Subie, choisie, à titre gratuit ou onéreux : quelle transmission d'exploitation ?

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Démarches administratives en agriculture
Selon le type de transmission, quelles modalités, quelle fiscalité et quel coût ? (©Bonsales, Adobe Stock (visuel généré par IA))

Notaire, expert immobilier et judiciaire à la Cour d’appel de Rennes, maître Olivier Arens livrait lors du Space 2025 ses conseils en matière de transmission d’exploitation agricole.

Le notaire, également expert foncier et judiciaire, identifie deux grandes catégories de transmissions en agriculture selon qu’elles sont subies, le plus souvent en cas de décès, ou choisies avec pour chacune deux modalités possibles : "à titre gratuit » et « à titre onéreux ».

La transmission subie à titre gratuit (successorale)

Quatre éléments à prendre en compte dans ce cas, selon Olivier Arens : la présence ou non d’une dévolution ab intestat (en absence de testament, la loi détermine la dévolution de la succession selon l’ordre de lien de parenté), la fiscalité (abattements, droits), la possibilité de recourir au pacte Dutreil réputé acquis (article 787 B du code général des impôts) qui donne droit à une exonération de 75 % des droits de succession, la transmission du bail à ferme aux proches parents du preneur.

« Les droits de succession grimpent vite. On peut rapidement arriver à 30-40 % d'imposition voire plus. Il existe des systèmes complexes d’exonération mais difficile de remplir toutes les conditions requises. Attention au redressement fiscal », prévient Olivier Arens. Par ailleurs, le bail incessible devient cessible : le propriétaire ne peut pas s’y opposer.

La transmission subie à titre onéreux (vente)

Ici s’appliquent l’incessibilité du bail, l’obligation de passer en CDOA (commission départementale d’orientation de l’agriculture), qui décide du repreneur en fonction du schéma directeur régional (il peut ne pas être celui que vous aviez trouvé même s’il cochait toutes les cases et pouvait financer la reprise) et de faire intervenir la Safer, la loi Sempastous élargissant son champ matériel d’intervention.

La cession peut porter sur le fonds agricole, certaines composantes de l’exploitation, des parts de sociétés, le foncier. « Vous devez faire le tour de l’ensemble des propriétaires : tous doivent être d’accord pour mettre leurs terres à bail au repreneur. Il faut parfois négocier, certains préfèrent vendre : une situation pas très confortable », alerte-t-il encore. Quant à la Safer, elle peut faire valoir son droit de préemption, imposer un repreneur, des échanges parcellaires…

La transmission choisie à titre gratuit (familiale)

Le point de départ, le bilan patrimonial : tous les biens et toutes les opérations effectuées depuis l’installation sont passés en revue, ce pour chaque conjoint. Il faut regarder comment le patrimoine est organisé. Autrement dit : quel est le régime matrimonial, quels sont les types de baux (à long terme soit 18 ans, de carrière de 25 ans minimum, de 25 ans à long préavis) parce qu’il y a des impacts juridiques et fiscaux, etc. « Pour simplifier la transmission, il est possible de changer de régime pour certains biens : passer de la séparation à la communauté par exemple », explique le spécialiste.

« Sur le plan fiscal, les baux à long terme bénéficient d’une exonération partielle des droits de mutation (article 793-2-3 § du code général des impôts) dont il faut connaître les conditions d’octroi » : 75 % jusqu’à 500 000 € et 50 % au-delà. L’engagement collectif du pacte Dutreil permet aussi d’être exonéré (article 707-8 du CGI). « Moins contraignant que le pacte Dutreil réputé acquis, il permet aussi un abattement de 75 % des droits de mutation sur les parts sociales ou biens professionnels, sous engagement de poursuivre l’exploitation pendant six ans.

Autres moyens de diminuer les conséquences fiscales d’une cession d’exploitation, c’est-à-dire l’imposition sur les plus-values professionnelles, les droits de mutation, la vente de bâtis non inscrits au bilan, la réintroduction des DPI (déduction d’impôt pour investissement) et DPA (déduction d’impôt pour aléa) au bénéfice de l’exploitation : la donation simple (abattement fiscal dans la limite de 100 000 €), en nue-propriété (conservation de l’usufruit), entre époux ou la donation-partage conjonctive.

À noter : « la donation entre époux ou au dernier vivant est la plus protectrice pour le conjoint en cas de décès. Elle maximise ses droits. Elle ne coûte que 380 € mais fait économiser jusqu’à 150 000 à 200 000 € d'impôt ! Elle permet de gérer à l’euro près le montant de l’impôt à payer à, la mort du premier conjoint. » La donation-partage conjonctive permet, elle, de rééquilibrer le patrimoine entre époux.

Dans ce type de transmissions, les aspects juridiques (réserve d’usufruit fiscale ou économique, clauses, interposition de sociétés) et fiscaux doivent être considérés. En matière fiscale, « le recours au pacte Dutreil, avec engagement du dépositaire de conserver les titres, donne lieu à une exonération conformément à l’article 787 B du CGI », précise le spécialiste qui résume : « Aujourd’hui, 85 % de ces cessions sont exonérées grâce aux leviers qui viennent d’être cités. »

La transmission choisie à titre onéreux (à un tiers)

Entre donc en ligne de compte la cessibilité hors cadre familial des baux à long terme. « Cette solution, relativement nouvelle, évite de renégocier. Mais elle n’est pas très connue ni utilisée », juge Me Oliver Arens. À savoir : certaines formes sociétaires donnent la possibilité d’isoler le foncier du capital d’exploitation comme les groupements fonciers agricoles (GFA) ou ruraux (GFR) dont les parts sociales sont exonérées à 75 %. Pas de passage en CDOA, l’autorisation d’exploiter est attribuée de droit, ce qui raccourcit nettement les délais.

Sachant qu’il faut 4 mois entre la réception de la demande et la réponse, positive ou avec des pièces complémentaires à fournir. Le cédant a le choix du repreneur et n’a qu’à en informer les propriétaires. Le recours amiable à la Safer peut cependant se justifier. Il entraîne la fixation d’un prix définitif validé par l’organisme, qu’on ne peut pas remettre en cause. La Safer rédige la promesse de vente et choisit le repreneur. L’avantage : moins de tensions avec les voisins et aucune négociation pour le prix de vente.

« Une transmission choisie est bien évidemment préférable à une transmission subie. C’est pourquoi il est important de l’anticiper et de l’organiser en amont. Un panel de dispositifs fiscaux et sociaux peut être mobilisé pour la faciliter et limiter son coût financier. Plus vous vous y prendrez tôt, plus vous pourrez en solliciter facilement », conclut le notaire.

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