« DANONE POLSKA EST D'ACCORD POUR QUE L'ON AUGMENTE DE 500 000 L »

REPORTAGE PHOTOS : © FILIP LEPKOWICZ
REPORTAGE PHOTOS : © FILIP LEPKOWICZ (©)

ENTREPRENANTS, MALVINA ET MACIEJ POHL FONT PARTIE DES ÉLEVEURS SUR LESQUELS LES INDUSTRIELS POLONAIS VEULENT S'APPUYER APRÈS LES QUOTAS. DANONE NE FAIT PAS EXCEPTION.

SI VOUS AVEZ L'IMAGE DE PRODUCTEURS DE LAIT POLONAIS SUR DE PETITES FERMES, avec des conditions de travail rappelant celles de vos grands-parents, remisez-la : Maciej Pohl est là pour en témoigner. Son troupeau de 85 holsteins a un niveau d'étable qui dépasse les 12 000 kg par vache. Sa stabulation suit les standards de la production laitière européenne : un couloir central avec, d'un côté, 88 logettes paillées en trois rangées pour les laitières, de l'autre, 24 logettes pour les taries et les génisses amouillantes. La partie laitière comporte deux stalles de Dac. Elle donne accès à la salle de traite 2 x 3 postes en épis avec décrochage automatique. À l'image des éleveurs nord-européens qui construisent des bâtiments sans chichis, l'installation ne possède pas d'aire d'attente. Elle est dans le couloir de circulation. De même, la table d'alimentation a une simple barre au garrot. Les couloirs sont raclés au tracteur.

« J'AIME AVOIR DES PROJETS CONSTAMMENT »

Les anciens bâtiments, qui hébergent les animaux d'élevage, sont là pour rappeler le pas franchi lors de la construction de la stabulation en 2002. Les vaches étaient en étable entravée dans des bâtiments sombres au plafond bas. Aujourd'hui, ce sont les taurillons qui sont à l'attache et une partie est réaménagée en cases collectives pour les élèves. L'alimentation et le paillage restent manuels et le fumier est sorti par un évacuateur à chaîne. Comme la majorité des éleveurs polonais, Maciej donne la priorité aux vaches dans ses investissements. À la veille de l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne, la ferme familiale de 40 laitières et 30 ha qu'il a reprise en 2001 était déjà largement au-dessus de la moyenne nationale. Il continue sur cette trajectoire. Il est aujourd'hui à la tête de 1,1 million de litres de quotas sur 190 ha. La moyenne polonaise des exploitations spécialisées lait est d'une vingtaine de vaches. Celle des 360 livreurs de Danone, dont il fait partie, est de 50 vaches. Bref, il a dix ans d'avance sur ses collègues qui, eux aussi, ont choisi de développer le lait, mais à un niveau moindre. Ceux que L'Éleveur laitier a rencontrés en juin (voir octobre, p. 6) ont 20 à 30 vaches en étable entravée et disent attendre de pied ferme la fin des quotas pour doubler leur production. Leur décision finale est conditionnée à l'évolution du prix du lait en 2015. Après un pic à 370 €/1 000 l(1)au premier trimestre 2014, il entame une baisse depuis juin. « J'aime avoir constamment des projets. C'est dans mon tempérament », plaisante l'éleveur de 33 ans. Il a fini de rembourser en 2013 son emprunt JA de 110 000 € contracté en 2002 pour financer la moitié du montant de la stabulation, la salle de traite, l'adaptation des anciens bâtiments, l'achat de 10 génisses et la fumière de 480 m2. Il a reçu aussi un coup de pouce non négligeable de ses parents : ils ont autofinancé l'autre moitié. « J'ai devancé la fin du remboursement pour acheter 10 ha à près de 10 000 € l'hectare. De même, après quinze ans de travail avec du matériel pas de première jeunesse, je viens d'acquérir pour la première fois un tracteur neuf de 180 ch pour 110 000 €, remboursable sur dix ans. »

« JE DOIS ACHETER DU FONCIER POUR PRÉSERVER MA SURFACE »

Les trois salariés employés 5 jours sur 7 pour un coût très faible (14 000 €, charges sociales comprises) pallient le manque de matériels performants et s'occupent des soins manuels des élèves et taurillons. « Je suis peu endetté car, en plus de l'aide financière de mes parents, jusque-là, tout ce que je gagnais était réinvesti dans la ferme. J'ai ainsi autofinancé l'achat de 50 ha de terre en moins de dix ans. Emprunter pour de la terre et du matériel est nouveau pour moi. » Sans doute son mariage avec Malvina en 2011 a-t-il réorienté une partie des bénéfices vers les besoins privés. Le couple a agrandi et modernisé la maison. « Acquérir du foncier est nécessaire, poursuit-il. Au début des années 2000, développer le lait ne pouvait pas se faire sans une sécurisation de l'alimentation du troupeau, en particulier en maïs-ensilage. Aujourd'hui, je dois préserver ma SAU. » Il loue 100 ha, « en majorité à des petits propriétaires qui espèrent vendre leurs parcelles en terrains constructibles ». Sa ferme est implantée à l'extrémité de Krotoszyn, ville de 28 000 habitants. « Comparé à d'autres éleveurs, j'ai globalement de la chance, estime-t-il. L'extension de la ville est planifiée de l'autre côté de Krotoszyn. De plus, je ne suis pas en concurrence avec d'autres agriculteurs pour agrandir ma surface. » Effectivement, l'accès à du foncier supplémentaire est l'une des clés du développement de la production laitière en Pologne. « Même s'ils quittent le métier d'agriculteur, les Polonais ont du mal à se séparer des parcelles dont ils sont propriétaires », confirme un observateur français. Pour lever cette réticence, Maciej passe un marché : en échange de la location (en moyenne 270 €/ha), il leur laisse l'aide découplée (238 €/ha en 2013) qui leur est directement versée.

« ME DÉVELOPPER POUR ABSORBER LA BAISSE DU PRIX DU LAIT EN 2015 »

Cette stratégie foncière tous azimuts a fait évoluer l'exploitation non seulement en lait, mais aussi en céréales. Elle affiche 75 ha de cultures pour la vente. Les 37 autres sont réservés à l'autoconsommation. « Le prix élevé des céréales de ces dernières années contribue à l'autofinancement des investissements et participe au faible endettement de l'exploitation », reconnaît le jeune éleveur. Les faibles charges de structure aussi (25 % du produit), notamment via les charges de personnel très peu élevées. Maciej ne veut pas s'arrêter en si bon chemin. Le revenu disponible 2013 (estimé) au-dessus des 150 000 € l'y encourage. Il réfléchit à monter sa production laitière à 1,5 Ml. « À la sortie des quotas laitiers, les gros élevages [N.D.L.R. : plus gros que lui] vont augmenter la production. Le prix du lait baissera de 10 à 20 %, prévoit-il. À moi de compenser cette baisse en produisant plus. » Une analyse répandue parmi les éleveurs laitiers polonais qui, chez les plus petits, fait craindre la fin des quotas et qui stimule les plus gros. Dans ce pays qui a définitivement tourné le dos à une économie encadrée, le prix du lait polonais est réactif aux marchés intérieur et international. De mai à octobre, sous l'effet de la dévaluation du rouble et de l'embargo russe, il a baissé de 40 €/1 000 l.

« J'HÉSITE ENTRE DEUX ROBOTS ET UNE TRAITE PAR L'ARRIÈRE »

L'appréhension de ses besoins en main-d'oeuvre guide également le jeune éleveur. « Je peux compter sur l'entraide familiale. Ma mère et moi trayons ensemble matin et soir, la semaine. Mes soeurs la remplacent le week-end. En contrepartie, je leur donne des coups de main. Mon épouse, Malvina, assure la comptabilité. J'ai bien conscience que tôt ou tard, ma mère réduira sa participation et mes soeurs seront moins disponibles car elles fondent une famille, tout comme mon épouse Malvina, avec l'arrivée de notre deuxième enfant. »

Deux modalités d'investissements sont sur sa table. La première : la construction d'une stabulation de 120 à 130 vaches et l'installation de deux robots. La stabulation actuelle hébergerait les animaux d'élevage et les vaches taries. Il chiffre ce projet à 585 000 €, robots compris. La seconde : la transformation de la salle de traite 2 x 3 postes en 2 x 12 postes en traite par l'arrière. Les génisses et vaches taries logées dans le bâtiment actuel céderaient leur place à la quarantaine de vaches supplémentaires. Elles seraient transférées vers le bâtiment génisses construit à cet effet. Coût : 440 000 € « L'avantage des deux robots est de résoudre mon problème de main-d'oeuvre. » Seulement, avec 120 vaches, ils seraient dès le départ saturés. Il penche plutôt pour la TPA qui absorbera plus facilement un éventuel agrandissement de troupeau.Dans les deux cas, il en autofinancera la moitié et empruntera l'autre sur dix ans. « L'investisssement sera lancé en 2015 ou en 2016. Tout dépendra du prix du lait. » Bien évidemment, l'éleveur a soumis à Danone son intention d'accroître de 400 000 à 500 000 l ses livraisons. « Pas de problème », a répondu Danone. Il se sent même soutenu dans son projet puisque l'entreprise l'aide dans ses démarches auprès des banques et lui donne des conseils en matière de bâtiments. Danone a des contrats individuels avec 360 livreurs pour 190 Ml de collecte. Il était déjà à ce niveau en 2008 quand L'Éleveur laitier l'a rencontré. Le Français a également des contrats d'approvisionnement avec des laiteries polonaises (50 Ml en 2008, non communiqué pour 2014). Le soutien à Maciej correspond-il à des besoins supplémentaires en lait ? Ajustera-t-il les contrats avec les laiteries en fonction de l'approvisionnement en plus des producteurs ? Le transfert vers Danone Polska d'une partie de la production des trois usines allemande, italienne et hongroise, qui seront fermées d'ici à la mi-2015, aura-t-il une incidence sur l'activité polonaise ? Interrogé en septembre, l'industriel n'a pas répondu. Questionné également sur le type d'exploitations laitières qu'il imagine après les quotas, il dit « apprécier les producteurs ouverts à la collaboration, impliqués et qui n'ont pas peur d'affronter de nouveaux défis ». Maciej est dans les clous de ce portrait-robot. Outre son envie d'aller de l'avant, il intervient avec Danone dans les écoles pour expliquer le lien entre le lait et la vache. « J'assiste aussi aux formations que propose Danone sur l'alimentation en lien avec des fournisseurs d'aliments, sur les soins vétérinaires, etc. Y participer n'est pas du temps perdu. »

« DANS UN GROUPEMENT DE SIX PRODUCTEURS DANONE DEPUIS 2013 »

Depuis un an et demi, il fait aussi partie de ces producteurs qui se constituent en groupement. Avec cinq autres, dont les tailles de troupeaux varient entre 20 et 120 vaches, il en a créé un en juin 2013. Le contrat est signé entre le groupement et Danone pour 24 000 l par jour. « La réglementation polonaise nous y incite à double titre. Les deux premières années, le prix du lait livré est augmenté de 5 % et les adhérents ont accès à des aides pour l'achat de matériel en commun. Avec Danone, nous n'avons pas négocié pour l'instant une augmentation de notre prime quantité. » Lui perçoit 39 €/1 000 l. C'est le maximum de la grille Danone (pour 55 000 l et plus livrés mensuellement). Le minimum est à 17 €/1 000 l pour 6 001 l à 15 000 l. Maciej perçoit également la prime qualité super extra de 36,60 €/1 000 l (moins de 300 000 cellules et de 50 000 germes/ml). « Danone assure une certaine stabilité dans le prix du lait, mais en conjoncture favorable, il ne répercute pas assez vite les hausses des marchés. Cela crée des tensions avec les producteurs qui estiment être moins payés que les collègues des autres laiteries. » Pour cette raison, la direction polonaise des appros lait propose depuis la mi-2013 sur sa zone une comparaison tous les six mois avec trois laiteries environnantes dont Mlekovita, l'une des coop leaders. « Le prix de base est négocié pour les six mois suivants. Cela donne de la stabilité à Danone en période de hausse et aux producteurs en période de baisse. » Le prix de base a baissé de 12 €/1 000 l le 1er juin et de 24 € le 1er novembre. Il estime son prix moyen 2014 à 370 €/1 000 l contre 352,20 € en 2013. Le lait de novembre a été payé 353 €. Il s'attend à une baisse d'au moins 35 à 40 € au premier trimestre 2015.

CLAIRE HUE AVEC ELISABETH GODZIELBA

(1) 1 euro = 4,1 zlotys.

La stabulation comporte 88 logettes en trois rangs pour les vaches. En face sont logées les taries et les génisses. Demain, soit elle accueillera toutes les génisses, soit elle absorbera l'accroissement du troupeau. Tout dépend des modalités du projet de développement.

La productivité poussée à l'animal et le zéro pâturage libèrent des parcelles pour les céréales.

La mère de Maciej, Maria Pohl, est une aide importante. Du lundi au vendredi, ils traient ensemble matin et soir. Dans la 2 x 3 postes, la traite dure trois heures, lavage compris.

Vendre les quatre vieux tracteurs. L'exploitation tourne avec du matériel ancien et pas adapté à sa taille. Avec la vente des quatre vieux tracteurs pour 17 000 € et l'achat d'un neuf de 180 ch à 110 000 €, une page est en train de se tourner.

Des solutions d'urgence pour les génisses. Anticipant le besoin en vaches supplémentaires pour le projet de développement, Maciej Pohl élève plus de génisses qu'habituellement. Pour faire face, deux cases pour 20 génisses ont été construites sous un hangar, pour un coût de 3 650 €.

Dans les anciens bâtiments, le travail ne peut pas être mécanisé. Les salariés paillent, curent et alimentent manuellement les génisses et les taurillons.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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Maladies

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