
Le climat change, la pousse de l’herbe aussi. La ferme expérimentale de Trévarez, dans le Finistère, a testé avec succès le pâturage hivernal par des génisses gestantes, et même par des vaches en lactation.
Dans les régions océaniques, le changement climatique conduit à des hivers plus doux permettant de prolonger la saison de la pousse de l’herbe. D’où l’idée de chercher à valoriser ce fourrage par le pâturage. Depuis trois ans, la chambre d’agriculture de Bretagne mène des essais à la ferme expérimentale de Trévarez (Finistère), en collaboration avec l’Institut de l’élevage (Idele), pour évaluer l’opportunité de faire pâturer les bovins laitiers en hiver. « Nous voulions observer les conséquences de cette pratique sur les croissances des animaux, les quantités de fourrages stockés économisés et la pousse durant le printemps suivant », détaille Guylaine Trou, chargée d’études à la chambre d’agriculture de Bretagne. Il s’agissait aussi d’apprécier la valeur alimentaire de cette herbe.
L’expérimentation a été conduite trois ans de suite. L’hiver 2021-2022 se caractérise par une pluviométrie faible, moins de 200 mm de début novembre à début février, contre 450 mm en moyenne à Trévarez entre 1990 et 2010. L’hiver suivant a été plus pluvieux que d’habitude, tandis qu’en 2023-2024 les précipitations étaient conformes à la moyenne. Cette diversité renforce l’intérêt de l’essai. Les chutes de neige sont rares dans la région et, en moyenne, on compte de sept à vingt jours de gel nocturne ou matinal à cette période.

En pratique, deux lots de six génisses holsteins gestantes depuis quatre mois ont été constitués. Toutes devaient vêler au printemps suivant à l’âge de 24 mois.
- L’un des lots est sorti sur des prairies de RGA-TB conduites en pâturage tournant. Les paddocks offraient une surface moyenne de 1,3 ha, d’où un chargement faible. Les animaux ont commencé à pâturer à une hauteur d’herbe de 8 à 9 cm et ont quitté les parcelles à 5 cm. Ils ont passé en moyenne neuf jours sur chaque paddock, cette durée ayant été adaptée en fonction de la portance et de l’herbe disponible. Les parcelles les moins portantes ont été pâturées en premier. Ce lot n’avait accès à aucun bâtiment et ne recevait pas de fourrages complémentaires.
- Le second lot a passé l’hiver en bâtiment sur une aire paillée avec une ration d’enrubannage, sans concentré. Il s’agissait de RGA-TB ou de RGH-TV distribué à volonté. Ces fourrages avaient une teneur en MAT de 15 % pour une valeur un peu inférieure à 0,8 UFL. Tous les animaux étaient nourris à l’herbe pâturée avant l’essai. Il n’y a donc pas eu de transition alimentaire pour le lot au pâturage.
L’herbe d’hiver est riche en MAT
On constate qu’en moyenne, sur les trois ans, les croissances sont au rendez-vous dans les deux lots, 950 g de GMQ/jour. Certains animaux ont même franchi la barre des 1 000 g avec de l’enrubannage de bonne qualité. Les analyses ont montré un bon niveau de qualité de l’herbe d’hiver avec une teneur en MAT de 22 % et un niveau d’UFL autour de 0,9. Ces valeurs sont stables d’une année sur l’autre.
On ne remarque pas de différence en ce qui concerne les conditions de vêlage et les poids des veaux à la naissance. Cependant, alors que les échographies effectuées deux à quatre mois avant l’essai ont montré que toutes les génisses étaient pleines, trois n’ont finalement pas vêlé au printemps. Toutes se trouvaient dans le lot à l’herbe en hiver. Ce constat interpelle et il est difficile d’en tirer des conclusions. « Cette année, nous ferons les échographies en novembre, juste avant de commencer le pâturage hivernal », indique Guylaine Trou.
Le temps de travail a été évalué, sachant que les génisses en pâture étaient visitées quotidiennement. Il fallait aussi faire le tour des clôtures ou changer les animaux de paddock. Au final, le temps consacré aux animaux est équivalent avec les deux conduites, voire légèrement supérieur pour celle à l’herbe. La localisation des parcelles joue sur ce poste. En 2023, la tempête Ciaran a pesé sur le travail car il a fallu vérifier toutes les clôtures. Les bâtiments n’ont pas été touchés. Par ailleurs, la conduite à l’herbe a permis d’économiser 5 à 6 t de MS d’enrubanné par an pour le lot de six génisses et 2 t de paille, en quatre-vingt-dix jours.
Un bon niveau de bien-être animal
L’hiver dernier, une évaluation du bien-être animal a été réalisée. Les animaux ont été observés pendant une heure toutes les deux semaines, soit six fois durant la période de l’essai, selon la méthode WQP (Welfare Quality protocol). Divers aspects ont été appréciés en suivant une grille de notation : propreté, état d’engraissement, présence de blessures, boiterie, comportement, etc. Il existe des écarts sur la propreté, moins bonne dans le bâtiment. Les comportements sociaux diffèrent également : la relation homme-animal n’est pas dégradée au pâturage ; les interactions négatives (coups de tête, compétition pour les ressources…) sont plus fréquentes à l’intérieur, alors que, l’espace étant plus important en prairie, les situations de compétitions sont logiquement plus rares.
Le score a été classé excellent au pâturage, acceptable en bâtiment. Il n’y a donc clairement pas de dégradation du bien-être des animaux quand ils passent l’hiver dehors, dans les conditions de Trévarez. Chaque parcelle dispose de haies et d’abris. Le chargement est maintenu à un niveau faible et le temps de présence par paddock est réduit. Les animaux ne semblaient pas incommodés par la pluie et ne se trouvaient pas en terrain boueux.
Les prairies conservent une bonne productivité
Les observations se sont poursuivies au printemps pour voir si le pâturage hivernal pénalisait la productivité des prairies. Il s’avère que les parcelles concernées démarrent moins vite au printemps. Pour autant, quand on regarde le cumul entre l’herbe consommée en hiver et la production du premier cycle, on ne mesure pas d’écart.
Cet essai a été financé par Cap Protéines durant deux ans, puis par Fermadapt la dernière année. Les résultats des fermes de Thorigné-d’Anjou (Maine-et-Loire) et de la Blanche Maison (Manche), également impliquées, confortent ceux de Trévarez en matière de croissance des animaux et de pousse de l’herbe. De plus, un réseau de 50 éleveurs bretons adeptes du pâturage hivernal sous différentes formes a été constitué. L’observation de leurs pratiques et de leurs résultats devrait être riche d’enseignement.
Bien que l’essai se termine à Trévarez, l’équipe a adopté le pâturage hivernal pour une partie des génisses gestantes. « On a vu qu’on dispose d’herbe à valoriser durant cette période », juge Guylaine Trou. Elle estime qu’il s’agit d’une option intéressante en cas de manque de place dans les bâtiments. Il faut cependant veiller à respecter un chargement faible et garder à l’esprit que la nature du travail est différente.
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