« S'il n'y avait pas la méthanisation, je ne serais peut-être plus là », estime François Trubert, éleveur de vaches laitières et de volailles. Installé à Gévezé au nord de Rennes, ce fermier qui s'est lancé dans la production de biogaz il y a 11 ans ne cache pas sa fierté d'assurer son autonomie financière et énergétique.
Devant sa cuve en forme de dôme, cet entrepreneur d'un naturel énergique explique le fonctionnement de son méthaniseur qu'il alimente avec 30 tonnes de matière par jour, essentiellement des déjections et enveloppes de maïs. Par fermentation, il produit un équivalent au gaz naturel fossile qu'il convertit par cogénération en électricité.
« Je peux mettre 150 kilowatts d'électricité sur le réseau », soit la consommation de 200 ménages, assure l'éleveur, dont la voix est couverte par le bruit du moteur qui transforme son gaz en électricité.
Après avoir investi un million d'euros, il se targue de produire pour 240 000 Kwh d'électricité dont il tire environ 100 000 euros de marge, une fois déduits ses coûts de fonctionnement, énergie, achats de matières, salaires.
Sous contrat avec un opérateur d'énergie local, il se réjouit aussi de chauffer sa maison, l'eau courante et son poulailler.
Ce pionnier de la filière en Bretagne tient aussi à prévenir ses collègues agriculteurs tenté par l'aventure : « la méthanisation n'est pas un fleuve tranquille ». « Le message c'est vigilance (...) il faut une exploitation en bonne santé financière » et les projets d'extension doivent « être en adéquation avec la taille » de la ferme, souligne-t-il.
« Cumul de contraintes »
Dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la flambée du prix de l'énergie, la filière fait face aujourd'hui à un « cumul des contraintes », estime Mauritz Quaak, vice-président de l'Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF).
Depuis 2017, le coût moyen d'une installation est passé de 4,5 à 6 millions d'euros. Conséquence : les porteurs de projets remboursent des emprunts à des taux plus élevés.
Depuis novembre, la filière a aussi vu les tarifs de rachat de l'énergie produite revus à la baisse pour les nouveaux contrats, de 6 à 15 % selon le type de système.
Plus surprenant, les agriculteurs méthaniseurs qui auraient pu passer pour les grands gagnants de la crise des prix de l'énergie, sont eux-mêmes rattrapés. Car pour fonctionner un méthaniseur a besoin d'électricité, qu'il doit acheter au prix fort.
Et « c'est l'achat au prix du marché de cette électricité qui met la filière en difficulté », souligne Hélène Berhault-Gaborit, animatrice à l'AAMF citée par Web-agri.
« Qu'on soit porteur de projet, producteur, on se retrouve avec une hausse (de la facture d'électricité) de 100 % à 400 %. Malheureusement, il y a un seuil fatidique. Quelqu'un qui verra sa facture multipliée par trois, ce sera fini », alerte Mauritz Quaak qui lance un « message d'alerte » aux agriculteurs.
A Iffendic (Ille-et-Vilaine), le Gaec de Trevit qui exploite 200 vaches laitières, transforme lui le fumier en gaz.
« On parle beaucoup de souveraineté alimentaire, on parle d'énergie (...) nous, on a un pied dans chaque », se targue Frédéric Pillet, 42 ans. Avec cinq associés, il a investi il y a trois ans 3,5 millions d'euros dans un méthaniseur qui alimente « au moins 1 500 foyers » avec un gaz directement injecté dans le réseau local.
Si cet agriculteur assurait en octobre que son projet était encore rentable, la hausse du coût de fonctionnement de son méthaniseur va rogner sur ses marges.
En Bretagne, l'agence locale de l'énergie AILE recensait en septembre 2022, 211 unités de méthanisation en fonctionnement et en début d'année dernière une centaine en projets, au 2e rang derrière le Grand-Est.
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