« NOUS CONSOLIDONS NOTRE SYSTÈME POUR PASSER LE CAP DE 2015 »

REPORTAGE PHOTOS : JÉRÔME CHABANNE
REPORTAGE PHOTOS : JÉRÔME CHABANNE (©)

AU CŒUR D'UN BASSIN LAITIER DYNAMIQUE, ANDRÉ PEYRAGROSSE, LIONEL JULIEN ET FRÉDÉRIC FARJON MISENT SUR LA RÉUSSITE DE LEUR ASSOCIATION ET LA MAÎTRISE DE LEURS COÛTS DE PRODUCTION POUR DÉGAGER UN REVENU CORRECT.

LA HAUTE-LOIRE EST LE PLUS LAITIER DES QUATRE DÉPARTEMENTS AUVERGNATS. Cette vocation est liée, au départ, à des structures morcelées et de taille modeste, exploitées en polyculture-élevage. Le Gaec des Chênes se situe au coeur de l'un des deux bassins laitiers du département, une zone dynamique où le lait de 350 producteurs est transformé en fromage de la marque Saint Agur à la Compagnie fromagère de la vallée de l'Ance, une fromagerie du groupe Bongrain située à Beauzac (Haute-Loire).

De 1984 à 2005, André Peyragrosse exploite seul 45 ha de SAU avec 25 vaches laitières et un quota de 162 000 l de lait : l'exploitation type de cette région du Velay. Il est aidé par son père et un neveu. Une entraide mutuelle s'est aussi instaurée avec deux de ses voisins, Louis Favier et Jean Méasson, installés quant à eux sur 57 ha avec 35 vaches laitières pour un quota de 300 000 l de lait.

Les deux hommes avaient constitué, en 1977, l'un des premiers Gaec du département et ils étaient passionnés de concours en race holstein. André intègre le Gaec en 2005. « C'était le bon moment et le bon endroit pour moi. J'avais très envie de m'associer, conscient que cela générerait davantage de travail mais que j'allais surtout y gagner en qualité de vie », commente André Peyragrosse.

Les deux troupeaux qui présentaient les mêmes qualifications sanitaires sont réunis sans difficultés en profitant de la mise à l'herbe. Alain Favier retarde son départ à la retraite d'un an pour laisser le temps à Frédéric Farjon de terminer ses études. Âgé de vingt ans, le jeune homme fréquente depuis son plus jeune âge l'exploitation d'André qui a repris les terres de son grand-père. « Le virus a sauté une génération, sourit Frédéric. Moi je suis fait pour ce métier d'éleveur ! » Il rejoint du même coup le Gaec et les terres grand-parentales au printemps 2007. L'exploitation comprend 112 ha de SAU et 62 vaches laitières. Avec deux attributions successives de quotas, le droit à produire atteint 550 000 l de lait. Le bâtiment existant, déjà réaménagé en logettes en 2005, est alors agrandi et mis aux normes. Les travaux nécessitent 120 000 €.

« NOUVEL ASSOCIÉ, NOUVELLE ORGANISATION »

En 2011, Jean Méasson prend à son tour sa retraite. André et Frédéric recherchent un nouvel associé pour le remplacer. C'est Lionel Julien qui va se présenter via le registre départemental à l'installation. « Nous avons eu de la chance car les candidats ne se sont pas présentés en masse. Nous avons eu en tout et pour tout deux contacts, un jeune travaillant en usine qui voulait se reconvertir, et Lionel, en rupture d'association sur une exploitation du département », expliquent André et Frédéric.

Lionel travaillera chez eux un jour par semaine entre novembre 2010 et mars 2011. Au terme de cet essai, il arrive en avril 2011 au Gaec des Chênes. Dans ses « bagages » : 45 ha sur le plateau du Mézenc, un quota de 70 000 l de lait, 17 vaches salers et 10,4 droits PMTVA (prime à la vache allaitante). Il déménage aussi un bâtiment de 1 000 m2. Avec 50 m de cornadis, ce dernier compte 77 places et va dès lors abriter toutes les génisses laitières, les génisses allaitantes et les vaches taries. Les trois associés revoient leur plan d'assolement avec l'objectif de maîtriser au mieux l'autonomie alimentaire de leur système. Sur les 45 ha apportés par Lionel, 30 ha vont être fanés en première coupe. Certaines parcelles labourables de l'exploitation « d'en bas » peuvent par conséquent être consacrées à des cultures.

Les surfaces en maïs ensilage passent de 10 à 14 ha, celles en céréales de 14,5 ha à 18,5 ha. « Avec 35 ha d'ensilage d'herbe en première coupe, 45 ha de foin et 14 ha d'ensilage de maïs, nous sommes autosuffisants en fourrages. L'an passé, nous avons implanté 15 ha de luzerne pour limiter encore nos achats extérieurs, précisent les éleveurs, qui vont reconduire cet essai sur 9 ha en 2014. Les étés très secs chez nous pénalisent un semis direct de printemps. Nous l'implanterons désormais à l'automne après un labour et un chaulage. »

« NOUS AVONS AUGMENTÉ NOTRE PRODUCTION DE 400 L PAR VACHE »

Les associés ont également implanté 3,3 ha de sorgho sucrier qui présente, en plus de sa valeur alimentaire, l'intérêt de ne pas être saccagé par les sangliers. Un problème que connaît l'exploitation sur certaines parcelles de maïs. « Cet essai est concluant quant à la valeur de l'aliment obtenu avec 0,81 UFL et 66 g de PDIN par kilo de matière sèche. Mais nous essayerons de l'ensiler un peu plus tard cette année. » Ensilé fin septembre, en même temps qu'une partie du maïs semé plus précocement, le sorgho et le maïs ont été mélangés dans un même silo, qui a fait « tampon » pendant trois semaines avant la réalisation du stock de maïs-ensilage, fin octobre. « Entre 2012 et 2013, nous avons modifié notre ration complète en ration semi-complète. Nous avons ainsi individualisé les vaches hautes productrices dans la distribution du concentré. Le résultat est satisfaisant puisque nous avons augmenté notre production de 400 l/VL », expliquent les éleveurs. La ration de base est ainsi calée sur une distribution journalière de 30 kg d'ensilage d'herbe, 15 kg d'ensilage de maïs, 2 kg de foin de luzerne, 2,7 kg de tourteau de soja + colza, 2 kg de céréales (blé + avoine), 1 kg de farine de maïs, 3,5 kg de maïs en épis et 150 g de minéraux et de sel. Le concentré de production, composé d'un tiers de farine de maïs, un tiers de pulpe et un tiers de tourteau de soja, est distribué à raison de 1 kg pour 3 l de lait. « Le foin de luzerne pure est meilleur pour la rumination qu'un mélange luzerne-dactyle, souligne Vincent Brunel, contrôleur laitier. Le Gaec des Chênes a produit 60 000 l de plus entre deux campagnes laitières, avec 65 vaches à 8 400 l répertoriées en janvier 2013 et 75 vaches à 8 800 l en janvier 2014. Des marges de progression sont encore possibles sur la productivité du troupeau et sur la maîtrise du coût de l'alimentation, les ensilages n'ayant pas été d'une excellente qualité l'an passé. »

« NOUS POSSÉDONS DES VACHES DE CONCOURS »

La génétique prim'holstein est l'un des sujets qui passionnent Frédéric Farjon. « Nous cherchons à constituer un cheptel de vaches d'un bon gabarit avec une forte capacité d'ingestion, explique le jeune homme. Nos objectifs sont dans la continuité de la souche existant à l'origine dans le Gaec Favier-Masséol : des vaches hautes productrices susceptibles d'être présentées en concours. Les doses d'IA viennent des États-Unis et du Canada. Travailler la génétique d'un troupeau, c'est à la fois plaisant et rentable ! » Des animaux ont déjà été présentés en concours, au Sommet de l'élevage, à Cournon (Puy-de-Dôme) en 2013, et à l'Open Show de Saint-Étienne (Loire). Le jeune éleveur ne cache pas son engouement à sortir en concours. « Un passage intéressant pour pouvoir vendre des reproductrices, dont le marché est aujourd'hui porteur du fait de l'augmentation du prix du lait. » Toutes les génisses sont élevées. Les semences utilisées ne sont pas sexées. En revanche, une échographie est systématiquement pratiquée avant les inséminations, afin de surveiller l'involution utérine. Pour ce faire, les éleveurs ont signé un contrat avec leur coopérative d'insémination Codélia. « Aucune insémination n'est réalisée inutilement. Nous avons fait progresser le taux de réussite en première IA de 67 à 80,3 % », précise Frédéric. Les vêlages sont étalés toute l'année. D'une part pour répartir d'autant la charge de travail et d'autre part pour livrer du lait de façon régulière pour la laiterie de Beauzac.

« NOTRE LAIT EST TRANSFORMÉ EN FROMAGES DE MARQUES »

Le lait est livré à la Compagnie fromagère de la vallée de l'Ance, qui transforme les 82 Ml collectés chez 350 producteurs (un cinquième de la production laitière départementale) en fromages de marques Saint Agur et Rochebaron, la deuxième spécialité fromagère de l'entreprise.

Le Saint Agur est le produit phare de l'entreprise, depuis sa naissance en 1989. Ses concepteurs ont eu l'heureuse idée d'allier un goût de bleu prononcé à une texture très fondante dans ce fromage à pâte molle persillé. Cette recette unique, emballée dans de l'aluminium (comme tous les bleus), a acquis ses premières lettres de noblesse à la coupe avant de conquérir le libre-service. « Ce fromage est devenu une marque incontournable sur le marché, au même titre que le Caprice des Dieux, le Chaumes ou le St Môret, analysent les trois associés. Il est indéniable que produire pour cette laiterie est un atout pour les exploitations de la zone, d'une part pour sa proximité géographique qui nous assure quasiment la pérennité d'une collecte et, d'autre part, par la notoriété d'un produit solidement positionné sur le marché des fromages. »

Fort d'une communication TV importante et d'une innovation permanente dans ses différentes déclinaisons (crème, portions, fromage frais...), le Saint Agur est devenu en vingt-cinq ans le premier bleu au lait de vache avec 6 millions d'acheteurs et 8 Français sur 10 le connaissent. « 50 % de la production est exportée. Nous sommes confiants quant à une montée en puissance régulière de cette production sur le marché », précise Pierre-Pascal Vurpillot, responsable de la zone laitière de la laiterie. L'entreprise, qui investit régulièrement sur ce site, entretient un contact étroit avec ses producteurs. Des groupes de travail leur sont proposés sur différents thèmes. Le Gaec des Chênes participe à un groupe consacré aux questions environnementales. « Chacun présente les pratiques de son exploitation. Réduire les gaz à effet de serre nous concerne tous, explique Frédéric. La hausse du prix du lait en 2013 nous donne le moral, confient les éleveurss. Même si nous subissons totalement les fluctuations du marché mondial de la poudre de lait, les évolutions dans ce sens-là nous conviennent ! »

« 400 €/1 000 L AU PREMIER TRIMESTRE 2014, CELA NOUS MOTIVE »

De fait, le prix du lait est passé d'une moyenne de 344 €/1 000 l en 2012 à 372 €/1 000 l en 2013. Le premier trimestre 2014 affiche une nouvelle hausse avec un prix payé de 400 €/1 000 l. Le Gaec des Chênes cumule au prix de base les primes qualité « classiques » relatives au TP, au TB et aux butyriques, soit un total de 7,60 €/1 000 l pour un lait régulièrement classé en super A. Depuis janvier 2014, la laiterie a modifié le paiement de la matière grasse. Alors qu'elle était payée sur la base de +2,80 €/1 000 l pour des taux compris entre 38 et 42 g/l et +1,40 € pour un taux supérieur à 42, la nouvelle grille gratifie désormais un taux supérieur à 38 g/l de 2,80 € sans seuil limite. « L'entreprise a besoin de matières grasses pour ses spécialités fromagères », soulignent les éleveurs, qui apprécient de connaître le devenir de leur lait. « La notoriété de la marque est une garantie pour l'avenir de nos exploitations. L'après-quotas 2015 ne changera pas fondamentalement notre façon de travailler. Nous ne doublerons pas notre production car nous n'en avons ni la possibilité ni l'envie. Mieux vaut conforter l'existant pour nous assurer la rémunération correcte d'un travail bien fait.Nous voulons garder du temps pour bien suivre le troupeau, vendre des reproductrices et sortir en concours », ajoute Frédéric. Avec un troupeau augmenté à 80 vaches, la production annuelle pourrait raisonnablement atteindre 750 000 l de lait. « Nous avons encore à gagner sur nos coûts de production grâce à une plus grande autonomie en protéines. C'est l'un de nos défis techniques à court terme. Et maintenir un niveau de revenu à plus de 2 Smic/UMO comme l'an passé est notre défi économique à long terme ! »

MONIQUE ROQUE-MARMEYS

Logement. Les vaches laitières sont dans un bâtiment dont l'aire paillée a été remplacée par des logettes en 2005, puis agrandi et mis aux normes en 2007.

Choix génétique. Les éleveurs font appel à des taureaux canadiens et américains pour produire des vaches à 9 000 ou 9 500 l par an, d'un bon gabarit. Leur objectif est de vendre des reproductrices et de fréquenter les concours.

La distribution de l'alimentation a été modifiée l'an passé. Les éleveurs sont passés d'une ration complète à une ration semi-complète afin d'individualiser le concentré pour les hautes productrices.

Les éleveurs se partagent tous les travaux au quotidien. Ils se sont organisés pour bénéficier de temps libre un week-end sur trois.

Insémination artificielle. Toutes les femelles sont systématiquement échographiées avant insémination. Cette pratique contractualisée avec la coopérative d'insémination a permis de faire progresser la réussite en première IA de 67 à 80,3 %.

Le bâtiment abritant aujourd'hui toutes les génisses a été déplacé depuis l'ancienne exploitation du troisième associé, Lionel Julien, lorsque celui-ci est arrivé au Gaec des Chênes, en 2011.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
journée technique sur la tuberculose bovine

La tuberculose bovine fait frémir les éleveurs bas-normands

Maladies

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