
Bien que théoriquement immunisées, certaines vaches en lactation peuvent être affectées par les parasites digestifs au pâturage. Il est difficile de déterminer pour quels animaux un traitement sera bénéfique, et pour lesquels il sera inutile. Mais une bonne interprétation des indices oriente le choix des individus à traiter.
Toutes les vaches laitières adultes qui pâturent hébergent des parasites : l'examen des caillettes recueillies dans les abattoirs révèle, en effet, la présence systématique de parasites enkystés (Ostertagia). Si elles ont été en contact avec des strongles durant un temps suffisant quand elles étaient génisses, les vaches adultes sont normalement capables de développer une super immunité contre ces parasites. Celle‐ci n'empêche pas l'infestation, mais elle bloque très efficacement la reproduction des strongles.
La charge parasitaire des prairies augmente de façon exponentielle entre l’été et l’automne. A la rentrée à l’étable les vaches laitières viennent de faire face à un pic d’infestation parasitaire. Leur immunité a‐t‐elle été efficace ? suffisante ? : c’est le bon moment pour y réfléchir.
Jusqu’à 20% des vaches ont une production laitière impactée
Cette immunité est‐elle toujours suffisante pour éviter les désordres digestifs causés par ces parasites et donc les conséquences en matière de production laitière ? Plusieurs études scientifiques ont cherché à répondre à cette question, en mesurant les volumes de lait produits avant et après traitements antiparasitaires. Une étude menée en France par des équipes de chercheurs de l’INRAE, de l’Institut de l’élevage et de l’école vétérinaire de Nantes ONIRIS1 montre que les résultats sont variables : la production de certaines vaches augmente après traitement, reste la même pour d'autres, diminue légèrement pour d'autres encore (pour des raisons indéterminées). Grace à ces études, Les scientifiques ont estimé que les niveaux d'infestation chez les adultes peuvent entraîner des baisses de production de lait, pouvant atteindre 20% du troupeau.
Alors, comment repérer ces animaux à la production pénalisée par une infestation parasitaire ? Chez les adultes, l’exercice est complexe. En effet, les trois techniques utilisées pour repérer la présence de parasites ne donnent que des informations partielles, notamment en raison de l'existence de l'immunité. En effet, chez les vaches laitières, ni le nombre d'œufs dans les bouses (généralement faible), ni le dosage du pepsinogène (témoin des lésions de la caillette) ne sont corrélés au niveau d'infestation. Le dosage des anticorps anti‐Ostertagia dans le lait de tank donne un peu plus d’éléments : il témoigne en effet de la rencontre entre les animaux et les parasites.
Mais comme le souligne Jean‐Philippe Allix, vétérinaire à Cerisy‐la‐Salle (50), cette valeur s’interprète surtout de manière relative, en surveillant son évolution d'une année sur l'autre.
Le critère du TCE
Pour décider si des vaches ont besoin d'un traitement antiparasitaire, les vétérinaires s'appuient, en plus, sur un autre critère, plutôt fiable lui : le TCE, ou Temps de contact effectif, entre les vaches et les parasites. « Il s'agit de la période de pâturage, en temps cumulé depuis la naissance et jusqu’au premier vêlage, dont on déduit le temps pendant lequel les animaux sont protégés par les vermifuges, et les périodes de sécheresses en plein été qui ne sont pas propices au développement des parasites », développe Alexandre Servera, vétérinaire à Saint‐Hilaire‐du‐ Harcouët (50).
Si le TCE est inférieur à 8 mois au premier vêlage, on peut considérer que les bêtes ne sont pas suffisamment immunes contre les strongles gastro‐intestinaux. Un TCE bas combiné à une concentration croissante d'anticorps dans le lait (mesurée par la densité optique (DO)) constituent « un faisceau d'indices concordants », y associer l’analyse des données de production laitière individuelles permet de traiter de façon ciblée les animaux en retard de production (en les comparant, au sein du troupeau, par rang de lactation), c’est‐à‐dire ne vermifuger que les animaux susceptibles de répondre le mieux au déparasitage interne.
Alexandre Servera, adepte de cette méthode décrite et validée scientifiquement par les parasitologues d’ONIRIS2, pour cibler les animaux à traiter dans les troupeaux qu'il suit, en résume les bénéfices : « Globalement, si je traite tous les animaux, je gagne environ 1 litre de lait par vache et par jour. Si je traite la moitié du troupeau, je gagne environ 2 litres de lait par vache traitée. J'ai donc le même résultat dans le tank, mais pour deux fois moins cher ! C'est aussi mieux pour l'environnement, et pour éviter le développement de résistances. »
Le risque de développement de résistances est en effet particulièrement critique en ce qui concerne les vaches en production.
L'arsenal thérapeutique est restreint pour les animaux laitiers, des résistances sont déjà observées dans plusieurs pays producteurs de lait, il est donc important de raisonner l'utilisation des antiparasitaires internes pour garder des populations de parasites sensibles. Une des stratégies efficaces pour réduire l’apparition des résistances consiste à ne pas traiter tous les animaux au même moment donc mettre en place le traitement individualisé.
Plusieurs formulations de vermifuges existent, seules certaines sont adaptées pour les traitements individuels. Parlez-en avec votre vétérinaire.
1‐ Ravinet et al. 2014. Vet Parasitol. Change in milk production after treatment against gastrointestinal nematodes according to grazing history, parasitological and production‐ based indicators in adult dairy cows. 95‐109.
2‐ Ravinet et al. 2018. JNGTV. Résistance des strongles digestifs aux anthelminthiques et gestion refuges chez les bovins : des résultats récents pour le traitement ciblé‐sélectif des génisses et des vaches adultes en troupeau laitier. 272‐288.