
Les mesures annoncées par le gouvernement semblent loin de suffire à apaiser la colère des éleveurs, au regard des sondages effectués sur Web-agri et des commentaires des lecteurs. Quelles étaient leurs attentes ? Et quels sont donc les principaux points de crispation ?
Les annonces de Gabriel Attal suite à la mobilisation des agriculteurset des éleveurs, à bout face aux difficultés qu’ils subissent depuis des années, ne vont « rien changer ». C’est ce qu’estiment 77 %des répondants d’un sondage sur Web-agri, soit 7 % de plus que les exploitants agricoles dans leur ensemble, interrogés de la même manière sur Terre-net. 42 % jugent que « de toute façon, rien de plus ne serait obtenu » et 35 % auraient souhaité « continuer les blocages agricoles ».
« Les annonces ne changeront rien »
Le secteur de l’élevage semble donc plus pessimiste puisque, sur Terre-net, les pourcentages s’élèvent à 36 % et 34 % respectivement. D’ailleurs, seuls 21 % des sondés sur Web-agri considèrent que « les mesures répondent aux revendications » (6 points de moins que sur Terre-net) et 2 % qu’elles sont « à la hauteur des attentes » (là, c’est similaire). À noter : dans les filières animales comme végétales, autant de producteurs auraient été favorables à la poursuite du mouvement.
Revendications sur Égalim et les importations
Il faut dire que, selon une autre question posée sur le site quelques jours avant que soient annoncées ces mesures, axée sur les revendications des éleveurs, 46 % espéraient « une application plus stricte de la loi Égalimpour une meilleure rémunération des productions ». Et 39 % auraient voulu que « les importations de produits ne respectant pas les normes européennes soient stoppées ». Loin derrière, 13 % demandaient « un allègement des normes environnementales et sanitaires » et 3 % « une accélération du versement des indemnisations ».
Sur Terre-net, l’ordre est un peu différent : « stopper les importations de produits ne respectant pas les normes européennes » arrive en premier et de beaucoup (50 %), « alléger les normes environnementales et sanitaires » ensuite (26 %), puis « faire appliquer la loi Égalim pour la rémunération des productions » (17 %), renoncer à la fin de la détaxation du GNR (6 %) et « accélérer le versement des indemnisations » (1 %).
Des mesures et attentes peu en phase
Force est de constater, qu’effectivement, les annonces gouvernementales ne sont pas très en phase avec ce que réclamaient les producteurs, et notamment ceux ayant répondu au sondage. Pas étonnant qu’ils soient déçus.
Parmi les promesses du gouvernement en effet : l’annulation de l’abandon de la détaxation du gasoil non routier, la mise en pause du plan Écophyto, la hausse de la prise en charge des frais vétérinaires dans le cadre de la MHE de 80 à 90 %, l’accélération du paiement des aides Pac et des avances TICPE, le prolongement du dispositif d’exonération du TO-DE, des accroissements de budget ou du seuil d’exonération en faveur de l’installation et de la transmission, ainsi que diverses simplifications sur l’eau, le curage, les haies…
Rien de concret sur les prix, revenus, importations, normes…
Quant à la loi Égalim, les déclarations ne portent que sur le renforcement des contrôles. Pour lutter contre la concurrence déloyale, l’État a réaffirmé sa fermeté concernant le traité avec le Mercosur et sa volonté d’instaurer des clauses miroirs. La commission européenne, elle, a proposé une dérogation partielle à l’obligation de jachère et de limiter toute augmentation démesurée des importations ukrainiennes.
Citons cependant l’exonération fiscale spécifique pour l’élevage, de 150 €/vache, dans la loi de finances 2024. Rien de concret donc sur l’import de denrées agricoles non soumises aux mêmes règles, ni pour alléger les contraintes environnementales et sanitaires. Et surtout pour améliorer le prix du lait et de la viande payés aux producteurs, ni les revenus des éleveurs.
« Tout ça pour ça !! »
Or les commentaires des lecteurs de Web-agri confirment bien la déception des exploitants sur tous ces points. « Tout ça pour ça !! », lâche Édouard. « Affligeant », appuie Massol. « Encore une magnifique pièce de théâtre », image Bouboule. « Voilà qui s’appelle rentrer au bercail les poches vides », poursuit-il. Steph72 ne mâche pas ses mots : « un crachat à la figure des agriculteurs qui ont du mal à se sortir une rémunération décente : guère plus de 1 000 € pour 50 à 70 h de travail par semaine !!! »
Un crachat à la figure des éleveurs !!!
Et dire que les syndicats « se contentent de ces mesurettes », déplore Gibbs qui invite à « se méfier de ces promesses ». Un effet d’annonce pour « calmer les agris », craint Miloute57 qui pense que « cela ne va pas arranger les trésoreries ». Kamikaze, fataliste : « À quoi d’autre s’attendre, que des paroles, de la part d’un gouvernement qui adore les absurdités de Bruxelles et en rajoute une couche à Paris. » Tintin détaille : « Franchement quand on parle du mal-être des éleveurs, ce n’est pas le GNR qui ne me vient en premier à l’esprit, mais plutôt des prix rémunérateurs et une meilleure répartition des marges entre les exploitants agricoles, les transformateurs et les distributeurs. »
« Il faut des prix rémunérateurs ! »
« Il nous faut des prix rémunérateurs !!! », clame également Didier. Toutefois, « ce n’est pas en bloquant un rond-point que les choses bougeront », considère-t-il, car « ce n’est pas l’État qui nous achète notre lait, mais bien nos chers industriels privés ou coopérative tout d’abord et ensuite les GMS ». C’est pourquoi Bouboule exhorte à « bloquer toutes les grandes surfaces pour obtenir gain de cause ». Selon R et mi, « il n’y a pas 50 solutions pour sortir de l’ornière : il faut soit l’équivalent d’une année de Pac par tête de pipe », mais il ne voit pas où trouver l’argent, « oit une année blanche sur la totalité des emprunts en cours », car « juste les intérêts à payer, ça ne coûte pas grand-chose ».
Bloquer plutôt les GMS.
« Faire appliquer Égalim, cesser le libre-échange »
Sur Égalim, Steph72aspire à ce que « la loi et les contrats fonctionnent mieux ». « Sur 100 € de produits alimentaires en rayon, 6,5 € uniquement reviennent aux agriculteurs. Égalim n’a rien changé, le vrai coût de production n’est pas pris en compte. En Allemagne, ils n’ont pas cette loi, mais le prix du lait est monté à 550 € et les produits en magasins ne sont pas plus chers qu’en France ! Même avec Égalim, le prix du lait payé aux producteurs français était le moins cher d’Europe en 2022 !! », analyse-t-il.
Bien silencieux les distributeurs pendant la crise !
Même au sujet de la surcharge administrative, Bouboulerevient sur celui de la rémunération : « Quand tu es bien payé pour ton travail, les inconvénients sont supportables. » « Il faut sortir des traités de libre-échange, de toutes les aides à la c... et enfin rémunérer notre travail plutôt que grassement les industriels et les GMS sans augmenter le prix de l’alimentation dont les hausses leur ont profité », résume-t-il. D’ailleurs, « quel silence des distributeurs dans les médias actuellement ! M. Leclerc, M. Bierro et compagnie ne font plus les fanfarons devant les journalistes à la télévision », fait remarquer Jmb67.
« Un pansement pour la MHE »
Quant aux mesures dédiées à l’élevage, Dédé compare celles sur la MHE à « un pansement ». « Il faut des sous pour trouver un vaccin », préconise-t-il. « Pour ce dernier, comme pour la prise en charge des frais véto et des pertes, l’État n’a pas les fonds pour l’instant », pointe Gibbs. Au-delà, les aides réservées au secteur équivalent à « peu de choses », enchaîne-t-il, évoquant les « 150 M€ d’allègement d’intérêts de crédits et de charges sociales qui, ramené à l’éleveur, sont dérisoires ». « En plus, ce n’est pas pour tout de suite », ajoute-t-il.
On ne touchera encore que des miettes !
« N’avait-ce pas déjà été annoncé au Sommet de l’élevage ?, se demande Nn. Ou est-ce en plus ? » « Il y a toujours un petit truc qui fera qu’on ne touchera que des miettes », regrette Miloute57. Blabla calcule : « La France comptait, en 2020, 145 000 fermes d’élevage. Si en 2024, il n’en reste plus que 130 000, cela revient à 1 010 €/exploitation. Bref, tout cela est inutile et n’arrêtera pas l’hémorragie dans la filière. » « 1 000 €/ exploitation quand il en manque 50 000 € ?, s’interroge Steph72. C’est vraiment se foutre de la g... du monde ! »
« 150 M€, c’est à 1 000 €/exploitation »
« Encore faut-il que cela aille à ceux qui en ont le plus besoin et que ce ne soit pas bouffé en frais de dossier », fait remarquer Gilbert. En tout état de cause, Jpland rappelle que les fonds sont « pris sur le budget public ». « Les décisions envisagées pour développer », ou à défaut sauver l’élevage, se résument à cela ? », s’étonne-t-il. Eh oui, « certaines productions sont plus stratégiques, donc prioritaires, que d’autres », soupire Gibbs.
Certaines filières sont plus stratégiques que d’autres.
Les lecteurs paraissent particulièrement remontés sur le prix du lait, et notamment vis-à-vis de Lactalis. Patt taxe l’attitude de groupe laitier, « numéro 1 mondial et dernier de la classe en la matière » de « pathétique ». Il comprend mieux « pourquoi Emmanuel Besnier est la sixième fortune de France ». Que penser des quelques euros de plus que l’industriel a mis sur la table pour février et mars ? Gibbs est écœuré : « Comme par hasard, quand Savencia monte à 422 €/1 000 l pour Sunlait et 428 € pour FMB, Besnier décide de faire un effort, histoire de montrer aux politiques et au grand public qu’il a entendu la colère des producteurs et qu’il les soutient. Que de la com' !! »
Remontés vis-à-vis de Lactalis
« 5 € de plus et il en faudrait 10 pour que les éleveurs s’en sortent ! Les 1 000 l sont payés, en moyenne, 405 € quand les coûts de production atteignent 470 à 490 €/1 000 l !! », s’insurge Hippo. Miloute57 ne se fait guère d’illusion : quoi qu’il en soit, « ils continueront à vendre leurs produits au prix fort, les engagements politiques partent déjà en sucette » ! « Toutes les laiteries sont bien en deçà du prix rémunérateur », nuance Steph72.
5 € de plus, il en faudrait 10 !
Pour conclure, ptilaitier n’est pas très optimiste : les problèmes de l’élevage et de l’agriculture plus généralement « sont extrêmement complexes et nos politiques n’ont que très peu la main. C’est la loi du plus fort, de l’argent ». « Les paysans auront de plus en plus de mal à se faire respecter », redoute-t-il. « En tout cas, sans changement d’ici un an, la situation risque d’exploser pour de bon », anticipe Miloute57. En attendant, le Salon de l’agriculture pourrait être cette année « très animé », à en croire plusieurs d’entre vous, qui semblent y voir « l’opportunité de ne pas laisser les braises refroidir ».
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