David Thual : « Les sujets agricoles en lien avec la durabilité sont devenus un enjeu électoral »

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David Thual, conseiller Union européenne au Cnaol explique que, "dans le cadre de la réforme en cours de la réglementation des indications géographiques à Bruxelles, les producteurs veulent aller plus loin et sécuriser un peu plus le cadre juridique". (© D. Thual)

Lors de l’assemblée générale du Conseil national des appellations d’origine laitières (Cnaol), les 28 et 29 septembre, à Laguiole (Aveyron), la question de la durabilité des AOP a été mise sur le devant de la scène. David Thual, conseiller Union européenne au Cnaol, explique ce qu’il en est à Bruxelles.

Comment l’Union européenne perçoit la durabilité ?

David Thual : Jusqu’à aujourd’hui, les textes réglementaires de l’Union européenne (UE) n’abordent la durabilité que de manière partielle et essentiellement sous l’angle environnemental. La Commission européenne n’a pas défini la durabilité, mais, à travers ses initiatives au titre du Pacte vert pour l’Europe, elle insiste sur certains aspects qui soulèvent des questions pour les AOP. En effet, au-delà du volet environnement, la Commission européenne considère que des produits ne sont pas durables s’ils n’offrent pas un haut niveau de protection du bien-être animal ou s’ils posent, selon elle, des problèmes en matière nutritionnelle, par exemple lorsqu’ils contiennent du gras, du sel, de sucre ou de l’alcool, ce qui concerne de nombreuses AOP.

Une définition est-elle alors prévue ?

D. T. : Un projet de définition de la durabilité, inspiré, des travaux de la FAO est bien en discussion à Bruxelles. Il s’agirait alors de : « fournir et promouvoir des denrées alimentaires suffisantes, sûres, nutritives et saines, ayant un faible impact sur l’environnement, pour toutes les générations actuelles et futures. Il devrait protéger et restaurer l’environnement naturel et les services écosystémiques, être robuste et résilient, économiquement dynamique, juste et équitable, et socialement acceptable et inclusif, sans compromettre la disponibilité d’aliments nutritifs et sains pour les personnes hors de l’UE, ni porter atteinte à leur environnement naturel ». Au vu de ces éléments, on voit bien la complexité de cette définition et les enjeux qu’elle soulève dans le contexte économique et politique actuel. Attendue pour cette fin d’année 2023, une proposition de la Commission européenne de cadre pour un système alimentaire durable ne devrait cependant pas voir le jour sous cette législature. En effet, les élections européennes sont prévues le 9 juin prochain et une nouvelle Commission européenne sera nommée en octobre 2024. Les sujets agricoles, notamment en lien avec la durabilité, sont devenus au cours des derniers mois un enjeu électoral. Le plus grand parti du Parlement européen, le PPE (droite) se présente comme le parti des agriculteurs et du monde rural ; il s’oppose désormais fermement à de nombreuses propositions de la Commission européenne. Autant dire que la définition de la durabilité au niveau européen, ce n’est pas pour tout de suite !

En attendant, les AOP font tout de même évoluer leurs cahiers des charges pour plus de durabilité, comment cela est-il perçu au sein de l’UE ?

D. T. : Lors de la dernière réforme de la Pac, le règlement sur les produits de qualité a aussi été modifié. À la demande des producteurs d’AOP et d’IGP et avec l’appui du Parlement européen et du Conseil des Ministres, une disposition a été introduite permettant d’insérer des éléments de durabilité dans les cahiers des charges et de considérer ces changements comme des modifications dites standard. Concrètement, ceci signifie que ces évolutions des cahiers des charges doivent être examinées et validées par les États membres et non par la Commission européenne.

Ce nouveau cadre juridique donne plus de flexibilité aux AOP pour faire évoluer leurs pratiques. Il s’agit d’un point important car les AOP sont souvent attaquées sur leur durabilité. Certains leur reprochent de ne pas être durables car elles ne peuvent s’engager à ce que tous les opérateurs du bassin de production le soient. Il faudra cependant tenir compte du Droit de la concurrence européen qui peut fixer des limites à l’introduction de certaines mesures.

La Commission européenne voudrait transférer une partie de la compétence d’examen des dossiers des IGP à l’Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO) qu’en est-il ?

D. T. : C’est, en effet, l’une des propositions phares de la Commission européenne. La DG Agriculture souhaite que l’examen des cahiers des charges soit fait par l’EUIPO. Ceci ne nous convient pas du tout car les AOP et les IGP ne sont pas des marques ! Il s’agit d’outils de développement agricole et rural avant tout. Nos cahiers des charges sont complexes. Ils contiennent de nombreuses dispositions qui vont bien au-delà de la simple protection d’un nom du point de vue de la propriété intellectuelle. Nous nous battons pour que l’analyse et la validation des cahiers des charges, au cœur du système, restent entre les mains de la Commission européenne. Elle seule a les compétences et l’expertise nécessaires pour mener à bien ce travail et garantir la crédibilité du système des indications géographiques.

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