
Au Gaec des Fermes, la mise en place d’un protocole de préparation au vêlage et de suivi post-partum a permis, en trois ans, de progresser de 8 kg de lait par vache, en limitant les problèmes métaboliques.
Installés entre 2017 et 2020, les trois jeunes associés du Gaec des Fermes ont fait le choix de la traite robotisée en 2019, avec deux robots DeLaval. Leur stratégie : maximiser le lait par stalle, pour rentabiliser leur investissement, sans dépasser le seuil de 120 vaches traites afin de préserver la fluidité de la circulation aux robots.
À partir de 2021, alors que la production moyenne du troupeau est calée entre 36 et 37 litres de lait par vache, les éleveurs souhaitent franchir un cap supplémentaire. À cette fin, ils vont entreprendre un travail autour de la préparation au vêlage avec Philippe Arzul, vétérinaire chez Vitalac, et le technicien Nicolas Le Bihan. « L’enjeu consistait en particulier à permettre la pleine expression du potentiel du troupeau en début de lactation, souligne Julien Verdes, l’un des associés du Gaec. Après un bon démarrage, le pic de lactation avait tendance à plafonner, car les vaches puisaient trop dans leurs réserves. »
Prévenir les troubles métaboliques et favoriser l’ingestion
Jusqu’alors, l’alimentation des taries lors de la préparation au vêlage était classique : une ration à base de maïs ensilage et de correcteur, de la paille en libre-service et un minéral vache tarie à Baca négative. L’approche vétérinaire va consister à mettre en place une acidification plus poussée de la ration. « La recherche d’optimisation des performances commence toujours par les vaches taries, rappelle Philippe Arzul. Réduire la Baca de la ration au moins vingt et un jours avant vêlage, grâce à l’introduction de sels anioniques de type chlorures ou sulfates, est alors un moyen efficace de prévenir l’hypocalcémie subclinique qui induit un risque accru de non-délivrance, mais aussi de métrite, cétose, déplacement de caillette, mammite et sous-production. Cette pratique permet globalement de renforcer l’immunité, d’avoir des animaux toniques, capables d’ingérer rapidement leur ration après la mise-bas. »
La première étape va consister à aménager un bâtiment dédié : six cases dotées d’une aire paillée de 50 m², prévues pour des lots de cinq vaches ou génisses. Une fois constitué, chaque lot reste stable, afin d’éviter tout stress au cours de cette période. Dans ce logement, pendant un an, les éleveurs vont d’abord tester une acidification dite « partielle » de la ration, c’est-à-dire avec une Baca proche de zéro, correspondant à un pH urinaire de 7,5 à 8.
Une ration à base de maïs, paille broyée et de colza
Puis, fin 2022, ils vont passer à un protocole d’acidification totale de la ration en trois étapes. Le haut niveau de production du troupeau implique de tarir régulièrement des vaches à plus de 30 litres de lait. Le jour J, chacune passe systématiquement par la cage de parage et reçoit un antibiotique et un bouchon intramammaire. Aux plus fortes productrices (jusqu’à 35 litres) est administré par voie orale un complément phytothérapeutique destiné à couper le lait.
Pendant les dix premiers jours, le temps de sécher la mamelle, la ration se compose de 12 kg de maïs ensilage + 1,2 kg de tourteau de soja 48 et de la paille à volonté. Elle évolue ensuite de la façon suivante, à 11,3 % de MAT et 0,74 UFL/kg de MS : 7 l d’eau + 4,5 kg de paille broyée + 7,5 kg de maïs ensilage + 500 g de soja 48 + 2,4 kg d’aliment complet Tariforce, soit une Baca de l’ordre de -50 mEq/kg, correspondant à un pH urinaire autour de 7,5. Le Tariforce est un correcteur à base de tourteau de colza (32 % de MAT) qui intègre une formule minérale enrichie en oligo-éléments et vitamines sous forme organique, des capteurs de mycotoxines et, bien sûr, des sels anioniques, pour un Baca de -1 050 mEq/kg. Comparativement aux chlorures et autres sulfates, il présente l’intérêt d’être plus appétant, donc plus facile à faire consommer. Pour un coût de 650 €/t en sac (605 € en vrac), le fournisseur propose différentes formules de -600 mEq à -1 100 mEq en fonction de la valeur des fourrages.
Un protocole de suivi simple et bien calé
Trois semaines avant la mise-bas, les éleveurs ajoutent 1 kg de Tariforce, pour descendre la Baca en dessous de -150 mEq, soit un pH urinaire objectif de 5,5. Tous les mois et dès qu’intervient un changement, les éleveurs contrôlent le pH urinaire pour ajuster l’apport d’aliment. « La ration est préparée tous les deux jours, ce qui permet d’incorporer plus de volume dans la mélangeuse et aussi de simplifier le travail, indique l’éleveur.

L’eau est ajoutée à la mélangeuse en dernier, où elle est mélangée à la ration pendant six à sept minutes, le temps de dissoudre les granulés qui ainsi collent à la paille hachée finement (3 cm) par une entreprise tous les deux mois. » Cette présentation limite le tri et favorise l’ingestion et donc la régularité du bol alimentaire. Pour éviter l’échauffement en période de fortes chaleurs, un conservateur est systématiquement ajouté. Entre le cinquième et le quinzième jour après la mise-bas, les éleveurs contrôlent en routine les corps cétoniques (BHB) et la glycémie. « C’est un moyen peu contraignant et peu coûteux d’anticiper les problèmes, constate Julien Verdes. Si le taux de BHB est trop élevé, nous faisons un apport de 500 g de Glycoline (50 % de propylène) pendant quatre ou cinq jours, associé à une injection d’énergie (Energidex) par intraveineuse si la glycémie est basse. Les vaches ayant eu un vêlage difficile sont drenchées avec un booster dilué dans 30 litres d’eau tiède. Selon leurs antécédents, celles en 3e lactation et plus reçoivent un bolus de calcium 10 à 12 heures avant vêlage. » Dans le cadre de ce protocole de suivi, ils n’hésitent pas à peser le colostrum, tandis que le vétérinaire est amené à contrôler la calcémie sanguine, un point de contrôle des bonnes pratiques (objectif de calcium total 0,85 mg/l).
1,7 million de litres de lait livrés
Parallèlement, sur les conseils du vétérinaire, la ration des laitières a été réajustée et reconcentrée : fini l’azote au robot, au profit d’une ration équilibrée à l’auge « pour limiter les à-coups alimentaires et les risques de troubles digestifs » ; la ration semi-complète à l’auge est enrichie en matière grasse (3,5 % de la MSI), indispensable pour maintenir une production au-delà de 35 à 36 litres de lait ; un apport systématique de 0,25 litre de Glycoline est programmé au robot jusqu’à 28 jours de lactation. Les derniers résultats (voir le tableau, page 53) font ainsi état d’une moyenne de 42 kg de lait/vache, pour 1,7 million de litres de lait livré. Dans le détail, la progression est surtout marquée chez les multipares à moins de 100 jours de lactation, dont la moyenne s’établit à 54 kg de lait.
« On ne pensait pas monter aussi haut en lait, reconnaît Julien. Grâce à une bonne préparation au vêlage, le démarrage en lactation est optimisé. C’est aussi un gain de confort, car on ne se lève plus pour les vêlages : les mises-bas sont faciles, même sur des croisements viande, sans complications, sauf quelques rares cas de fièvre de lait ou de non-délivrance sur des vieilles vaches. »
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