Du confort pour les bovins, des effluents de qualité et un travail simplifié

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Alors qu'elles sont déjà bien présentes à l'étranger en remplaçant progressivement les logettes dans certains pays comme les Pays-Bas, les litières compostées (ou malaxées) se développent en France. Composées de sciure ou copeaux de bois, elles promettent un meilleur confort pour les animaux, une bonne qualité d'effluents et une réduction du temps de travail. Les experts du BTPL approfondissent le sujet et mettent en garde ceux qui y réfléchissent : une bonne ventilation du bâtiment est indispensable, tout comme le choix d'un bon matériau de litière ou encore une surface par animal adaptée.

A ux Pays-Bas, l’introduction des litières malaxées a visé deux principaux objectifs initiaux par rapport aux logettes lisier sur caillebotis (système qui y est le plus répandu) :

- améliorer le confort des vaches et la qualité des effluents ;

- simplifier le travail.

La promesse de réduction du temps de travail semble confortée par les exemples en élevage. Un des avantages du système est qu’il n’est pas pénalisant pour les grandes vaches d’un troupeau (elles ne sont pas contraintes par les dimensions des logettes).

Le principe des litières malaxées consiste à offrir aux vaches un couchage libre avec une litière (sciure, copeaux de bois, paille…) qui puisse être mélangée en surface (une dizaine de cm) tous les jours avec un outil de travail du sol présent sur l’exploitation (cultivateur et autres outils à dents, herse rotative). Le mélange quotidien des bouses et de la litière entretient le processus de compostage et évite les trop fortes montées en température de la litière.

Litière compostée : Comment ça marche ?

Le compostage est un processus aérobie, c’est-à-dire nécessitant l’oxygène de l’air ambiant, qui décompose les matières organiques (bouses et litière). Il dégage de la chaleur (jusque 65 °C au fond de la litière) et fait évoluer bouses et litière vers du compost. Lors des apports de litière, la température monte puis baisse. Le compost obtenu n’a plus l’odeur de bouses, fumier ou lisier. La faible odeur perceptible est celle de terre de sous-bois.

Il existe alors deux possibilités :

- un curage annuel pour les grandes surfaces

- un curage trimestriel pour une surface classique

En Israël, les aires de couchages compostées sont très grandes (25 m 2/VL) avec pour objectif un curage naturel et un brassage d’air par des ventilateurs verticaux. L’idée française est de mettre à profit l’expérience des aires paillées classiques, avec des litières malaxées de 7 à 10 m 2/VL et vise des curages tous les trois à quatre mois, sans aménagements et équipements d’aération coûteux et sans obligation de bétonner sous l’ aire de couchage. L’expérience néerlandaise est quant à elle intermédiaire : une surface de couchage de 12 à 15 m 2/VL, avec des sols bétonnés sous la litière, parcourus de tuyaux PVC troués dans lesquels est insufflé ou extrait de l’air (comme une ventilation de silo de grain). Quelques élevages français fonctionnent dans chacun des cas décrits.

Un préalable et une constante : des bâtiments biens ventilés 

Pour assécher la litière malaxée, les bâtiments ont tous une caractéristique commune : de très grandes ouvertures et une bonne ventilation naturelle. C'est le cas aussi de ceux qui sont équipés de ventilation mécanique complémentaire (aération par le sol ou ventilateurs). Les longs pans sont complètement ouverts ou munis de bardages amovibles (tels que les filets) quasi jusqu’au sol et les faîtières sont ouvertes. Cela permet d’évacuer l’humidité.

Il faut adapter les ouvertures de bardage et de faîtière pour mettre en place une litière malaxée.

Orienter et concevoir le bâtiment pour faire entrer le soleil est également recherché. Donc si vous pensiez mettre en place une litière malaxée dans votre bâtiment actuellement mal ventilé, plus proche de l’étuve que d’un séchoir, il vaut mieux ne pas concrétiser votre projet pour ne pas risquer de vivre une mauvaise expérience. Autrement dit, avant de mettre en place une litière malaxée dans un bâtiment existant, il importe d’adapter ses ouvertures de bardage et de faîtière pour assurer une bonne ventilation, ce qui est d’ailleurs essentiel pour tout type de logement.

Pas de déchets verts pour une litière malaxée mais un matériau adapté

En Autriche, avec les nombreuses forêts, la sciure et les copeaux de bois sont naturellement utilisés. Aux Pays-Bas, en plus de ces deux matériaux, ont été mises en place des litières à base de paille de céréales broyée, ainsi que de déchets végétaux verts au départ ou déjà compostés. Attention à ne pas confondre ces derniers avec la partie solide issue d’un séparateur de phase souvent appelée compost et qui n’est pas utilisée pour les litières malaxées pour limiter les risques sanitaires.

Les déchets végétaux sont désormais interdits au Pays-Bas en raison de bactéries thermorésistantes sporulées aérobies qui posent problème pour la transformation laitière. À éviter aussi : les matériaux pouvant blesser les vaches comme des palettes broyées qui comportent des déchets métalliques ou de des copeaux acérés.

L’Institut de l'élevage définit pour les litières malaxées un bon matériau comme suit : « Sain (non contaminé, non moisi…), d’origine végétale (limitation des risques sanitaires), sec et absorbant, peu ou non fermentescible pour éviter les excès de température, non agressif pour les animaux et en particulier la mamelle, assurant une bonne portance des animaux lors de l’accumulation, facile à épandre dans le bâtiment et à reprendre lors du curage, pouvant être malaxé facilement avec un matériel simple. »

On peut ainsi retenir entre autres, parmi les matériaux adaptés pour les litières malaxées : la sciure, les copeaux de bois, la paille de céréales broyée, le miscanthus ensilé et la paille de colza. L’intérêt de l’un ou l’autre dépendra bien-sûr de la disponibilité locale et de son prix.

Qualité du lait préservée, effets positifs pour le bien-être

Chaque éleveur intéressé se posera la question de l’impact éventuel d’une litière malaxée sur la qualité du lait. Sur ce plan-là, les fermes suivies aux Pays-Bas, en Autriche et en France ont montré que les résultats leucocytaires et butyriques n’étaient globalement pas dégradés. La santé de la mamelle est donc préservée.

Avec la chaleur dégagée par la litière, on pourrait craindre des conséquences sur la mamelle, mais grâce à des capteurs de température placés sur l’animal, il n’a pas été constaté de stress thermique. Il faut dire que les températures en surface de litière avoisinent plutôt les 20-25 °C, voire 30 à 40 °C, mais sont moins élevées que le fond de litière. Elles peuvent cependant monter en été.

Souples tout en étant portantes, les litières malaxées offrent un grand confort de sol pour les déplacements et le confort de couchage des vaches. Comparées par les hollandais aux systèmes logettes-lisier, les litières malaxées apportent des avantages mesurés en élevage quant au bien-être des animaux sur plusieurs sujets : temps nécessaire pour le couchage, blessures de la peau, pattes et onglons, comportements naturels (la litière malaxée n’est pas glissantes et donc les vaches se chevauchent ou se lèchent sur trois pattes sans appréhension et très facilement). Ces avantages s’observent d’ailleurs aussi pour nos aires paillées classiques si on les compare à des logettes pas ou peu paillées.

Au Gaec de Goirbal (Morbihan) (voir tableau ci-dessous), l’éleveur indique aussi une réduction significative des dermatites digitées grâce à un milieu plus sec que dans son ancien bâtiment. Enfin, avec la réduction des boiteries et des pathologies des pattes, on peut compter sur une longévité accrue du troupeau. La propreté des animaux a également été évaluée à différents endroits du corps : en litière malaxée les vaches sont au moins aussi propres qu’en logettes. La propreté est même proche de celle observée en logettes creuses avec du sable, une des meilleures situations.

Malaxage, curage, apports complémentaires : Quelles fréquences ?

Le malaxage a lieu dans la plupart des cas deux fois par jour, pouvant être réduit à une fois par jour en période de pâturage. Cela signifie aussi qu’il est nécessaire de déployer les litières malaxées sur des aires ne nécessitant pas l’ouverture et la fermeture de nombreuses barrières ce qui rendrait la tâche fastidieuse. Ce sont donc les aires paillées des vaches qui sont concernées plutôt que des boxes en enfilade de génisses ou d’un cheptel viande.

En France, on se cherche encore concernant les litières malaxées. Les pratiques relevées vont de 0,5 à 4 kg de litière/VL/an.

La fréquence de curage dépend de la stratégie adoptée : peu de m 2/VL et un curage trimestriel ou une surface importante par vache et curage annuel. En conséquence, les apports de nouvelle litière peuvent être annuels, mensuels ou plus fréquents selon la nature du matériau (plus ou moins absorbant, plus ou moins sec, plus ou moins court), le climat et la place par vache. Pour donner une fourchette indicative, les pratiques relevées vont de 0,5 à 4 kg de litière/VL/an.

Les expériences de litière malaxée à la française en sont aux balbutiements. Des aspects restent à creuser pour établir des préconisations détaillées dans le contexte français : au vu de la grande variabilité observée, quelles sont les quantités et fréquences d’apport de litière optimales en fonction du matériau, de la surface par vache, du climat ? Quels sont les coûts et le temps de travail selon la stratégie choisie ? Qu’en est-il de l’avantage agronomique du compost obtenu quant aux périodes et au distances d’épandage ? Quel est l’impact, en bâtiment et au champ, par rapport au gaz à effet de serre et à l’azote ? Quel est l’effet de l’ épandage du compost obtenu sur les sols ? Les suivis en élevage méritent donc d’être développés.

Et si je me lançais, quelles précautions ?

La mise en place d’une litière malaxée est réversible : il n’est pas indispensable de bétonner le fond de la litière dans un premier temps ; un bâtiment bien ventilé sera aussi favorable pour un autre mode de couchage. À condition de bien dimensionner le bâtiment et de prévoir un emplacement pour du stockage de déjections supplémentaires, il serait aisé de remplacer la litière malaxée par des logettes.

En plus de l’impératif d’une excellente ventilation de bâtiment, il est prudent d’avoir une avance en matériau de litière : une période de brouillard rend la litière humide difficilement maîtrisable. Il faut donc pouvoir la changer sans attendre pour rester dans une situation saine. Évaluer la pérennité de sa ressource locale de matériau de litière, en quantité et en prix, est indispensable. Il faut aussi noter que des régimes à base d’herbe très majoritaire, synonymes de bouses liquides ne sont pas une situation favorable pour des litières malaxées et nécessitent donc une exigence encore plus forte sur la bonne ventilation.

Le parage fonctionnel sera à adapter si on passe de logettes à litière malaxée, les onglons s’usant moins, ce qui est peu différent d’une litière accumulée classique.

En dehors des éléments techniques et qualitatifs, aucun projet ne saurait s’affranchir d’un calcul de rentabilité. Les premiers éléments de comparaison semblent indiquer que les litières malaxées ne sont pas plus chères (en additionnant coût d’investissement et de fonctionnement) que les systèmes classiques de logement français. Mais c’est à chacun, dans ses conditions locales d’approvisionnement en matériau et selon son mode de logement existant, de mettre en face de l’annuité générée par :

- la surface de couverture de la litière (en fonction de sa stratégie 8 à 10, 15 ou 25m 2/VL),

- le béton de sol éventuel,

- les équipements d’aération mécanique, le cas échéant,

- ainsi que le coût du matériau de litière malaxée,

le gain attendu grâce à l’ économie de paille ou autre type de litière, à l’annuité réduite grâce aux économies de capacités de stockage, de raclage, d’équipements intérieures (moins de tubulaire, pas de logettes) pour évaluer l’intérêt de passer en litière malaxée.

Enfin, le calcul économique s’accompagnera de l’évaluation du temps de travail économisé (ou non) par rapport à la situation initiale de l’élevage.

Un exemple en France, stratégie de curage annuel de la litière malaxée (Gaec de Goirbal) :

m 2/VL de litière malaxée

avec le nombre de places

13

avec l'effectif actuel

20

Nombre de places de vaches

150

Nombre de vaches sur la litière malaxée

80 (120 au maximum)

Temps en bâtiment

12 mois

Type de bâtiment

Tunnel, un long pan ouvert, un long pan filet amovible jusqu'au sol, faîtières ouvertes

Dimensions de l'aire malaxée des VL traites

40 m x 40 m

gestion du couloir d'alimentation

Raclage

Matériau

Copeaux de bois (mélange d'essences)

Bâtiment de stockage

Non car livré selon besoin

Sol

Terre battue (sans aération)

Barrière poussante

Non

Ventilateurs

Non

Prix du matériau

4 à 20 €/m 3 selon fournisseur

Quantité de litière

 

 

 

apport après curage

20 cm

2 e apport

 

Apports complémentaires

5 à 10 cm tous les deux mois en hiver, tous les quatre mois en été

Total annuel

1 300 m 3

Coût global du matériau de litière

15 600 €/an
(coût moyen retenu de 12 €/m 3)

 

Avec effectif actuel

195 €/VL

 

Avec production actuelle

16 €/1000 l

Outil de malaxage

Vibroculteur

Fréquence de malaxage

1 x/j

Fréquence de curage

1 x/an

Hauteur d'accumulation

50 cm

Litière malaxée pour les taries, génisses amouillantes, fraîches vêlées et vaches à problèmes

Oui

Temps de travail

Malaxage

25 minutes/j pour traites et taries

Curage

3 jours/an

Total annuel/VL

2 heures 12 minutes

Cellules

220

Butyriques

200

Lait/VL (kg)

12 500

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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