L'USAGE D'ENDECTOCIDES POUR-ON NE SERAIT PAS SANS RISQUES

Les formes pour-on d'endectocide sont extrêmement pratiques pour l'éleveur mais le léchage entre les animaux fait qu'une grande partie de la matière active passe par voie orale à des doses incontrôlables.© CLAUDIUS THIRIET
Les formes pour-on d'endectocide sont extrêmement pratiques pour l'éleveur mais le léchage entre les animaux fait qu'une grande partie de la matière active passe par voie orale à des doses incontrôlables.© CLAUDIUS THIRIET (©)

Cette formulation nécessite un dosage plus important pour chaque animal et le léchage entre congénères induit des surdosages préjudiciables à l'environnement ou des sous-dosages capables d'amener des résistances aux parasites.

LE SUCCÈS COMMERCIAL DES ANTIPARASITAIRES endectocides pour-on ne se dément pas. Ils font partie des médicaments vétérinaires les plus vendus en France. Leur facilité d'utilisation pour un éleveur de bovins, comparée aux formes injectables, justifie cet engouement. Rappelons que les endectocides (ivermectine, doramectine, moxidectine, etc.) sont des antiparasitaires à effet systémique. Quelle que soit la voie d'administration, la présence du principe actif dans la circulation sanguine est nécessaire pour atteindre les sites d'action.

L'effet antiparasitaire est donc étroitement lié au niveau d'exposition pour l'animal (mesurée par la concentration plasmatique en fonction du temps) plutôt qu'à la dose administrée. Première observation, les formulations pour-on nécessitent une dose de 0,5 mg/kg vif qui est 2,5 fois supérieure à la dose administrée en sous-cutanée ou par voie orale. On observe aussi une grande variabilité d'efficacité au sein des animaux traités avec des pour on. Dès le milieu des années 1990, des chercheurs ont décrit une excrétion fécale d'ivermectine plus importante après un traitement pour-on que lors d'une administration sous-cutanée. Précisons que l'éjection fécale est la voie d'élimination majeure des endectocides. Des observations qui ont longtemps interrogé sur le processus d'absorption et sur la biodisponibilité des endectocides pour-on. Plusieurs hypothèses ont alors été avancées, dont la possibilité d'une absorption du principe actif par léchage ou contact entre les bovins.

27 % DE LA DOSE CHEZ LES ANIMAUX NON TRAITÉS

En 2001, une équipe de l'Inrade Toulouse mettait en place une expérimentation avec deux lots de six mâles prim'holsteins. Le premier, dit « lécheur», était organisé de façon à ce que chaque animal puisse se lécher lui-même ainsi que ses voisins. Dans le second lot,« non-lécheur », les animaux étaient isolés et équipés d'un collier les empêchant de se lécher. Tous ont été traités avec la spécialité Ivomec pour-on, une solution à 0,5 % d'ivermectine appliquée à la dose prévue par l'AMM, soit 0,5 mg/kg vif. Des échantillons de sang ont été collectés pendant les 44 jours suivant l'administration. Résultats: pour les animaux « non lécheurs», la concentration d'ivermectine dans le sang était en moyenne de 18 à 20 ng/ml.Pour le groupe des « lécheurs »,la concentration passait de 27 à 40 ng/ml. Cela démontre qu'une grande quantité d'ivermectine a transité par le tractus digestif des « lécheurs ».En raison de ce léchage et probablement du fait d'une absorption perlinguale, c'est même la plus large fraction de la dose qui gagne la circulation sanguine par la voie orale, en comparaison avec l'absorption percutanée.

Une autre étude, en plein champ cette fois, a permis d'évaluer l'impact du léchage. Trois groupes d'animaux recevaient une formulation pour-on d'ivermectine, de doramectine et de moxidectine, un quatrième groupe non-traité faisait office de contrôle. Tous les animaux ont été maintenus dans le même environnement pendant la durée de l'étude. Résultat : tous, y compris les non-traités, ont révélé la présence des trois endectocides. Dans le lot de contrôle, la quantité d'endectocide ingérée par léchage représentait 22 à 27 %d'une dose normale de pour on. Ces essais démontrent que le léchage entre congénères et l'auto-léchage influencent de façon majeure le devenir des endectocides administrés en pour-on. De ce fait, la biodisponibilité (concentration dans le plasma sanguin) est très variable et imprévisible : l'écart est de 1 à 4 avec un coefficient de variation de 56 %.

UNE ÉLIMINATION FÉCALE LARGEMENT SUPÉRIEURE

C'est cette grande variabilité qui a conduit, lors d'essais cliniques d'efficacité des pour on, à augmenter considérablement la dose d'application (0,5 mg/kg), comparée à celle d'une formulation injectable (0,2 mg/kg). La conséquence est que l'élimination fécale des endectocides est largement supérieure chez les animaux traités en pour-on (346 ug/kgà +/- 60 ug), comparée à ceux traités avec une formulation injectable (78 ug).

Première conclusion : l'usage des endectocides en formulation pour-on contribue à un risque environnemental accru sans nécessité. La faune de bousiers (insectes diptères et coléoptères) qui participent à l'enfouissement de la bouse pourrait être fortement perturbée, avec des conséquences graves pour l'écosystème de la prairie. À notre connaissance, seule une étude sur l'injection sous-cutanée de 200 ng/kg d'ivermectine a montré qu'il n'y avait pas de mortalité sur les mouches mais seulement sur les stades larvaires. Il n'y aurait pas encore d'études permettant de conclure sur la toxicité ou l'innocuité des formulations pour-on, surtout en présence d'animaux lécheurs. Autre risque, tout aussi important, le léchage peut aboutir à des contaminations croisées chez des animaux non-traités avec, pour conséquence, des résidus d'endectocides inattendus dans de la viande ou du lait entrant dans les circuits de consommation. Enfin, le niveau de concentration en matière active dans le sang des animaux lécheurs non-traités (inférieur à 1 ng/ml) interroge sur les risques de résistance. L'Union n'est pas encore touchée par ce phénomène de résistance des parasites intestinaux, mais c'est déjà le cas en Amérique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande, avec parfois des impasses thérapeutiques inquiétantes. L'arrivée plus tardive en Europe des endectocides pour-on génériques, synonymes d'usage plus important de cette formulation, nous a peut-être protégés jusque-là. Pour se rassurer, on peut considérer que les animaux traités avec un endectocide sont toujours conduits en lots qui n'ont, en général, pas de contacts avec les autres bovins non-traités. Quoi qu'il en soit, ces risques révélés pèseront-ils face au confort d'usage pour l'éleveur des solutions pour-on ?

DOMINIQUE GRÉMY, D'APRÈS MICHEL ALVINERIE (INRA, PHARMACOLOGIE DE TOULOUSE)

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