
Un mois après le début d'un mouvement d'exaspération des paysans, Gabriel Attal a placé mercredi l'agriculture « au rang des intérêts fondamentaux » du pays, récapitulant les engagements déjà pris par le gouvernement et annonçant quelques nouvelles mesures sur les saisonniers étrangers, les pesticides et la rémunération. (Article mis à jour à 14h)
Le Premier ministre a récapitulé les dizaines d'engagements et chantiers déjà lancés, et annoncé des mesures sur les visas de saisonniers étrangers, sur les pesticides ou encore sur la rémunération. Mais il semble avoir laissé sur leur faim les agriculteurs, focalisés sur l'intervention à venir du chef de l'Etat.
« Il y a des choses qui bougent, des marqueurs qui commencent à tendre dans le bon sens (mais) il faut des actes », a réagi le président des Jeunes agriculteurs, Arnaud Gaillot. « A l'heure actuelle, tout est dans les mains du président (Emmanuel Macron) », a-t-il dit, appelant celui-ci à « casser la baraque » samedi.
L'agriculture, a dit Gabriel Attal lors d'une conférence de presse, fait partie « des intérêts fondamentaux » de la nation au même titre que sa sécurité ou sa défense. « L'objectif de souveraineté agricole et alimentaire » sera inscrit « noir sur blanc » dans le futur projet de loi d'orientation agricole, a-t-il promis. Le texte comprendra aussi plusieurs mesures de simplification, une revendication forte des manifestants, sur les haies, par exemple.
EN DIRECT | Point d’étape sur la situation agricole par le Premier ministre, @GabrielAttal, et présentation des grands axes du projet de loi pour une agriculture souveraine. https://t.co/xeSelpVaZs
— Gouvernement (@gouvernementFR) February 21, 2024
Pour simplifier la vie des exploitants, le Premier ministre s'est aussi engagé à « faciliter » l'attribution de visas pour que les saisonniers étrangers viennent travailler dans les fermes françaises, en déclarant la production agricole comme « secteur en tension ».
Sur les pesticides, la France va abandonner l'indicateur qu'elle utilise actuellement pour mesurer la réduction de leur usage, le Nodu.
Renforcer Egalim
Pour améliorer le revenu des agriculteurs, le gouvernement va présenter d'ici l'été un nouveau texte de loi pour « renforcer le dispositif Egalim » devant permettre une meilleure rémunération des producteurs dans le cadre des négociations entre distributeurs et fournisseurs agro-industriels, a annoncé Gabriel Attal.
Il prévoit par ailleurs d'organiser d'ici avril une Conférence des solutions associant Etat et collectivités pour que ces dernières intègrent plus de produits durables et de qualité, ainsi que de bio, dans la restauration collective.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé que des contrôles sur l'origine française des produits vendus aux consommateurs avaient déjà eu lieu dans 1 000 établissements, 372 d'entre eux étant en non-conformité.
Rappelant la mise en place de plusieurs fonds d'urgence à des secteurs en difficultés, le Premier ministre a aussi assuré que « 99,61 % des aides de base de la Pac » avaient déjà été versées aux agriculteurs, avec l'objectif de 100 % au 15 mars.
Campement au salon de l'Agriculture
Le syndicat majoritaire, la FNSEA, qui a rencontré à de multiples reprises l'exécutif depuis plusieurs semaines, a salué des « avancées certaines » mais s'en remet à Emmanuel Macron pour engager le gouvernement sur un calendrier rapide et clair.
La présidente de la Coordination rurale, deuxième syndicat du secteur, Véronique Le Floc'h, a de son côté regretté que le Premier ministre n'ait pas annoncé une « année blanche », avec suspension des remboursements des prêts pour soulager la trésorerie des agriculteurs. Et inscrire la souveraineté agricole et alimentaire dans la loi avec l'objectif de produire plus, « de quoi parle-t-on ? », s'est-elle interrogée.
Sur le terrain, les agriculteurs mobilisés ont suivi l'intervention du Premier ministre à distance.
« Ça fait beaucoup d'engagements mais combien vont être tenus jusqu'au bout ? », demande Romain Duteil, 25 ans, éleveur de bovins dans l'ouest de la Creuse. « On se fait un peu balader depuis quelques semaines et, après le Salon, on ne parlera plus de nous. Il faut de vraies répercussions sur le compte en banque. »
Pour Grégoire Bouilliant, producteur de grandes cultures dans le Vexin, les annonces relèvent encore de « la mesurette ». « Notre cher président n'a pas compris le message qu'on lui a envoyé, on va malheureusement le rappeler à l'ordre dans quelques jours », a-t-il prédit.
« Une fois de plus rien n'est annoncé sur le soutien des trésoreries et ce qui est dit sur la loi Egalim ne changera pas le prix du blé pour les céréaliers », a aussi réagi Orian Massaglia, secrétaire général des JA du Gers.
Comme un rappel du début du mouvement, quelque 70 km de l'autoroute A62 sont fermés à la circulation entre Agen et Montauban en raison d'un blocage par une poignée de manifestants qui ont répandu du lisier sur 200 mètres.
Sur ce barrage dans le Tarn-et-Garonne, Jean-Marie Dirat, secrétaire général de la FRSEA Occitanie, n'est pas apaisé par les engagements de Gabriel Attal, qui a pourtant énuméré les aides versées récemment : « Les agriculteurs n'ont pas la trésorerie », a-t-il dit. On fait quoi ? On doit continuer à faire ce qu'on fait pour être méprisés ? (...) On a l'impression qu'ils jettent une pièce à un mendiant ! »
Des agriculteurs continuent à mener des actions dans des supermarchés, pour y dénoncer la vente de produits étrangers, ou pour bloquer des centrales d'achat, avec le retour de tracteurs sur les routes et les ronds-points.
Pour peser jusqu'au bout, les deux syndicats majoritaires, FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA), ont prévu à Paris vendredi soir un « cortège » d'agriculteurs emmenés par quelques tracteurs et se terminant devant les portes du Salon, où plusieurs d'entre eux pourraient camper jusqu'à la venue du président le lendemain.
La Coordination rurale, deuxième syndicat du secteur, a prévu aussi une manifestation vendredi à Paris.
Gabriel Attal a en tout cas redit qu'il ne souhaitait pas que le Salon de l'agriculture devienne « l'otage » des responsables politiques et a proposé de nouveau à Marine Le Pen de débattre avec lui de ces questions. Ce que la cheffe de file des députés a refusé mardi soir. « Ça montre manifestement qu'elle n'est pas très à l'aise sur ces questions-là et qu'elle a peur que ça se voie », a commenté le Premier ministre.
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
FCO : le Grand Ouest en première ligne
Le biogaz liquéfié, une solution pour les unités de cogénération dans l’impasse
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?
L’Iddri suggère de briser « l’ambivalence » des chambres d’agriculture en matière de transition agroécologique
L’agriculture biologique, marginalisée d’ici 2040 ?
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou