OPTIMISER LE STATUT IMMUNITAIRE DE SON TROUPEAU

Loger les animaux dans de bonnes conditions préserve leur immunité et limite le risque de voir apparaître des pathologies. © GONZAGUE DEFOIS
Loger les animaux dans de bonnes conditions préserve leur immunité et limite le risque de voir apparaître des pathologies. © GONZAGUE DEFOIS (©)

Améliorer les mécanismes de défense des bovins réduit le risque de voir apparaître des pathologies dans un élevage et l'aide à exprimer ses performances techniques.

PEU ABORDÉE EN ÉLEVAGE LAITIER, L'IMMUNITÉ est pourtant un élément essentiel dans la réussite de la conduite des troupeaux laitiers. Elle repose sur la reconnaissance du « non-soi » par l'organisme : bactéries, virus, parasites, particules inertes (poussières…). Puis sur sa capacité à lutter contre ses agressions extérieures. Un mauvais statut immunitaire accroît le risque de voir apparaître des pathologies. « Une maladie peut en plus faire le lit d'une autre, rappelle Éric Meens, vétérinaire conseil au GDMA de la Seine-Maritime. C'est le cas des diarrhées chez le veau qui, plus tard, peuvent se transformer en problèmes respiratoires. » À l'inverse, une bonne défense sera gage de bonne santé des animaux. Elle conditionnera aussi une partie de leurs performances techniques (croissance, production laitière…) et donc, au final, le revenu de l'éleveur.

Mobiliser les deux réponses immunitaires de l'animal

Chaque organisme met en place deux sortes d'immunités. Celle dite humorale a lieu dans le sang ou la lymphe, et repose sur la fabrication d'anticorps sur mesure face aux agresseurs. L'immunité cellulaire agit, comme son nom l'indique, par l'intermédiaire de cellules nommées leucocytes ou globules blancs. Ces deux mécanismes interviennent séparément ou ensemble pour lutter contre un même agent extérieur. Certaines pathologies peuvent être liées à la difficulté de leur modulation. « La paratuberculose pourrait être liée à ce problème. » On distingue aussi deux types d'immunité en fonction de la vitesse de réaction de l'organisme. Celle appelée non-spécifique ou innée intervient immédiatement après une agression comme lors d'une blessure sur la peau. À l'inverse, l'immunité spécifique ou acquise nécessite tout un mécanisme de reconnaissance des agresseurs avant la production d'anticorps spécifiques. Elle peut être stimulée grâce à la vaccination.

Évaluer indirectement le statut du troupeau

Le système immunitaire est si complexe qu'en pratique, il est difficile de mesurer le statut d'un troupeau de manière directe. Pour une maladie donnée, un dosage des anticorps est possible mais encore faut-il qu'ils soient réellement protecteurs. En effet, plusieurs sortes d'anticorps interviennent lors d'une même agression. « Pour la paratuberculose, leur présence n'est pas synonyme d'une bonne défense de l'organisme, mais indique que l'animal n'arrive pas à faire face à la maladie. » Il est malgré tout possible de se représenter le statut immunitaire de manière indirecte à partir des performances de santé des animaux. Pour cela, le bilan sanitaire annuel et obligatoire est un bon outil pour réaliser un diagnostic de l'élevage. La fréquence et la diversité des pathologies vont permettre au vétérinaire d'appréhender l'immunité globale. Même si elles sont souvent restrictives, il peut comparer les chiffres de l'élevage à des normes : traiter moins de 30 % des vaches contre les mammites, avoir moins de 20 % de diarrhées sur des veaux… « C'est surtout en observant l'évolution des pathologies d'une année sur l'autre qu'on peut appréhender le niveau de protection d'un troupeau », précise Éric Meens.

Gérer les deux périodes à risques pour le bovin

Deux « trous immunitaires » sont particulièrement à surveiller. Ils correspondent à une période où l'animal présente une immunité moindre. C'est le cas durant les huit premiers jours de vie du veau. La prise colostrale va conditionner sa bonne protection. Les recommandations ont évolué ces dernières années. Ce n'est plus deux mais quatre litres qu'il faut apporter aux petits veaux dans les six premières heures de vie. « L'augmentation de la productivité des vaches a provoqué une division par deux du taux d'anticorps dans le colostrum. » Si le veau refuse de boire, il est vivement conseillé d'utiliser la technique du drenchage pour lui faire consommer ces quatre litres. Auquel cas la faiblesse de son immunité va favoriser le risque de diarrhées. « Grâce à l'efficacité des traitements réhydratants, la mortalité liée aux diarrhées a régressé en Seine-Maritime, souligne Éric Meens. Mais cette pathologie, mieux soignée, s'est déplacée et on observe une augmentation des maladies respiratoires. Au final, le taux de mortalité global des petits veaux dans le département n'a pas baissé. »

La deuxième période à risque correspond à la semaine qui précède le vêlage et celle qui le suit. Le bouleversement hormonal lié à la préparation au vêlage entraîne une baisse de l'ingestion de la vache. Parallèlement, la sécrétion lactée provoque une augmentation brutale de ses besoins alimentaires. Ces deux éléments vont déclencher une immunodépression pré-partum et postpartum. « En réalité, le pic de lactation n'a pas lieu trente jours mais huit jours après le vêlage si l'on raisonne en terme de matières utiles. Les taux sont très élevés en tout début de lactation », déclare Éric Menns. Une bonne gestion de la ration au tarissement va être primordiale pour renforcer le système immunitaire et réduire le risque de voir apparaître des pathologies autour du vêlage.

Respecter les fondamentaux de la nutrition

Toutes carences alimentaires sont à éviter. Sur le plan énergétique, un déficit important et mal maîtrisé en début de lactation affaiblit les mécanismes de défense des vaches. « Les acidoses également. Les matières fécales deviennent alors plus liquides et contaminent l'environnement. Cette situation est d'autant plus préjudiciable qu'un troupeau touché par ce problème métabolique est moins à même de faire face à des agents pathogènes. » Ne pas couvrir les besoins en protéines a un effet négatif sur le système immunitaire. Les acides aminés sont en effet des précurseurs des anticorps. Toutes carences vont donc empêcher le foie de les produire. « La lysine et la méthionine sont les deux acides aminés les plus susceptibles de manquer dans l'organisme. Il peut être intéressant d'en apporter dans des troupeaux à haut potentiel de production. » Une bonne complémentation minérale et vitaminique est aussi indispensable. « Certains éleveurs négligent d'en distribuer à leurs génisses. Même si cela n'a pas d'impact sur leurs performances zootechniques, le risque de voir apparaître des problèmes de santé est considérablement augmenté », analyse Éric Meens. Distribuer un minéral spécial aux vaches taries, c'est-à-dire riche en vitamines AD3E, en certains oligo-éléments (sélénium, zinc…) avec un bon rapport entre le calcium et le phosphore, est vivement conseillé. « Une vache carencée en vitamine A donnera naissance à un veau lui-même carencé. Le système immunitaire du nouveau-né ne fonctionnera alors pas. Cela rendra inefficace toutes vaccinations contre les maladies respiratoires », précise Éric Meens. Le calcium joue également un rôle dans le mécanisme de défense de l'animal et la fabrication des leucocytes. Il est donc essentiel de bien couvrir ses besoins. Les lipides entrent également en jeu comme, par exemple, l'équilibre oméga 3/oméga 6. Les rations à base d'herbe ne posent pas de problème. En revanche, celles à base d'ensilage de maïs et de céréales présentent un fort déséquilibre. Leur richesse en oméga 6 perturbe le système immunitaire. Celui-ci fonctionnera alors davantage sous le mode humoral. La sécrétion de prostaglandine F2 Alpha va alors augmenter le risque d'avortements embryonnaires. « Les éleveurs qui apportent de la graine de lin dans la ration de leurs vaches ont souvent des animaux en meilleure santé. »

Veiller à l'hygiène et aux conditions de logement

Les éleveurs laitiers ne peuvent pas imiter les éleveurs de porcs ou de volailles qui conduisent leurs animaux en bande, et réalisent une désinfection et un vide sanitaire entre chaque lot. Une désinfection de la stabulation par an est difficile car les vaches sortent de moins de moins à l'herbe à cause de l'augmentation de la taille des troupeaux. « Lorsque le niveau de germes pathogènes devient supérieur aux capacités de défenses des animaux, on voit apparaître des maladies telles que dartres, teignes, galle mais aussi paratuberculose », explique Éric Meens. Une infirmerie devrait systématiquement exister dans la stabulation afin d'écarter les vaches malades et préserver le système immunitaire des autres membres du groupe. Cet espace devrait aussi être aménagé pour les veaux lorsqu'ils ne sont plus en cases individuelles. Enfin, l'attention doit être portée aux conditions de logement. Tout ce qui va favoriser le bien-être va contribuer à renforcer leur immunité.

NICOLAS LOUIS

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