À la préparation des semoirs à maïs et à céréales, les éleveurs laitiers sont contaminés par les pesticides qui enrobent les semences. C’est ce que démontre l’étude Pestexpo Semis. Il faut porter des équipements de protection individuelle.
Pierre Lebailly, responsable de l’axe Cancers et prévention de l’unité de recherche Anticipe basée à Caen (Calvados)(1), plante d’emblée le décor :« Les semenciers affirment que la qualité des enrobages des semences traitées aux pesticides protège les agriculteurs utilisateurs d’une exposition. L’étude PestExpo Semis montre le contraire. Elle met en évidence une exposition aux pesticides qui n’est pas due à l’air ambiant de la ferme mais à la préparation du semoir et au semis. » L’exposition est plus faible que lors d’autres pratiques agricoles, « mais elle a lieu sur plusieurs semaines durant les semis d’automne (céréales) et de printemps (maïs) », pointe-t-il.
Risque de cancers
L’étude Agriculture et cancer (Agrican), lancée il y a vingt ans, a mis la puce à l’oreille de l’équipe de chercheurs. « Les résultats de 2020 montrent une augmentation du risque de cancers de la prostate et de la vessie, des myélomes multiples ou des leucémies lymphoïdes chroniques quand les semences de colza, de céréales, de maïs et des protéagineux sont traitées », détaille Jérémie Le Goff, ingénieur dans l’unité Anticipe. « En limitant l’exposition, on peut penser qu’on limite aussi le risque de cancers. » À l’automne 2020 et au printemps 2021, ses collègues et lui ont travaillé en étroite collaboration avec la MSA Côtes normandes. Ils ont réalisé 800 dosages de deux matières actives sur 35 participants bas-normands dont 17 en élevages laitiers et 18 en céréales.
Maïs : ne pas rouler les sacs vides sur les cuisses
Leur analyse révèle une contamination cutanée, qui n’est pas homogène sur tout le corps. Elle a principalement lieu durant la préparation du semoir. Celle au semis lui est deux à trois fois inférieure. Les résultats sont détaillés dans l’infographie ci-dessous.
« L’exposition est plus ou moins importante selon les individus, précise Jérémie Le Goff. Pour le maïs, elle varie d’un facteur 30 à la préparation du semoir. Les sacs vides roulés sur les cuisses augmentent l’exposition totale. » Pour éviter cette manipulation, Marie-Pierre Dupont, conseillère en prévention à la MSA Côtes normandes, propose leur mise en fagots. « L’étude PestExpo Semis montre la nécessité d’équipements de protection individuelle [EPI], élargit-elle. Les gants en nitrile sont indispensables. Ils doivent être rincés après chaque utilisation. Le port du tablier en nitrile et du masque anti-poussières FPP3 est adapté en fonction des interventions sur le semoir et au champ. »(voir les photos). En amont de la préparation peuvent être anticipés des risques tels que le débordement du semoir à céréales au remplissage.
Céréales : proscrire les big bags d’aliments à veaux
« Il faut adapter la quantité de semences à la surface de la parcelle pour limiter les vidanges. Si la quantité du big bag est insuffisante ou plus importante que la trémie du semoir, on peut prévoir une trémie intermédiaire. » Vérifier aussi la solidité de ses sangles et proscrire les big bags d’engrais et d’aliments à veaux, qui peuvent se déchirer. En aval des semis, il faut gérer le nettoyage du semoir. Même si PestExpo Semis n’a pour l’instant pas de résultats durant cette phase, cela n’empêche pas de porter des équipements de protection. « La combinaison produits chimiques complète jetable, les gants et le masque anti-poussières sont fortement recommandés, surtout si une soufflette sur compresseur est utilisée. »
Semoirs mal conçus
De son côté, Grégory Wojnciz, salarié de la SARL AgriTLC (Calvados) qui a participé à la réalisation de cet article, pointe du doigt la nécessité pour les constructeurs d’améliorer l’ergonomie des semoirs, en particulier pour leur réglage et leur vidange. « Il y a certes le risque d’exposition aux pesticides mais aussi celui de tomber, de se coincer les doigts, etc. » Il a ajouté une marche sur le semoir à céréales et fixé un jerrican d’eau pour rincer les gants et ses mains dans le champ. Il réfléchit à un compartiment hermétique de rangement des EPI une fois ceux-ci nettoyés. Enfin, il se douche et change de vêtements en fin de journée avant de retrouver sa famille.
(1) Anticipe est une unité de recherche interdisciplinaire rassemblant les CHU et le Centre de lutte contre le cancer François-Baclesse de Caen (Calvados), l’Inserm et l’université Caen Normandie.
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