avons renoncé aux équipements qui peuvent faire exploser le budget dans un souci d’économie, au cas où ça ne marcherait pas entre nous, rappelle Yves. La contrepartie, c’est que nous avons pas mal de travail manuel. » Les éleveurs se partagent la traite, Dominique le matin, Yves le soir. Ils sont libres un week-end sur deux, du samedi midi au lundi matin, et prennent trois semaines de vacances par an.

Pour pouvoir se consacrer au troupeau, ils délèguent tous les travaux des champs à la Cuma. Ils emploient aussi un salarié à tiers-temps, François, le fils de Dominique. Ce soutien est nécessaire aussi pour que les deux associés puissent exercer d’autres responsabilités. Dominique est trésorier de la Cuma et Yves, administrateur délégué chez Sodiaal.

Dominique a 53 ans, Yves 57. L’heure de la retraite n’a donc pas encore sonné, mais François, 28 ans, manifeste son désir de rejoindre le Gaec. « Salarié depuis plusieurs années, j’ai travaillé sur divers élevages et en Cuma. J’ai envie de m’installer, d’être à mon compte, de me consacrer à l’élevage laitier parce que c’est ce métier qui m’attire. C’est le bon moment pour moi », raconte-t-il. Le Gaec de Kroaz Ru l’intéresse pour son système herbager et sa résilience. François a étudié les résultats économiques de l’exploitation et connaît les ressorts de sa rentabilité. Il souhaite s’installer sans développer l’outil pour qu’il conserve ses atouts et reste gérable pour lui quand les autres associés partiront.

Salle de traite TPA 2x8
Yves et Dominique prennent chacun en charge l'une des deux traites quotidiennes. (© Cdric Faimali/GFA)

Se projeter tranquillement dans une organisation à trois

« C’est une excellente nouvelle, mais elle arrive un peu tôt », analyse Dominique. Même satisfaction du côté d’Yves. « Je vois des gens qui sont rattrapés par des problèmes de santé dès le début de leur retraite. Peut-être serait-il sage de lever un peu le pied en fin de carrière pour se préserver. » La réflexion démarre mais déjà, le Gaec a fait un emprunt pour rembourser les deux comptes associés et faciliter la reprise. Rendez-vous est pris au cours de l’été pour réaliser une première estimation de la valeur économique de l’exploitation. Déjà, tous trois se projettent dans une nouvelle organisation où François serait associé. Leurs échanges illustrent un réalisme de bon augure. « Aujourd’hui, en tant que salarié, François fait ce que nous lui demandons. Après, ce sera différent. Nous devrons trouver un nouvel équilibre », exprime son père. Ils se donnent le temps d’y réfléchir sereinement, sachant que François n’attendra pas dix ans.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,35 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 7,15 €/kg net +0,04
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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