Comment faire face aux chaleurs discrètes en vaches laitières ?

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Vache en chaleur
Au-delà de l'activité et du dosage de progestérone, le chevauchement est un bon indicateur de chaleurs chez la vache. Il s'exprimera davantage en pâture. (©Terre-net Média)

Deux tiers des lactations concernées par des chaleurs discrètes : c’est ce qu’a observé la ferme expérimentale de Derval sur son troupeau, avec un impact non négligeable sur la fertilité. Une étude réalisée sur trois ans livre une première analyse de ce phénomène.

La reproduction dans les troupeaux bovins laitiers est parfois pénalisée par des chaleurs discrètes, ou silencieuses, chez les vaches. Contrairement à l’anœstrus (absence de cyclicité et donc de chaleur), la vache est de nouveau cyclée mais elle n’exprime pas de chaleurs ; on parle de sub-anœstrus. Il est important de distinguer la reprise de cyclicité et l’expression des chaleurs, car des vaches sont parfois réformées pour infertilité alors qu’elles sont peut-être seulement soumises aux chaleurs discrètes. Si une chaleur exprimée est toujours associée à une ovulation, l’inverse n’est pas vrai : une ovulation ne déclenchera pas toujours une chaleur exprimée. Cela peut être liée à la vache, mais aussi aux pratiques de détection des chaleurs employées par l’éleveur.

Pour tenter de mieux comprendre le problème, une étude a été menée à la ferme expérimentale de Derval (Loire-Atlantique) équipée d’un robot de traite DeLaval VMS310 avec la fonction dosage de la progestérone (pour repérer les ovulations). L’exploitation est également dotée des colliers activimètres Heatime. L’élevage compte 75 vaches Prim’Holstein en système ensilage de maïs et pâturage, avec des vêlages toute l’année, et un niveau de production moyen de 9 500 litres/an.

Impact significatif du niveau de production laitière

Les données étudiées s’étalent de 2021 à 2024, soit 127 lactations et 558 ovulations au total. La reprise de cyclicité concerne 25 % des vaches 20 jours après vêlage ; 54 % à 30 jours ; 88 % à 50 jours ; les dernières atteignant 90 jours. À 50 jours, la dynamique de reprise de cyclicité est la même, quel que soit le rang de lactation et la production laitière au pic.

Dans le troupeau, 2 vaches sur 3 au moins sont concernées par les chaleurs silencieuses

Sur 127 lactations, les deux tiers comptent au moins une chaleur silencieuse. Le niveau de production laitière au pic de lactation semble avoir un impact significatif. En effet, à moins de 35 litres/jour (25 % des lactations), on observe 47 % des lactations avec chaleurs discrètes. Ce taux monte à 71 % pour les pics de 35 à 45 litres/jour (50 % des lactations), et jusqu’à 81 % pour les pics à plus de 45 litres/jour (25 % des lactations). En revanche, le rang de lactation et le délai de reprise de cyclicité n’influencent pas le taux de chaleurs discrètes.

Par ailleurs, sur 558 ovulations, un quart sont associées à une chaleur silencieuse. Là non plus, le rang de lactation et le délai de reprise de cyclicité ne montrent pas d’impact. En revanche, on retrouve l’effet de la production laitière (tableau 1), ainsi que du rang d’ovulation (tableau 2) et que de l’Index Température-Humidité (THI, tableau 3).

Tableau 1 : Effet de la production laitière (source : ferme de Derval - Idele/Chambre agriculture Pays de la Loire)

Pic de lactation

% chaleurs discrètes

(pour 558 ovulations)

< 32 kg/jour

19 %

32 à 37 kg/jour

25 %

> 37 kg/jour

31 %

Tableau 2 : Effet du rang d’ovulation (source : Ferme de Derval - Idele/Chambre agriculture Pays de la Loire)

Rang d’ovulation

% chaleurs discrètes

(pour 558 ovulations)

1 et 2

31 %

3

26 %

4 et plus

15 %

Tableau 3 : Effet des conditions météo (source : Ferme de Derval - Idele/Chambre agriculture Pays de la Loire)

T° à 50 % d’humidité

Nombre d’ovulations

% chaleurs discrètes

< 22°C

Conditions neutres

377

22 %

22-25°C

Stress léger

57

25 %

25-30°C

Stress modéré

93

31 %

30-34,5°C

Stress sévère

31

45 %

18 points de fertilité perdus

Les conséquences des chaleurs silencieuses sur la reproduction du troupeau peuvent être importantes. Nous avons vu qu’à 50 jours après vêlage, 88 % des vaches ont retrouvé leur cyclicité pour 127 lactations. Parmi elles, 42 % ne sont pas soumises aux chaleurs discrètes ; 34 % en connaissent une (soit trois semaines perdues) ; et 20 % en connaissent deux (soit 1,5 mois perdu). Ces absences d’expression des chaleurs impactent la fécondité du troupeau, et entraînent un allongement subi des lactations.

Concernant la fertilité (réussite de l’IA), elle est également impactée. Dans l’étude de Derval, 206 ovulations (sur le total de 558) ont fait l’objet d’une IA sachant que toutes n’étaient pas associées à des chaleurs exprimées (ovulations repérées via le dosage de progestérone du robot). Or, le taux de réussite de l’IA est passé de 49 % pour les ovulations avec chaleurs exprimées, à 31 % pour les ovulations avec chaleurs silencieuses, soit 18 points de moins de fertilité !

Évaluer le phénomène dans son élevage

« Il est important que les éleveurs aient conscience de l’existence de ces chaleurs discrètes qui traduisent un dérèglement de la fonction de reproduction, concluent les auteurs de l’étude Anaïs Gaigeard, chargée d’expérimentation à Derval, et Fabrice Bidan, responsable du projet Reproduction des ruminants à l’Institut de l’élevage. En effet, s’ils déclenchent l’IA sur la base de l’observation des vaches et de l’activimètre, le taux de réussite sera bon, malgré un délai de mise à la reproduction pénalisé. Tandis que s’ils se basent sur la détection des ovulations par le dosage de progestérone au robot, il risque de dégrader le taux de réussite en raison des chaleurs discrètes. »

Pour tenter d’évaluer le phénomène dans son élevage, les producteurs peuvent noter l’absence de chaleur entre deux cycles après une première chaleur exprimée. S’ils sont équipés du dosage de progestérone, ils peuvent le croiser avec de l’observation afin de repérer si certaines ovulations se font sans expression de chaleurs.

Plus largement, les éleveurs doivent veiller au niveau de production des vaches (la fonction production étant en compétition avec celle de reproduction) ; être vigilants sur les premières ovulations car le rang d’ovulation a un impact sur les chaleurs discrètes ; et prendre en compte le stress engendré par les hautes températures à certaines saisons.

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