Hollande « lance un appel » à la grande distribution

François Hollande, lors de sa visite du Salon de l'agriculture en février dernier. (©Terre-net Média)
François Hollande, lors de sa visite du Salon de l'agriculture en février dernier. (©Terre-net Média)

Villefort (France), 18 juil 2015 (AFP) - François Hollande a lancé samedi « un appel à la grande distribution » pour améliorer la rémunération des éleveurs, dont certains sont dans une situation difficile en raison des cours actuels de la viande de porc et de boeuf, inférieurs aux coûts de production.

« Les agriculteurs ne peuvent pas vivre que des aides, il doit y avoir des prix pour les rémunérer », a expliqué M. Hollande lors d'un déplacement à Villefort (Lozère), peu avant de se rendre sur une étape du Tour de France. « Je lance encore un appel à cette grande distribution pour qu'elle offre aux consommateurs la qualité et aux agriculteurs un prix ». « Les grandes surfaces se sont engagées à augmenter sensiblement les prix pour qu'il y ait un soutien apporté aux producteurs. Nous veillerons à ce que cet accord soit respecté » et à ce que l'approvisionnement français soit partout privilégié, a-t-il assuré. « Si on veut que l'agriculture continue à vivre et pas simplement à survivre, il faut lui apporter un soutien », a estimé le président, « le soutien, c'est ce qu'on peut faire sur le plan fiscal en allégeant les contraintes ».

Interrogé sur la difficulté pour les consommateurs de payer la viande plus cher, le chef de l'Etat a dit comprendre « le consommateur qui fait au plus juste et qui prend un produit, même s'il vient de loin, dès lors qu'il est moins cher ». « Il faut donner de l'information sur la qualité du produit, sur la sécurité. Ça a un prix », a-t-il cependant justifié. « C'est pour ça que le label France identifie le produit. C'est aussi la responsabilité des collectivités dans les cantines, cet été dans les centres de vacances. Il faut des achats de produits français », a-t-il martelé.

De nombreuses fermes sont en grande difficulté, autour de 20.000 selon le ministère de l'Agriculture, qui prépare des aides d'urgence pour les éleveurs. Les filières de la viande bovine et de porc sont particulièrement touchées, ainsi que celle du lait. Pour répondre à ces crises, « depuis le 20 février dans chaque département, nous avons mis en place des cellules d'urgence », a indiqué le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, vendredi, et déjà « 23 millions d'euros » ont été débloqués pour financer « les allègements de charge, les reports et les effacements de cotisation MSA », la mutualité sociale agricole. Des mesures qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, selon les professionnels, qui réclament des actions plus profondes sur le désendettement et la compétitivité de leur filière.

A peine 7 centimes gagnés en un mois

Ainsi interpellée, la grande distribution s'est défendue en arguant qu'elle appliquait les hausses convenues lors de la réunion au ministère mais qu'elle ne se fournissait pas auprès des agriculteurs, seulement auprès des industriels, mettant ces derniers directement en cause. « Les hausses de prix doivent être intégralement répercutées aux producteurs en difficulté, ce qui ne semble, hélas, pas être toujours le cas » a insisté la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD, qui regroupe les principaux acteurs de la grande distribution sauf Leclerc et Intermarché). Auparavant, le patron du groupe Système U Serge Papin (membre de la FCD) avait appelé à « un plan de sauvegarde de l'agriculture française » face aux distorsions de concurrence avec les voisins allemands, qu'il accuse de pratiquer du « dumping social » dans les ateliers d'abattage et de transformation.

L'intervention présidentielle est « une bonne nouvelle », glisse en revanche à l'AFP Jean-Pierre Fleury, président de la fédération nationale bovine (FNB) qui représente les éleveurs : « Ce pays est incapable de conduire des relations commerciales dans le respect mutuel des partenaires ! » s'insurge-t-il. « La grande distribution a joué le jeu extrêmement dangereux des prix bas, les industriels s'y sont pliés et aujourd'hui, c'est la catastrophe ». Alors que la réunion de la filière - éleveurs, industriels abatteurs/transformateurs et distributeurs - s'était conclue sur l'engagement à revaloriser les prix d'achats de la viande bovine de 5 centimes par semaine, le compte n'y est pas comme l'admet Stéphane Le Foll : à peine 7 centimes ont été gagnés en un mois. Et pour le porc, l'objectif non plus n'est pas atteint en dépit d'une petite hausse. Bilan, près de 20.000 exploitations menacées.

« Impossible de savoir d'où viant la viande »

« Le Foll essaie de faire respecter l'accord, le président s'en mêle mais on a toujours l'impression que les industriels n'en ont que faire », reprend Jean-Pierre Fleury. Car pour lui, la responsabilité de la crise est largement partagée et les éleveurs ont le sentiment que tous se renvoient la balle. « Pour une fois » glisse-t-il même, « il n'y a pas forcément de blocage de la grande distribution parce qu'il y a le feu ! » reconnaît-il : plusieurs enseignes ont subi récemment des descentes d'éleveurs à bout contre leurs magasins. Et la braise couve toujours. Et parfois, accuse-t-il, les distributeurs ne répercutent pas l'intégralité des hausses consenties par les industriels, qui se « retrouvent cocus ». La grande distribution, comme les éleveurs, disait samedi soir attendre avec impatience la remise, mercredi, du rapport du médiateur des prix au ministre.

« Il est grand temps que le président s'empare du sujet » a cependant estimé Stéphane Dornier, secrétaire général du syndicat des Jeunes agriculteurs (JA), proche de la FNSEA. « On nous dit qu'on crie tout le temps au loup, mais ça fait un an qu'on alerte et qu'il ne se passe rien ». Les JA se battent depuis le printemps contre ces « viandes de nulle part » dans les supermarchés. Les JA sont mobilisés sur le Tour de France, ciblant le charcutier Cochonou et l'enseigne Carrefour, qui ont dû renoncer à leur place dans la caravane. « Ça va faire trois semaines qu'on demande à Cochonou d'où viennent ses porcs : on n'aura jamais la réponse » regrette le jeune éleveur. « Impossible de savoir d'où vient la viande. Pourquoi le gouvernement ne s'empare-t-il pas du sujet ? »

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