NE SOUS-ESTIMEZ PAS LE STRESS THERMIQUE EN PÉRIODE ESTIVALE

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Une enquête de la société Lallemand révèle que les vaches laitières en bâtiments sont soumises au stress thermique pendant l'été, quelle que soit la situation géographique.

LE STRESS THERMIQUE DES VACHES LAITIÈRES EST UNE RÉALITÉ qui a un impact sur les troupeaux laitiers sous toutes les latitudes. C'est ce que laissent apparaître les résultats de l'enquête réalisée par la société Lallemand Animal Nutrition, spécialisée dans la formulation de compléments alimentaires. Pendant les mois d'été 2013 et 2014, elle a enregistré en continu la température et l'humidité dans les bâtiments d'élevage sous différents climats. La compilation de ces données a permis d'évaluer l'exposition au stress thermique de vaches holsteins produisant entre 9 000 et 10 000 kg de lait, en se référant à l'index température-humidité (THI : voir tableau). En effet, le confort thermique de la vache dépend non seulement de la température ambiante, mais aussi de l'humidité qui amplifie l'effet de la chaleur. « La réévaluation du THI par les professeurs Burgos-Zimbelman et Collier, en 2011, a conduit à rabaisser le seuil de stress sur des animaux plus productifs qui se sont révélés plus sensibles », précise Aurélien Piron, responsable technique de l'étude pour Lallemand.

D'après cette nouvelle grille de lecture, dès 22°C et une humidité de 50 %, la vache commence à sentir les effets du stress : son ingestion diminue, sa température corporelle et son rythme respiratoire augmentent. Cette situation correspond à un THI de 68. Aurélien Piron rappelle qu'il suffit de quatre heures passées dans ces conditions de stress thermique léger pour voir la production laitière baisser de plus de 1 kg/jour.

LES DÉPARTEMENTS DE L'OUEST SONT AUSSI CONCERNÉS

La carte ci-contre montre les résultats obtenus par Lallemand Animal Nutrition en France et en Suisse. Comme attendu, le Sud est fortement atteint avec près de douze heures par jour mesurées en situation de stress thermique dans les Pyrénées-Atlantiques. Plus surprenant, l'Ille-et-Vilaine et la Mayenne sont aussi concernées. « Globalement, il apparaît que les élevages français passent en moyenne dix heures par jour au-dessus du seuil de stress thermique, ce qui correspond à des pertes en lait de 2,7 kg/vache/jour, précise le technicien. Mais au-delà du recul de la production, une exposition prolongée au stress thermique peut avoir des conséquences sur la santé et la reproduction : la baisse de l'ingestion et de la rumination accroît le risque de sub-acidose ; l'accélération du rythme respiratoire induit la production de radicaux libres à l'origine d'une baisse des défenses immunitaires et de la fertilité ; une balance énergétique négative liée à la thermorégulation peut aussi affecter l'état corporel. »

Quand les températures et l'hygrométrie montent, il s'agit donc de suivre quelques recommandations pratiques pour mieux passer la période estivale. Pour mesurer le risque, l'application mobile en accès libre Thermotool, mise au point par le groupe CCPA, offre par exemple des prévisions de la mesure THI sur cinq jours. La première précaution consiste bien sûr à assurer l'approvisionnement en eau : classiquement, on retient le principe d'une place d'abreuvoir pour 10 vaches (1 place = 1 bol = 50 cm de bac) et un débit d'eau d'au moins 15 litres par minute et par place. Face à la baisse d'ingestion et au risque accru d'acidose, il faut ensuite mettre à disposition des fourrages de qualité, avec une taille de fibres adéquate et un bon mélange de la ration pour éviter le tri. « On veillera à la fraîcheur et à la stabilité des fourrages, en distribuant la ration plus d'une fois par jour, en fractionnant si possible les repas, en distribuant plus le soir (55 à 60 %) que dans la journée et en évacuant les refus. Idéalement, on pourra prévoir des silos de report en été, plus étroits et moins hauts pour respecter un avancement de 1,50 m par semaine au minimum. » Aurélien Piron rappelle aussi l'intérêt des conservateurs d'ensilage pour limiter l'échauffement après ouverture du silo.

Parallèlement, augmenter la densité énergétique de la ration est une pratique qui vise à maintenir un niveau de production élevé pour compenser en partie la baisse de l'ingéré. L'apport d'énergie rapidement fermentescible avec des céréales n'est, bien sûr, pas recommandé. « Il faut privilégier les amidons lents de type maïs grain, ou des matières grasses protégées, rappelle Cédric Faure, ingénieur ruminant chez CCPA. Ces matières grasses, comme les huiles hydrogénées sous forme liquide, sont très concentrées (1,1 UFL). Incorporées à l'aliment du commerce ou directement par l'éleveur dans la ration, elles ont l'intérêt d'apporter plus d'énergie sans augmenter la quantité de concentrés. »

STABILISER L'ÉQUILIBRE DE LA FLORE DU RUMEN

En cas de baisse d'ingestion, il faut aussi augmenter la concentration en sodium et en potassium afin de compenser les pertes par transpiration excessive. Il est souvent recommandé d'apporter 150 à 200 g de bicarbonate de sodium pendant les fortes chaleurs, car la salive des vaches est moins concentrée en substance tampon. La société Lallemand préconise l'utilisation de levures vivantes spécifiques (Saccharomyces cerevisiae) pour limiter les risques de sub-acidose. Elles sont intégrées aux aliments du commerce sous l'appellation Levucell SC. « Les tests réalisés sur petits ruminants ont montré que ces levures ont un effet stabilisateur de l'écosystème microbien, explique Mathieu Silberberg, chercheur à l'Inra de Clermont-Theix-Lyon. Elles participent à réduire la population de bactéries productrices de lactate au profit des cellulolytiques, ce qui contribue à stabiliser le pH du rumen en améliorant la digestibilité des fibres. Pour avoir un effet sur l'équilibre microbien, elles doivent être présentes régulièrement dans la ration. »

DÈS LES PREMIERS SIGNES, LA PRODUCTIVITÉ D'UNE VACHE EST DÉJÀ TOUCHÉE

Aurélien Piron recommande par ailleurs l'apport d'antioxydants pour atténuer les effets de l'accélération de la respiration, « en associant des vitamines E et du sélénium (Alkosel) et des antioxydants primaires (Melofeed) ». Le groupe CCPA mise sur des extraits végétaux, combinés à des électrolytes et à des substances tampon à travers sa gamme Axion Thermoplus : « Les deux produits ne sont pas antagonistes, souligne Cédric Faure. Les extraits végétaux ont un effet calmant sur le rythme respiratoire et stimulent l'ingestion, les électrolytes rééquilibrent la Baca de la ration. » Ces compléments sont conseillés en prévention pendant l'été.

Dans tous les cas, il faut retenir que lorsqu'une vache commence à montrer des signes de stress thermique (halètement, baisse de l'ingestion), l'efficacité ruminale et la production laitière sont déjà touchées. En stabulation, il est donc essentiel de privilégier le confort des animaux à travers une bonne ambiance du bâtiment. Les rideaux mobiles, les systèmes de brumisation (pour les régions à faible humidité), d'aspersion et de ventilation sont autant d'outils efficaces pour aider la vache à réduire sa température corporelle.

JÉRÔME PEZON

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

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