« LA CRISE DES PRIX EN 2009 NE NOUS A PAS MIS DANS LE ROUGE »

De gauche à droite : Brigitte, la mère, Jacques, le père, Sébastien et Stéphane, les deux associés du Gaec.
De gauche à droite : Brigitte, la mère, Jacques, le père, Sébastien et Stéphane, les deux associés du Gaec. (©)

STÉPHANE ET SÉBASTIEN SONT À LA TÊTE D'UNE EXPLOITATION TRÈS RENTABLE GRÂCE À LEURS NORMANDES, À UNE FORTE PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL ET À UNE BONNE MAÎTRISE DES CHARGES.

PLUS DE 40 000 € D'EBE PERDUS sur la campagne 2009- 2010 : le Gaec des Normandes n'a pas échappé à la crise des prix. Pour autant, contrairement à nombre d'exploitations, ses associés n'ont pas eu à rogner sur leurs prélèvements privés ni même à emprunter pour payer leurs factures. L'explication est à chercher dans l'importante marge de sécurité financière dont dispose cette exploitation. Elle tient à sa bonne productivité du travail. Stéphane et Sébastien Leullier sont à la tête d'un droit à produire de 800 000 l de lait depuis le départ à la « retraite toute relative » de leurs parents en 2008. Ils peuvent aussi compter sur la vente de 150 ha de céréales. « Notre troupeau normand est aussi un atout considérable, affirme Stéphane (39 ans), l'aîné, installé depuis quinze ans sur l'exploitation familiale. Nous ne pourrions pas obtenir d'aussi bons résultats avec des holsteins. » Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Grâce à des taux élevés (43,2 de TB et 34,6 de TP), le lait a été rémunéré 325 €/1 000 l. Soit 30 € de plus que le cas type de polyculteur-lait Nord-Picardie de l'Institut de l'élevage.

« UNE PLUS-VALUE DE 0,20 €/KG DE CARCASSE »

Le lait est livré à la CLHN (Coopérative laitière de Haute- Normandie), une coopérative de collecte dans laquelle Stéphane est administrateur, et approvisionne l'usine Danone. Il est transformé en grande partie en PGC (produits de grande consommation). « Nous tentons également d'obtenir les primes de régularité. Cela peut représenter jusqu'à 4 500 /an. Dès le mois d'avril 2011, une prime de linéarité va être mise en place. Là encore, nous allons tout faire pour la percevoir. »

Autre atout de la normande : la valorisation de la viande. Le poids de carcasse des vaches atteint 400 kg en moyenne. Les animaux sont commercialisés dans la filière FQRN (Filière qualité race normande) et sont aussi mieux rémunérés. « La plus-value s'élève au minimum à 0,20 /kg. Seules les vaches laitières réformées sont engraissées, tous les mâles partent à huit jours. » Le choix de cette race est payant puisque le produit de l'atelier lait se révèle supérieur de 71 € par rapport à la moyenne (446 €/1 000 l).

L'un des leitmotive des associés est aussi de comprimer les charges. Les normandes sont conduites de manière intensive et produisent 7 300 kg de lait brut. Soit 1 100 kg de plus que la moyenne du groupe normand du contrôle laitier de la Seine-Maritime. « Attention, nous n'achetons pas nos derniers kilos de lait », avertit Stéphane. Seulement 178 g de concentrés sont apportés par kilo de lait. Le système alimentaire est typique des exploitations en polyculture-élevage. La surface en herbe se limite 10 ares/VL/j. L'alimentation hivernale se compose de 43 kg bruts de maïs. Depuis quatre ans, de la luzerne est implantée pour améliorer la fibrosité de la ration mais aussi pour sa richesse en protéine. Elle est récoltée sous forme de foin ou d'enrubannage, mélangée dans le bol mélangeur à raison de 2 kg/VL/j, 1 kg de paille est introduit. Puis 3,2 kg de correcteur azoté sont incorporés afin d'équilibrer cette ration semi-complète à 26 kg de lait.

« NOUS OBTENONS DE TRÈS BONS RENDEMENTS EN MAÏS »

Le Gaec n'utilise aucune matière première pure et achète un concentré du commerce à la coopérative Cap-Seine. C'est un mélange de tourteau de colza, de soja, de drêche de blé, de maïs et d'urée. « Il a la même valeur qu'un soja mais coûte moins cher. Au mois d'août, j'ai acheté deux semis de 25 t à 284 /t. J'essaie d'être à l'écoute des marchés pour anticiper les hausses. Je pense que cette compétence sera une partie du métier d'éleveur de demain. » Afin d'éviter tout gaspillage, le concentré de production est apporté au plus proche des besoins des vaches grâce à un Dac. Il est distribué à raison d'1 kg tous les 2,75 l de lait. « Fabriquer notre aliment à la ferme nous demanderait trop de temps. Nous déléguons cette tâche à notre coop. Ce concentré contient 40 % de notre orge. »

Le coût de concentré atteint 77 €/1 000 l et se révèle légèrement supérieur à celui du cas-type de l'Institut de l'élevage (70,40 €). « Mais il est inférieur de 17 /1 000 l à la moyenne du groupe du CER de la Somme, complète Stéphane. Les normandes valorisent naturellement mieux la ration de base que des holsteins. » Le coût de la SFP est également réduit a minima (12 € contre 17 €/1 000 l). Stéphane et Sébastien n'apportent aucun engrais de fond sur leurs terres. Ils tentent de valoriser le fumier (voir encadré). Ils sont aussi avantagés par de très bons rendements en maïs (15 à 16 t de MS/ha en moyenne). Les meilleures vaches produisent jusqu'à 11 000 kg de lait standard. Certains pics atteignent parfois 47 kg de lait par jour. Le potentiel génétique est très bon. « Nous sommes la quatrième génération à sélectionner ce troupeau. »

« LE LAIT A “BOUFFÉ” LE BÉTON DES LOGETTES »

Les taureaux sont d'abord choisis pour la qualité de leurs aplombs. Un critère très important car les vaches sont logées dans des logettes paillées. « Cette année, nous avons posé des matelas car nous commencions à observer de gros jarrets. Nous nous sommes aperçus que le lait avait “bouffé” le béton et que les vaches couchaient sur le gravier », explique Stéphane. Ensuite, les deux frères recherchent des taureaux très améliorateurs en lait.

Passionnés de génétique normande, ils participent régulièrement à des concours. Curieusement, alors que ce n'est pas le premier critère sélectionné lors des accouplements, les vaches se distinguent fréquemment par la qualité de leurs mamelles. En 2004 au Sia, Roxane, une fille de Hollydays, a remporté le prix de la meilleure mamelle. « C'est lié à notre façon d'élever nos génisses. Elles ne consomment pas de maïs avant quinze mois. Elles sont nourries avec de la paille et des concentrés, puis sortent à l'herbe. » Les associés tentent de les faire vêler le plus tôt possible. « Les mamelles sont moins grasses. Les génisses sont moins stressées et s'habituent plus facilement aux logettes. » Le vêlage moyen atteint en moyenne 30 mois. Réduire l'âge au vêlage est aussi un moyen pour limiter le coût du renouvellement, dont le taux s'élève à 26 %.

« NOTRE QUOTA A AUGMENTÉ DE 200 000 L EN CINQ ANS »

En quatre ans, la productivité a augmenté de 370 kg de lait par vache, certes au détriment d'une légère dégradation des résultats de reproduction. L'intervalle vêlage-vêlage a reculé de 378 j à 409 j. Et le nombre d'IA fécondante est passé de 1,55 à 1,72. La fertilité reste tout de même correcte avec 62 % de réussite en première IA. « Cette dégradation est liée au fait que nous gardons plus de vaches pour produire notre référence, analyse Stéphane. En cinq ans, elle a augmenté de 200 000 l. » Lorsqu'il s'est installé avec ses parents en 1995, le quota s'élevait à 550 000 l de lait sur 123 ha. En 2005, son frère s'installe à son tour. Il est alors âgé de 25 ans et obtient une rallonge de 30 000 l. En 2006, la reprise d'une exploitation voisine de 35 ha permet d'augmenter de 100 000 l. Et depuis trois ans, le Gaec rachète systématiquement du quota dans le cadre des TSST. « Nos parents sont partis à la retraite il y a deux ans, mais nous souhaitons continuer à augmenter notre quota pour faire des économies d'échelle et diluer nos charges. En parallèle, la surface de l'exploitation a augmenté de plus de 100 ha pour atteindre 225 ha de SAU. »

Stéphane et Sébastien se heurtent aujourd'hui à un manque de place pour loger les animaux. À l'image de la laiterie, dont le plafond vient d'être relevé pour accueillir un nouveau tank à lait de 9 200 l, la stabulation à logettes est saturée. Construite en 1998 et d'une capacité de 100 places, les associés souhaitent l'agrandir. Ils veulent construire un appentis de 12 m x 72 m et installer 50 logettes supplémentaires. Un dossier de demande d'installation classée pour la protection de l'environnement et soumise à autorisation est en cours d'élaboration. « Nous sommes confiants sur l'issue de l'enquête publique et administrative. Le bâtiment est à l'extérieur du village et nous avons suffisamment de surfaces d'épandage », expliquent-ils.

Comme l'an dernier, le quota ne sera pas totalement réalisé sur la campagne en cours. Il risque de manquer environ 20 000 l de lait. Mais ceci n'est pas lié qu'au manque de places dans le bâtiment. Le Gaec a été confronté à un problème de cellules dû à un déréglage de la machine à traire. La situation sanitaire est aujourd'hui maîtrisée. Les derniers comptages cellulaires sont à 180 000. Mais le lait de plusieurs vaches mammiteuses est encore écarté. « Là encore, le fait que nous faisons davantage vieillir le troupeau pour produire les volumes supplémentaires dégrade légèrement la situation cellulaire », explique Stéphane.

Mais comment font ces deux frères pour gérer une structure d'aussi grande taille ? Pas de miracle, les parents donnent encore un coup de main. « Leur travail représente l'équivalent d'une personne à plein-temps », ajoute Stéphane. Deux personnes sont nécessaires pour traire les vaches dans la salle de traite 2 x 10 postes. Brigitte, la mère, assure une partie de ce travail et soigne les petits veaux. Jacques, le père, s'occupe d'une partie des travaux des champs. Stéphane et Sébastien traient aussi le troupeau. Même s'ils sont polyvalents, ils se sont réparti la responsabilité des deux activités : le premier gère les cultures et le second l'atelier lait.

« NOUS SOMMES À SATURATION EN TERME DE CHARGES DE TRAVAIL »

Ces quatre personnes connaissent parfaitement le troupeau et sont très vigilantes. « C'est l'une des bases pour obtenir de bons résultats, précise Stéphane. Il faut se tenir prêt à intervenir le plus tôt possible. » Une caméra est installée dans la stabulation. Sébastien surveille tous les soirs, à distance, le troupeau depuis la maison de ses parents. Stéphane n'habite pas très loin, de l'autre côté du village, avec sa femme et ses jumeaux.

« Nous sommes à saturation en terme de charges de travail, mais nous maîtrisons nos deux ateliers, déclare-t-il. Nous avons fini de semer les blés le 20 octobre, tout le travail est réalisé à temps. » Le Gaec ne délègue aucun des travaux des champs. Le manque de main-d'oeuvre est compensé par du matériel performant. Ces dernières années, les associés ont investi dans deux tracteurs de 150 ch. Ils possèdent une charrue, un épandeur à fumier, le matériel de semis et de traitement. Mais l'essentiel est emprunté à la Cuma dans laquelle Stéphane est trésorier. « Il est renouvelé régulièrement et cela nous permet de réduire les coûts. Nous possédons du matériel en copropriété avec un voisin. »

Bien sûr, à terme, Stéphane et Sébastien vont devoir songer à remplacer la main-d'oeuvre bénévole de leurs parents. « D'ici à cinq ans, nous comptons embaucher un salarié. Nous pourrons alors nous libérer un week-end sur trois. Pour l'instant, nous travaillons 7 jours sur 7 et nous ne prenons quasiment pas de vacances. » Le coût est estimé à 30 000 € par an.

Le Gaec doit faire face à de fortes annuités d'emprunts. Les échéances de la stabulation à logettes ne se terminent que dans trois ans et d'importants investissements, en matériel de culture notamment, ont été réalisés ces dernières années. Malgré tout, même sur la campagne 2009-2010, alors que les deux productions étaient en crise, l'exploitation aurait été en mesure de rémunérer un salarié.

NICOLAS LOUIS

En 2007, le Gaec a investi dans un bol mélangeur d'une valeur de 32 000 €. Depuis, de la luzerne sous forme de foin ou d'enrubannage est introduite dans la ration semi-complète afin d'améliorer sa fibrosité.

Le corps de ferme se situe à l'extérieur de Caulières, un village de la Somme situé à quelques kilomètres de l'Oise et de la Seine-Maritime.

La salle de traite 2 x 10 postes équipées de décrochage automatique et de compteurs à lait permet de traire 80 vaches à l'heure. Deux personnes assurent cette tâche.

L'hiver, les génisses sont abritées dans deux endroits différents. Celles qui vêlent à trois ans logent dans une stabulation à logettes en bois d'une capacité de 40 places.

Le Gaec a investi dans deux tracteurs de 150 ch. Il possède son propre matériel de culture, en achète en copropriété ou en emprunte à la Cuma

Construite en 1998, la stabulation à logettes de 100 places est sous-dimensionnée pour loger le troupeau. Les associés souhaitent aménager un appentis de 12 m x 72 m pour installer 50 logettes supplémentaire

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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