« NOTRE BASE EST PLUS SOLIDE GRÂCE À LA TRANSFORMATION »

REPORTAGE PHOTOS :  © LYDIE LECARPENTIER
REPORTAGE PHOTOS : © LYDIE LECARPENTIER (©)

LE GAEC DE LA BAURE TRANSFORME UNE PARTIE DE SON LAIT À LA FERME, CE QUI AMÈNE DE LA VALEUR AJOUTÉE. MAIS POUR LA PRÉSERVER, IL A FALLU REVOIR LES TARIFS ET LES CHARGES.

EN 2013, NOUS AVONS ANALYSÉ NOS RÉSULTATS avec la chambre d'agriculture de l'Ariège. Le résultat était sans appel : le prix du lait livré à la laiterie, de 359 €/1 000 l à l'époque, couvrait à peine les frais, et la valeur ajoutée sur le lait transformé à la ferme ne payait pas le travail. Nous avons dû nous remettre en question », racontent les quatre associés du Gaec de la Baure, qui élèvent 78 prim'holsteins sur 95 ha à Lescure (Ariège). Pour redresser la barre, ils ont augmenté les tarifs des produits transformés et réduit les charges, puis restructuré leurs dettes. Aujourd'hui, la situation s'est bien améliorée, même s'il reste des ajustements à faire. « Après deux années difficiles, nous sommes prêts à repartir du bon pied », affirment-ils. Ce Gaec s'est constitué en plusieurs étapes. Michel Bareille a repris la ferme familiale en 1981, puis son beau-frère, Alain Soucasse, l'a rejoint en 1989. Sa soeur, Cécile, s'est installée à son tour en 1990. En 2002, ils ont accueilli un quatrième associé, Frédéric Pujol. « Avec un quota qui progressait à 660 000 l et un prix du lait à 340 €/1 000 l, nous pensions pouvoir nous rémunérer à quatre, tout en réduisant un peu la charge de travail », se souvient Cécile.

« FAIRE FACE AUX ALÉAS »

Mais la sécheresse, la baisse du prix du lait et un passage au régime réel non prévu se sont conjugués pour creuser un déficit en 2003 et 2004. « En 2005, nous avons décidé de transformer une partie de notre production à la ferme pour mieux la valoriser et préserver ainsi notre revenu. Depuis mon installation, nous vendions déjà du lait cru en direct et nous avions constitué une clientèle. Nous ne partions pas de zéro », raconte Alain.

Avant de commencer, les quatre associés ont pris le temps de caler leur projet avec l'aide de la Mission agroalimentaire des Pyrénées (MAAP). Ils ont visité des ateliers de transformation, étudié la demande et repéré les produits déjà présents sur le marché. « L'offre en yaourts était abondante. Nous avons choisi de produire de la crème, recherchée par les pâtissiers et les glaciers, pour laquelle il y avait moins de concurrence », explique Cécile.

En 2006, le Gaec a investi 189 000 € dans un atelier prévu pour transformer 250 000 l, subventionné à hauteur de 36 % par le département, la Région et l'État. Cécile et Alain se sont formés à l'Enil d'Aurillac, puis en 2007, ils ont commencé la fabrication. La clientèle s'est rapidement développée. « La demande en crème était bien réelle. Avec peu de prospection, nous avons vu venir vers nous des restaurateurs, des pâtissiers et des glaciers intéressés par une crème fraîche de qualité », souligne Alain Soucasse.

La gamme s'est élargie progressivement. Pour valoriser le lait écrémé, ils ont fabriqué des faisselles et des fromages blancs, d'abord natures puis aromatisés à la vanille, aux fruits rouges ou aux fruits exotiques. À partir de la crème, les associés ont lancé une production de beurre. « C'est du travail, mais il y a une demande croissante chez les restaurateurs », constate Cécile.

« DES DÉBOUCHÉS DIVERSIFIÉS »

Le Gaec a aussi diversifié ses débouchés. Aujourd'hui, à côté des pâtissiers, des glaciers et des restaurateurs, il approvisionne des collèges et des maisons de retraite. « Il y a des ouvertures dans ces établissements pour les produits locaux, car le conseil général de l'Ariège a créé un appel d'offres spécifique. Mais il faut se battre pour convaincre les gestionnaires ! », note-t-elle. Depuis quelques années, le Gaec livre également des supermarchés et des boutiques de producteurs, avec des produits en petit conditionnement. « Cela demande plus de travail, et la marge est inférieure à celle en gros conditionnement. Mais nous pouvons ainsi partager nos ventes entre plusieurs types de clientèle », relève Cécile.

Grâce à tous ces efforts, le chiffre d'affaires de l'atelier de transformation a progressé au fil des années. « C'est un point fort. Nous avons des clients fidélisés qui savent mettre en valeur les produits du terroir et qui ont envie de travailler avec nous », note Alain avec satisfaction. Les quatre associés ont pu le constater clairement lorsqu'à la suite de l'étude de la chambre d'agriculture, ils se sont décidés, en 2014, à augmenter leurs tarifs de 12 %. « Nous ne les avions pas modifiés depuis plusieurs années. Nous avons expliqué à nos clients que c'était nécessaire car nous étions en déficit, et ils l'ont bien accepté », ajoute-t-il. En 2015, ils ont de nouveau augmenté leurs prix de 2 à 3 %, et désormais, ils comptent bien les réviser tous les ans pour conserver une marge correcte. C'est d'autant plus nécessaire que le Gaec doit retrouver rapidement de la trésorerie. Pendant deux ans, les difficultés se sont enchaînées sur les cultures, ce qui a fait grimper les achats d'aliments.

« NOS ACHATS ONT GRIMPÉ »

En 2013, le temps froid et humide a réduit les rendements du maïs. En 2014, Frédéric, en charge des cultures, a eu des problèmes de santé. Il a fallu déléguer plus de travaux. Le maïs, qui reste le pivot du système fourrager avec 32 ha ensilés, a été moins bien suivi. Les rendements s'en sont ressentis, descendant de 13 ou 14 t/ha de matière sèche à 8 ou 9 t/ha. En deux ans, les stocks d'ensilage ont fondu.

Pour améliorer leur autonomie, les associés ont décidé à l'automne 2013 d'essayer les méteils. En dérobée entre deux maïs, ils ont semé 18 ha d'un mélange de triticale, avoine, pois et vesce. Mais des inondations ont perturbé l'implantation, et le rendement 2014 a été décevant. Pour ne pas se retrouver en manque de maïs avant la récolte suivante, il a fallu prendre des décisions.

« Pour compléter la ration, nous avons d'abord acheté de l'aliment VL, puis du corn gluten, moins cher. Mais avec ces achats, la marge restait négative. Plutôt que de travailler à perte, nous avons finalement préféré diminuer le nombre de vaches », explique Michel, qui a la responsabilité du troupeau. Avec seulement 74 laitières, le Gaec n'a produit que 505 000 l en 2014, alors que son quota était de 709 000 l, ce qui a réduit les livraisons à la laiterie. La trésorerie a fondu et les dettes aux fournisseurs ont grimpé, de même que les prêts à court terme et les frais financiers qui vont avec. « En 2014, nous avons été obligés de restructurer nos prêts. Nous avons obtenu une année blanche et un réétalement des prêts, qui a permis de réduire les annuités de 50 000 à 19 000. Cela nous a redonné de l'oxygène », détaille Alain.

« NOUS TRAQUONS LES ÉCONOMIES »

Le challenge est maintenant de reconstituer la trésorerie en améliorant les marges, pour arriver à solder les dettes aux fournisseurs. « Sur l'exercice 2014-2015, nous avons encore augmenté de 5,7 % le chiffre d'affaires de la transformation, c'est encourageant », souligne Alain. Depuis, malheureusement, le prix du lait livré à la laiterie est reparti à la baisse. Pour y faire face, les associés sont en train de passer au peigne fin toutes les pistes pour réduire les coûts.

Au niveau de l'élevage, ils se sont attaqués au poste paille, de 19 000 € en 2014. « Nous l'achetions à 68€/t, avec des problèmes de qualité depuis deux ans. En 2015, nous avons changé de fournisseur et passé un accord avec un céréalier. En allant la chercher nous-mêmes, elle nous revient seulement à 52€/t et surtout, il n'en faut plus que 500 kg par jour, contre 700 kg précédemment, car sa capacité d'absorption est bien meilleure », constate Michel. Sur l'année, l'économie devrait dépasser 7 000 €.

« LA RATION A ÉTÉ RECALÉE »

Le corn gluten sec a été remplacé par du corn gluten humide à 45 % de matière sèche. « Il est mieux valorisé par les vaches, et ne coûte que 90€ par tonne brute au lieu de 280pour le sec », note-t-il. Début juillet, en matière sèche par vache et par jour, la ration était constituée de 12 kg de maïs ensilage, 5 kg de méteil, 4 kg de corn gluten humide et 1,8 kg de correcteur azoté. La production de lait était remontée à 28 l/j, contre seulement 23 à 24 l/j l'année précédente à la même période. « C'est positif. L'an prochain, nous prévoyons d'ensiler 5 à 6 ha de maïs grain humide si les rendements sont bons, pour ne plus avoir à acheter de corn gluten et réduire encore les coûts », ajoute Michel.

Avec un méteil en dérobée suivi d'un maïs, la production grimpe à 20 t de MS/ha, ce qui améliore l'autonomie. « Nous enrubannons les méteils entre le 1er et le 20 mai, puis nous labourons et préparons les sols avant de semer les maïs. Il ne faut pas perdre de temps ! Mais avec des variétés à cyclecourt, cela fonctionne bien », constate t-il. Le sol reste couvert durant l'hiver, sa structure s'améliore. Les légumineuses laissent de l'azote dans le sol. « Sur ces 18 ha, nous n'avons plus besoin de mettre d'engrais starter. »

Depuis que la ration comprend des méteils, les vaches ont moins de problèmes d'acidose et de mammites. « Plus riches en fibres, ils ont un effet tampon. Les vaches ne consomment plus l'argile que nous leur mettions à disposition dans une auge. Et les frais vétérinaires ont été divisés par deux. » Mais attention à ne pas mettre trop de méteils dans la ration. « Il y a un équilibre à trouver avec le maïs pour apporter suffisamment d'énergie. Sinon, la production de lait baisse. »

« IL RESTE TOUT À OPTIMISER »

En 2015, ces méteils ont donné de bons rendements, de 8 t de MS/ha. Les maïs, semés avec soin, ont bien démarré. Les semis précoces ont souffert de la sécheresse, mais avec les orages qui ont suivi, le rendement devrait rester correct, avec suffisamment de grains pour assurer une bonne valeur alimentaire. L'effectif du troupeau est déjà remonté à 78 vaches. « L'objectif est d'arriver à 85. Mais nous devons d'abord reconstituer des stocks d'ensilage. Nous avons eu jusqu'à six mois de marge de sécurité, alors que cet été, nous avons juste fait la soudure », note Alain.

Au niveau de l'atelier, les associés ont renégocié les tarifs des emballages en verre, en changeant de fournisseur, ainsi que ceux des étiquettes. « Sur une année, c'est une économie de 1 500 € », précise Cécile. Depuis 2011, le Gaec employait deux salariés pour 20 heures/semaine chacun. L'un d'eux a quitté l'exploitation en février 2015. « Cela va alléger les charges de 13 000€. » Pour l'instant, il n'est pas question de le remplacer, même si la charge de travail a augmenté pour Alain et Cécile, qui assurent la transformation. Michel et Frédéric ne peuvent pas les remplacer à l'atelier, car ils ne sont pas formés à ce travail. « En 2011, nous avions fini par nous décider à embaucher pour prendre un peu de vacances. Cet été, pour partir une semaine, il a fallu arrêter de transformer. Mais nous avions besoin de souffler ! », relève Cécile.

À terme, pour réduire la charge de travail, il leur faudra soit embaucher un nouveau salarié, soit chercher un cinquième associé. « Notre priorité est de retrouver un bon équilibre économique », affirme Cécile. L'équipe sort renforcée de cette période difficile. « Notre atout, c'est aussi d'être plusieurs à gérer l'exploitation. Nous pouvons discuter ensemble des problèmes et chercher des solutions », note Michel.

Une fois que tout aura été recalé, les quatre associés envisagent de nouveaux développements. « Nous pourrions prospecter des clients sur Toulouse, qui n'est qu'à 120 km, et augmenter ainsi le volume transformé avec une nouvelle tournée », lance Alain. La transformation reste leur meilleur atout, ils en sont convaincus. « Si nous n'avions pas créé l'atelier, nous ne serions plus que deux sur la ferme. Nous avons créé trois emplois de plus. Et avec la qualité de notre lait et de nos produits transformés, nous avons la satisfaction d'avoir des retours positifs sur notre travail ! »

FRÉDÉRIQUE EHRHARD

Gamme. Pour valoriser le lait écrémé, Alain fabrique des faisselles et des fromages blancs.

Vente directe. Le mardi après-midi, Cécile charge le fourgon pour préparer la grosse tournée de livraison du mercredi.

Ensilage. « Le maïs, cultivé sur 32 ha, reste essentiel pour l'autonomie fourragère », affirme Frédéric.

Astreinte. Frédéric et Michel assurent la traite dans la semaine. Le week-end, ils se relaient avec Alain.

Litière. En changeant de fournisseur de paille, le Gaec va faire des économies. Il ne faut plus que 500 kg/j contre 700 kg/j précédemment.

Ration complète. Il a fallu tâtonner un an avant de trouver le bon équilibre entre maïs et méteil.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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