Une gamme de fourrages d’été face aux aléas climatiques

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Récolte du premier cycle de l’essai sur les graminées multicoupes mis en place en 2021 sur la Ferme expérimentale des Bordes (Indre) dans le cadre de Cap protéines. (©Arvalis)

Testés dans les conditions hydriques contrastées des étés 2021 et 2022 notamment, des sorghos monocoupes et des graminées multicoupes montrent des atouts comparativement à du maïs ou des prairies.

Les Journées de printemps de l’Association francophone pour les prairies et les fourrages (AFPF), en mars à Angers, étaient consacrées cette année à la contribution des prairies et fourrages dans le cadre des impacts et services environnementaux de l’élevage. En préambule, plusieurs travaux consacrés à l’adaptation aux aléas climatiques ont été présentés dans le « Quoi de neuf ? » de l’association. Dans les cas extrêmes de sécheresse, comme en 2022, le maïs voit en effet ses rendements pénalisés, jusqu’à être divisés par deux dans certains secteurs. Quant à la croissance de l’herbe, elle débute plus précocement en sortie d’hiver et se prolonge à l’automne, mais elle ralentit durant une période estivale qui s’allonge. Entre 2021 et 2023, une douzaine d’essais sur les cultures fourragères d’été, dont cinq spécifiques à la comparaison entre sorghos monocoupes et maïs, ont été menés dans un réseau regroupant Arvalis, l’Institut de l’élevage (Idele), l’Inrae et les chambres d’agriculture. Avec un cycle de carbone en C4, les graminées testées peuvent offrir une alternative pour produire de la biomasse avec leur métabolisme plus adapté aux périodes chaudes et sèches. Tous les essais ont été semés la deuxième quinzaine de mai. Cette période pénalise la modalité maïs, dont la date optimale de semis est plus précoce (les pertes sont estimées à 600 kg de matière sèche par semaine de retard).

La capacité à rester verts

Pour le sorgho monocoupe, le semis plus tardif présente l’intérêt de pouvoir retarder la récolte d’une culture dérobée pour maximiser son rendement, ou d’étaler le pic de travail des semis de printemps. En revanche, le décalage de récolte peut retarder ou entraver les travaux de semis de l’automne. Les essais des trois dernières années ont montré que les sorghos fourragers monocoupes (1) peuvent se positionner comme une alternative au maïs semé à la même date, dans un contexte de ressources en eau limitées. Toutefois, il est nécessaire de les récolter plus tard afin qu’ils profitent du retour des précipitations de fin d’été. Les sorghos ont en effet la capacité à rester verts durant les épisodes de stress hydrique et thermique estivaux. Au retour des pluies, tandis que les maïs ont parfois démarré leur phase de maturité, les sorghos peuvent encore accumuler significativement de la biomasse. Ces jours supplémentaires (15 à 30) permettent d’améliorer légèrement le taux de matière sèche à la récolte.

Dans les situations à faible potentiel (maïs < 11 tMS/ha), les rendements en sorgho sont similaires à ceux du maïs quand ils sont récoltés en même temps, mais supérieurs quand les sorghos sont récoltés à maturité. En revanche, dans les situations à bon potentiel (maïs > 11 t MS/ha), les rendements en sorgho sont inférieurs à ceux du maïs quand ils sont récoltés en même temps, et similaires quand les sorghos sont récoltés à maturité.

Sorgho monocoupe à la ferme des Bouviers (Morbihan) en 2022 : ayant la capacité de rester plus vert en période de stress hydrique et thermique, il peut accumulerd e la biomasse lors du retour des pluies, quand le maïs entame parfois sa phase de maturité. (© P.Le Cann)

Dans l’ensemble des essais, en moyenne, la hiérarchie des rendements place en tête les sorghos mâles stériles et sucriers, suivis des variétés photopériodiques sensibles, puis des sorghos grain. Du côté des taux de matière sèche, ils vont croissant depuis les sorghos photopériodiques sensibles (19-24 %) aux sorghos grain (30-37 %) en passant par les variétés mâles stériles (25-30 %) et sucrières (24-28 %).

« Concernant les valeurs alimentaires des sorghos fourragers monocoupes, nous n’avons pas eu de surprise car nous avons volontairement choisi des variétés avec de bons niveaux UFL pour pouvoir remplacer le maïs dans la ration, souligne Silvère Gélineau, ingénieur agronomie et productions fourragères chez Arvalis. De même, les teneurs en MAT sont proches. »

Profils en amidon variables selon les sorghos

Du côté des profils en amidon et sucres solubles, les résultats des essais montrent qu’ils sont variables selon le type de sorgho. Les sorghos grain sont ceux se rapprochant le plus d’un maïs avec un taux d’amidon assez élevé bien qu’inférieur au maïs, et davantage de sucres solubles que le maïs. Le sorgho sucrier baisse en amidon et augmente encore en sucres solubles. Viennent ensuite les sorghos mâles stériles et photopériodiques sensibles avec très peu ou pas d’amidon et également beaucoup de sucres solubles.

D’autres graminées fourragères d’été ont été testées en 2021 et 2022 : sorghos fourragers multicoupes (2), millets perlés, moha, teff grass. Et leur association avec des légumineuses a également été étudiée dans le cadre du projet Cap Protéines. « Ces essais ont été conduits avec un mode d’exploitation dont la vocation était le stockage, indique Carole Gigot, ingénieure fourrages chez Arvalis. Toutefois, pour toutes ces espèces, nous avons constaté de bonnes valeurs alimentaires à des stades jeunes montrant l’intérêt d’une valorisation en pâturage. »

Des sorghos multicoupes productifs

Avec peu de différence significative entre les rendements des deux années 2021 et 2022 climatiquement contrastées (1 tMS/ha d’écart en moyenne), ces espèces se montrent intéressantes vis-à-vis du changement climatique. Concernant les teneurs en matières azotées totales (MAT), elles s’échelonnent de 11,2 à 15,3 % lors du premier cycle, et descendent entre 8,1 et 11,5 % au deuxième cycle. Les essais montrent aussi qu’il ne faut pas aller au-delà du stade « dernière feuille étalée » afin de récolter un fourrage de qualité avec une teneur en MAT satisfaisante, et une bonne valeur alimentaire : celle-ci atteint 0,85 à 0,9 UFL/kg MS au tout début.

Les sorghos multicoupes semblent être les plus productifs (à l’exception de la variété photopériodique sensible). Le moha et les millets perlés atteignent quant à eux des valeurs alimentaires à la récolte plus élevées que le sorgho, permettant une production de MAT à l’hectare équivalente. Le teff grass, dont le cycle de développement est plus rapide, présente également des perspectives prometteuses.

Enfin, les tests d’association avec des légumineuses annuelles (trèfles et vesces) ou tropicales (lablab, cowpea) montrent peu de rentabilité. Les légumineuses utilisées à demi-dose ne parviennent pas à s’exprimer aux côtés des graminées, elles aussi semées à demi-dose. Elles contribuent peu au rendement et n’améliorent pas la valeur alimentaire.

(1) Variétés grain, sucrier, mâle stérile, photopériodique sensible.

(2) Variétés Sudan grass, Sudan x Sudan BMR, Sudan x Bicolor, Sudan x Bicolor BMR, photopériodique sensible.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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