« AVEC SEULEMENT 255 000 L, NOTRE FERME EST TRANSMISSIBLE »

REPORTAGE PHOTOS © JEAN-CHARLES GUTNER
REPORTAGE PHOTOS © JEAN-CHARLES GUTNER (©)

PROCHE DE LA RETRAITE, FRANCIANE ET JEAN-FRANÇOIS BAELDEN SOUHAITENT S'ASSOCIER AVEC UN JEUNE POUR LUI TRANSMETTRE PROGRESSIVEMENT LEUR EXPLOITATION.

A 51 ET 56 ANS, FRANCIANE ET JEAN-FRANÇOIS BAELDEN disent ressentir de plus en plus la fatigue. Depuis une trentaine d'années, ce couple exploite une ferme à Saint-Pierre-sur-Vence, à quelques kilomètres de Charleville-Mézières. D'abord, en association avec le père de Jean-François, son oncle et son frère avant de se retrouver seuls à partir de 1991. « Nous cherchons un jeune associé pour soulager notre charge de travail et lui transmettre progressivement notre exploitation », confient les époux. Certes, avec trente-cinq vaches laitières et vingt-deux blondes d'Aquitaine sur une surface de 171 ha, le travail ne manque pas.

« DE L'HERBE POUR PRODUIRE À MOINDRE COÛT »

Malgré tout, dans cette région d'élevage au coeur des Ardennes, des structures laitières de plus grande taille sont devenues la norme. Quitte à marginaliser cet élevage et sa référence laitière relativement modeste de 255 000 l. « Je suis persuadé que cette ferme est transmissible en l'état, déclare Jean-Philippe Moussu, conseiller à la chambre d'agriculture. Au vu de ses résultats économiques et de son potentiel de développement, la reprise ne devrait donner aucun souci. » Implanté dans le pays des crêtes pré-ardennaises, une zone très herbagère, l'atelier possède un sérieux atout : son système fourrager. Une grande partie de l'alimentation s'appuie sur la valorisation de l'herbe. Qu'importe si le potentiel génétique du troupeau n'est pas totalement exprimé. L'objectif est qu'il produise du lait à moindre coût. Mission réussie puisque le niveau de l'étable atteint 8 000 kg de lait standard avec seulement 1 t d'aliment.

« La conduite est bien maîtrisée puisque seulement 130 g de concentré par litre de lait ont été distribués sur la campagne dernière », analyse le contrôleur laitier. Dix-sept hectares d'herbe sont accessibles autour des bâtiments. Le pâturage débute début avril pour se terminer à la fin octobre. Et le silo à maïs est fermé du printemps jusqu'à la fin août. La moitié de ces pâtures est située dans des fonds de vallées. Elles sont donc très productives. L'autre moitié se trouve sur des terres séchantes en pente qui produisent peu l'été s'il ne pleut pas fréquemment. « En cas de sécheresse, comme les deux derniers étés, je complémente les vaches avec du foin », précise Jean-François. La fertilisation est très raisonnée. 30 m3 de lisier sont épandus tous les trois ou quatre ans. Et les années où les pâtures n'en reçoivent pas, 50 U d'azote sont apportées. L'hiver, place à une ration à base d'ensilage composée à 70 % de maïs et à 30 % d'herbe. Chaque année, seules une dizaine d'hectares de maïs et une douzaine d'herbe sont ensilés. La complémentation est réalisée au Dac avec des concentrés du commerce.

« Grâce à l'achat d'aliments simples, le prix est bien maîtrisé. Il a atteint, en moyenne, 288 /t sur la campagne 2009-2010 », souligne Jean-Philippe Moussu. Cet hiver, Jean-François a opté pour du tourteau de soja. Un VL 18 est distribué en guise d'aliment de production. Selon la richesse en amidon du maïs, du blé peut être introduit dans la ration. Ce ne sera pas le cas cet hiver.

« LE JA BÉNÉFICIERA D'UNE RALLONGE DE 60 000 L »

Outre le fait qu'il héritera de ce système économe, le futur associé pourra aussi compter sur une rallonge de 60 000 l de lait. Mais s'il souhaite continuer à les produire à faible coût, il sera bloqué par la surface autour des bâtiments, limitée à 17 ha. « Le chargement s'élève seulement à 1,07 UGB/ ha ramené à la surface toujours en herbe. Il est possiblede mieux exploiter ces pâtures, notamment en récoltant plus d'ensilage. » Ce changement de pratique risque malgré tout d'avoir une incidence négative sur le coût alimentaire. D'autant qu'il sera nécessaire de construire de nouveaux silos pour stocker ces fourrages.

Du côté du bâtiment, la stabulation laitière en logettes sur caillebotis, d'une capacité de cinquante places, pourra accueillir quelques vaches en plus. Elle abrite pour le moment une quinzaine de génisses inséminées qui devront être logées ailleurs. « L'hiver, tous nos bâtiments sont pleins, indique Jean-François . L'une des pistes serait de construire une stabulation pour les vaches allaitantes. Elles sont logées dans une ancienne grange réaménagée. Les génisses pourraient les remplacer. »

Construite en 1970 puis rénovée en 1991, la stabulation reste fonctionnelle. Une table d'alimentation centrale divise le bâtiment en deux avec, d'un côté, les vaches laitières et, de l'autre, les génisses et les boeufs du troupeau allaitant. Aucun investissement n'est à prévoir pour la mise aux normes. Sous les logettes des vaches, une fosse de 590 m3 permet de stocker les effluents durant trois mois et demi.

De l'autre côté, une fosse de 400 m3 extérieure a été construite. « Un changement de la réglementation pourrait nous obliger à nous remettre aux normes », s'inquiète Jean-François. La salle de traite TPA 1 x 8, construite en 1997, risque aussi d'être sous-dimensionnée en cas d'accroissement du troupeau. Et, malheureusement, elle n'est pas extensible.

Aucun problème de qualité du lait n'est à signaler. La situation sanitaire du troupeau est bien maîtrisée. Les comptages cellulaires ne dépassent pas 250 000 et les germes 50 000, « sauf l'été 2010 où les cellules dans le tank sont brusquement montées à 400 000 avant de redescendre deux moisplus tard, sans que nous en comprenions la raison. »

Grâce à l'absence de pénalité et à des taux corrects (32,8 de TP et 41,4 de TB), le prix du lait est rémunéré, en moyenne, 20 € de plus que le prix de base. Il atteint 310 €/1 000 l sur la campagne 2009-2010.

« PREMIER OBJECTIF : PRODUIRE LE QUOTA »

« Nous avons encore de la marge de manoeuvre pour améliorer nos résultats, confie Franciane. L'arrivée d'un jeune nous aidera à mieux suivre les animaux. » Le premier objectif sera de produire le quota.

Depuis deux ans, il n'est pas atteint. Seuls 217 000 l ont été vendus pendant la dernière campagne et 235 000 l la précédente. Des problèmes de reproduction liés à un passage de la FCO dans le troupeau en 2008 sont à l'origine de cette difficulté. « Ensuite, la vaccination n'a pas arrangé la situation », assure Jean-François.

Aujourd'hui, seulement 30 % des vaches sont fécondées à la première IA. Et un taureau blond d'Aquitaine est introduit dans le troupeau et féconde jusqu'à un tiers du troupeau.

Résultat : l'élevage doit faire face à un manque de génisses de renouvellement. « Ce n'est que cette année que j'ai acheté trois génisses prêtent à vêler.

Deux autres devraient arriver d'ici à quelques semaines.

Auparavant, j'estimais que le prix du lait n'était pas assez rémunérateur. J'étais également confronté à un manque de fourrage après la sécheresse », explique-t-il Pour la campagne en cours, la référence devrait être réalisée. Déjà 20 000 l de lait de plus que l'année dernière ont été vendus.

« TRÈS PEU D'ANNUITÉS À REMBOURSER »

Reste à résoudre ce problème de fécondité. L'inséminateur en ignore la cause. Le vétérinaire suspecte un déséquilibre en oligo-éléments, tandis que le contrôleur penche plutôt pour une origine multifactorielle. Ce souci de reproduction entraîne d'importants décalages des vêlages.

Alors qu'ils étaient plutôt groupés à l'automne et en début d'hiver, ils sont à présent étalés sur toute l'année. « Plus aucun vide sanitaire n'est effectué dans la nursery, la cryptosporidiose et la coccidiose sont apparues sur les veaux. » Cela impacte aussi le niveau d'étable du troupeau.

« Certaines vaches se trouvent en pleine production l'été alors que la pousse de l'herbe se raréfie. Elles ne produisent pas autant de lait qu'en hiver ou au printemps. »

Au-delà de difficultés de l'atelier lait, le troupeau allaitant trouve toute sa place dans ce système. En plus des génisses et des boeufs laitiers, il valorise la centaine d'hectares de prairies naturelles. La vente directe compense le fait que les vaches ne sont pas primées (voir encadré et infographie page 85). La commercialisation d'une cinquantaine d'hectares de céréales permet également de compléter le revenu de l'exploitation, même si les rendements sont aléatoires (voir encadré ci-contre). « Au total, cette exploitation peut dégager un EBE moyen de 90 000 par an. Elle est à même de supporter des annuités de reprise », indique Jean-Philippe Moussu. En 2009-2010, il s'est limité 57 000 €. Des rendements en céréales décevants, un prix du lait faible et une sous-réalisation laitière expliquent ce mauvais chiffre.

Avec seulement 17 000 € d'annuités, cet EBE est tout de même largement suffisant pour assurer les prélèvements privés. « Nous terminons cette année l'emprunt de la rénovation de la stabulation. Ensuite, nous n'aurons plus qu'un tracteur de 130 ch à payer », ajoute Franciane Baelden.

Cet été, après avoir lu l'annonce parue à l'Adasea, six jeunes ont appelé Franciane et Jean-François pour se renseigner sur l'exploitation à transmettre. Deux d'entre eux se sont déplacés pour visiter la ferme. Actuellement, un jeune homme semble motivé par la reprise. Salarié agricole dans le nord de la France, il est à la recherche d'une ferme qui possède à la fois du lait, des allaitantes et des céréales.

La question du montant de la reprise n'a pas été abordée pour l'instant. L'exploitation n'a pas encore été évaluée. Une personne de la chambre d'agriculture doit le faire d'ici à quelques semaines.

« SE LANCER DANS LA PRODUCTION OVINE »

Si cette candidature aboutie, les époux Baelden souhaitent d'abord l'embaucher comme salarié avant de s'associer. « Je prendrai ma retraite à 62 ans. Durant cinq ans, nous allons travailler ensemble. je préfère m'assurer que nous pouvons bien nous entendre. » Le conseil général devrait prendre en charge une partie du salaire.

D'autres pistes seront à trouver afin d'augmenter le chiffre d'affaires pour rémunérer cette personne. Lorsqu'il s'installera, le futur repreneur bénéficiera d'une rallonge de lait. L'une des possibilités serait de développer l'atelier de viande en augmentant le nombre de vaches allaitantes. « Le troupeau est mené de manière extensive. L'herbe pourrait être mieux valorisée », analyse Jean-Philippe Moussu. Mais le département n'attribuant plus de prime pour les mères, une réflexion est menée pour se lancer dans la production ovine, des droits à primes étant disponibles dans les Ardennes. « Le jeune homme connaît cette production. Nous sommes ouverts à tout et sommes prêts à apprendre ce métier », déclare Jean-François.

Lorsqu'il se retrouvera seul sur l'exploitation, le repreneur devra tout de même régler l'épineux problème du temps de travail. Il devra gérer trois, voire quatre productions. Pour l'heure, Franciane et Jean- François s'en sortent en déléguant plusieurs travaux des champs à une ETA (labours, moisson, pressage du foin et de la paille, épandage du fumier et ensilages). D'autres solutions devront être trouvées pour réduire la charge de travail. La vente directe, gourmande en temps, devra peut-être être abandonnée. À moins que ce soit un couple qui reprenne la ferme…

NICOLAS LOUIS

L'exploitation est située à quelques kilomètres de Charleville-Mézières.

La stabulation est divisée en deux par une table d'alimentation. D'un côté, elle peut loger une cinquantaine de vaches laitières. De l'autre, des box sont réservés pour les génisses et les boeufs du troupeau allaitant.

Construite en 1997, la salle de traite TPA 1 x 8 est suffisante pour traire la trentaine de vaches. En revanche, elle n'est pas extensible.

La maison d'habitation fait partie intégrante du corps de ferme. Franciane et Jean- François ont décidé de la vendre lors de la transmission de leur exploitation.

Un tracteur de 130 ch vient d'être acheté. Les éleveurs délèguent une grande partie des travaux des champs pour soulager leur charge de travail.

En plus des génisses et des boeufs laitiers, un troupeau de vingt-deux vaches allaitantes blondes d'Aquitaine valorise la centaine d'hectares de prairies.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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