LA RACE ET LA RATION JOUENT SUR LA REPRODUCTION

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En vêlages groupés, la normande fait ses preuves tandis que la holstein décroche. Ces deux grandes tendances sont malgré tout modulées par le niveau nutritif de leur ration. C'est ce que montrent six années de suivi au domaine Inra du Pin-au-Haras.

LA CONFRONTATION DIRECTE DES ÉLEVAGES AUX MARCHÉS INCITE les producteurs à mettre en place des systèmes réactifs : une alimentation à hauts apports nutritifs pour booster le lait ou restreinte pour diminuer les coûts quand la conjoncture se dégrade. Encore faut-il que les vaches soient capables de supporter de telles variations de traitement. Les performances de reproduction sont un bon indicateur de leur adaptabilité. C'est ce qu'a vérifié le domaine Inra du Pin-au-Haras (Orne), de 2006 à 2011, en plaçant des vaches normandes et holsteins dans des conditions de reproduction contraintes. Il conduit des vêlages groupés avec des inséminations de janvier à mars. Si l'animal n'est pas fécond au terme des 90 jours, il sort de l'étude. Les deux races sont menées dans des stratégies alimentaires contrastées (ci-contre).

RÉUSSIR LES QUATRE ÉTAPES AVANT LE VÊLAGE

La vache normande ou holstein affectée à l'une ou l'autre conduite y reste tout au long des six années. Comment se comportent-elles en vêlages groupés ? Quelle est leur réaction face aux deux régimes ? Rappelons d'abord qu'une vache qui achève sa gestation a franchi avec succès une série d'étapes : reprise de son cycle ovulatoire après vêlage, profil du cycle sans anomalies, fécondation, survie de l'embryon. Quelle que soit la stratégie alimentaire, la normande est globalement mieux placée dans ce processus. Les 206 primipares et multipares de l'expérimentation ont une reprise de cyclicité plus précoce que les 174 holsteins : 34 jours en moyenne contre 42 jours. De même, les normandes enregistrent moins de retard de cyclicité : 12 % contre 22 %. Elles subissent moins d'anomalies de cyclicité (12 % contre 22 %) qui s'expriment par une persistance du corps jaune, néfaste pour l'ovulation suivante. En effet, tant qu'il n'a pas régressé, ce corps jaune empêche une nouvelle ovulation. « Au final, grâce à un meilleur profil de cyclicité, les vaches normandes ont de bien meilleures performances de reproduction dans des délais courts », observe Laura Balberini qui a analysé les résultats des six années. Cela se traduit concrètement par un intervalle vêlage-IA fécondante moyen de 90 jours contre 106 jours. Conséquence : 69 % des normandes re-vêlent, contre 51 % des holsteins. Holstein.

Holstein. Concurrence entre production du lait et reproduction

La sélection sur le potentiel laitier entrepris depuis des années a dégradé la fonction de reproduction de la race holstein. « Elle est devenue une machine à produire du lait. Elle privilégie l'affectation de l'énergie disponible à la production du lait plutôt qu'à la reproduction, estime Luc Delaby, de l'Inra de Rennes, en charge de l'expérimentation. Son potentiel laitier est tel qu'en début de lactation, le surcroît de ration que l'on donne pour tenter de limiter son amaigrissement est orienté vers le lait. Au bout du compte, on risque d'accentuer son amaigrissement. Établir une ration en début de lactation qui couvre ses besoins est aujourd'hui quasi impossible. » Il appuie son analyse sur les résultats des lots holsteins à hauts et bas apports nutritifs. Dans le lot « bas » 100 % à l'herbe ensilée et pâturée, seules 44 % des vaches re-vêlent (voir p. 51). La production laitière (6 020 kg de lait brut pour 39,5 de TB et 31,0 de TP) s'est faite au détriment de leur fécondité. En effet, la moitié des IA réalisées sur ovulation ne sont pas fécondes ou sont suivies d'une mortalité embryonnaire précoce (voir ci-dessus). Ces vaches soumises à un régime restrictif par rapport à leur potentiel laitier puisent beaucoup dans leurs réserves corporelles pour répondre à la demande de la mamelle. Elles perdent, en moyenne, 1,25 point d'état d'engraissement depuis le vêlage. « L'état corporel au vêlage et la perte d'état font partie des éléments clés de la réussite de la reproduction, indique Luc Delaby. L'étude montre que la vache holstein, avec une note d'état en dessous de 3,25 au vêlage et qui perd ensuite plus de 1,25 point d'état, présente plus de problèmes de cyclicité. Cela ne signifie pas que toutes les vaches dans le premier cas et toutes dans le second rencontreront ces problèmes. Il faut le cumul des deux. C'est toute la complexité du sujet. » Conseil : il faut viser 2,5 à 3 points d'état au vêlage.

Dans le lot « haut » des holsteins, l'arbitrage de l'affectation des fournitures énergétiques et protéiques ne se fait pas au détriment de la fécondité (« seulement » 28 % des IA sur ovulations non fécondées) mais aux dépens de la survie de l'embryon. Ces vaches ont le taux de mortalité embryonnaire tardive le plus élevé des quatre lots (19 %, voir ci-dessus). « En holstein, une alimentation riche permet un taux de re-vêlage plus important qu'en alimentation restrictive. Il n'est donc pas étonnant que les éleveurs souhaitent poursuivre la distribution de maïs-ensilage au pâturage pour améliorer l'équilibre entre régime alimentaire, potentiel laitier et reproduction. Le pâturage seul n'a pas le même objectif. Il est un compromis entre production par vache et lait produit par hectare. La holstein joue mal ce jeu. »

Normande. Reproduction mieux préservée pour un animal moins réactif

L'écart de production entre les lots normands « haut » et « bas » est inférieur au différentiel holstein : 1 535 kg/vache de lait brut contre 2 495 kg. On aurait pu penser que l'écart de perte d'état corporel entre les lots normands aurait été également inférieur au différentiel holstein. Il est identique (0,25 en défaveur des lots bas, voir p. 51). « Le régime alimentaire n'a pas d'influence. En revanche, il en a une sur l'amplitude de perte d'état des deux races » (un point et plus en holstein, moins d'un point en normande, voir p. 51). En termes de production, la normande est moins réactive à des alimentations contrastées. Elle s'adapte moins à un système de production flexible. En contrepartie, son potentiel laitier moins élevé lui permet de mieux gérer l'énergie répartie entre le lait et les réserves corporelles, avec un meilleur état à la clé. Autre contrepartie : elle recueille de meilleures performances de reproduction. La moindre sélection sur le lait a un effet bénéfique sur les gènes responsables de la fertilité. « Ils sont moins altérés qu'en holstein, avance Luc Delaby. Pas étonnant que les vaches souffrent moins de retard et d'anomalies de cyclicité. » À condition de ne pas être trop grasses, ce qui a tendance à se produire dans le lot haut. Or, un tel état inhibe l'appétit. Pour compenser, l'animal puise davantage dans ses réserves, avec des troubles métaboliques mais aussi de reproduction. « Celles avec une note supérieure à 3,75 points au vêlage enregistrent plus de persistances de corps jaune », confirme Laura Balberini. Cette race doit donc viser une note de 3 à 3,5 maximum au vêlage. L'étude montre malgré tout une certaine sensibilité à la non-fécondation (30 % des IA sur ovulation, voir ci-dessus), ceci quelle que soit la stratégie alimentaire. L'Inra l'explique aujourd'hui par une proportion plus élevée de vaches avec 3 IA et plus dans le troupeau normand (25 % contre 18 %). Au final, les normandes s'adaptent bien aux systèmes herbagers et aux vêlages groupés. Pas étonnant qu'elles aient du succès en bio et AOC.

Le programme s'est aussi penché sur les vaches vides des quatre lots. Développent-elles des spécificités ? « Elles ont une reprise de cyclicité une semaine après les gestantes, avec moins d'IA à la clé, répond Laura Balberini. De plus, la majorité a eu des problèmes sévères au vêlage, entraînant des cyclicités perturbées. Leurs performances zootechniques sont similaires aux gestantes, sauf pour les holsteins vides du lot haut qui produisent 600 kg de lait/vache en plus sur 42 semaines. Même si leur fécondité est bien supérieure à leurs consoeurs vides des autres lots (61 %, contre 31 à 50 %), elles ont des difficultés à conserver leur embryon ou foetus. »

CLAIRE HUE

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

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