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Exemple en Bourgogne-Franche-ComtéS'installer en lait : de la rentabilité, malgré de gros capitaux à investir

 « En lait, les jeunes installés parviennent à améliorer leur productivité sans dégrader leur rentabilité mais au prix d'une capitalisation multipliée par deux », indique une étude du CER France en Bourgogne-Franche-Comté. (©Adobe Stock)
« En lait, les jeunes installés parviennent à améliorer leur productivité sans dégrader leur rentabilité mais au prix d'une capitalisation multipliée par deux », indique une étude du CER France en Bourgogne-Franche-Comté. (©Adobe Stock)

Tel est le résultat d'une étude menée par le CER France dans le cadre du programme régional Cap'lait en Bourgogne-Franche-Comté. Comment expliquer la bonne dynamique des installations en production bovine laitière dans la région ? Éléments de réponse qui peuvent peut-être servir de base de réflexion ailleurs en France. (article mis à jour le 04/05/23 à 18 h)

« Ces 10 dernières années, en Bourgogne-Franche-Comté, il y a eu au moins une installation dans 40 % des exploitations laitières. Un chiffre encourageant même s'il ne suffit pas pour compenser les départs en retraite, et donc renouveler les générations d'éleveurs », met en avant Mathilde Schryve, responsable des études et prospectives au CER France pour cette région. Quelles explications à ce rythme plutôt dynamique ? C'est ce qu'a cherché à savoir l'organisme dans le cadre de l'action régionale Cap'lait, en analysant sur 2021 les données de comptabilité d'un échantillon de 567 élevages laitiers. Lesquelles ont été réparties en trois groupes selon la date de l'installation la plus récente : avant 2012 (59 % des fermes), entre 2013 et 2017 (18 %), après 2018 (23 %). 

structures des exploitations laitiers qui installent le plus
(©Cap'lait // CER France Bourgogne-Franche-Comté)

Installations récentes : + 40 % de capital 

Premier enseignement : les éleveurs, qui se sont installés le plus récemment, ont repris des structures de taille plus importante que ceux dont l'installation est plus ancienne, quel que soit le facteur de production considéré : + 25 % pour la main-d'œuvre (UTH) et lait vendu, + 20 % pour le nombre de vaches et la SAU, + 30 % pour la Scop et surtout + 40 % en termes de capital. « Ils disposent donc de plus d'actif », résume Mathilde Schryve. « La productivité du travail est inférieure (- 3 VL/UTH, - 15 000 l/UTH), mais celle à l'hectare de surface fourragère et à la vache supérieure (+ 200 l/VL ), poursuit-elle. La concentration capitalistique, elle, est bien plus forte. »

productivite du travail en elevage bovin laitier
(©Cap'lait // CER France Bourgogne-Franche-Comté)

Qu'en est-il niveau efficacité économique ? « Les marges brutes sont presque identiques, autour de 220 €/1 000 l pour chaque catégorie », répond l'experte. Cette similitude se retrouve si l'on regarde poste par poste : alimentation, frais véto, charges d'élevage en général. « La différence peut se faire sur le prix du lait, 6 € plus élevé pour les installations récentes », précise-t-elle. Ainsi, les équilibres économiques sont proches : 1 000 € d'écart seulement pour l'EBE consolidé et 4 000 € sur le produit brut par UTH. « Vont alors jouer la rentabilité et les économies d'échelle, en limitant les charges notamment, de structures car les opérationnelles sont similaires. »

marges brutes en elevage bovin lait selon la date d installation
(©Cap'lait // CER France Bourgogne-Franche-Comté)

Rentables, mais une productivité du travail plus faible

Sur ce point, les installations récentes sont mieux placées : « leur rentabilité économique est meilleure (+ 3 % d'EBE/produit brut) et rattrape la plus faible productivité du travail. » Pèsent, en revanche, beaucoup sur celles-ci : les amortissements et les frais financiers (68 % de l'EBE contre 43 % pour les installations plus anciennes), ce qui illustre « le poids de l'outil de production, du capital ». « On arrive à un résultat comptable par UTAF équivalent mais avec des chemins différents : une main-d'œuvre plus productive pour les installations les plus anciennes et davantage de rentabilité pour les plus récentes », constate Mathilde Schryve. 

rentabilite installation elevage bovin laitier
(©Cap'lait // CER France Bourgogne-Franche-Comté)

Pour comprendre l'origine de ces deux situations, le CER France a comparé les exploitations ayant installé quelqu'un récemment et avant 2012, sur deux années : 2017 et 2021. À noter : l'échantillon n'est pas le même que précédemment car les données analysées n'étaient pas disponibles pour les 567 élevages. Sont donc intégrées ici 101 fermes avec une installation ancienne et 37 avec une installation récente. Résultat : la MO, la SAU, l'effectif de vaches et le litrage vendu croissent deux à trois fois plus vite pour le second groupe. Pour les capitaux, l'augmentation est fulgurante. « Les fermes, dans lesquelles quelqu'un s'est installé entre 2017 et 2021, étaient déjà plus grandes au départ », nuance la spécialiste.

Une bonne pérennité

« Certes, le prix du lait et le volume produit par vache sont plus élevés dans ces structures mais ces deux paramètres ont davantage augmenté dans celles avec des installés plus anciens, et les coûts alimentaires y sont mieux maîtrisés. Cela montre que les installations en lait sont viables », fait-elle remarquer. Quant aux installations récentes, « elles parviennent à améliorer leur productivité sans dégrader leur rentabilité mais au prix d'une capitalisation multipliée par deux, qui siphonne les résultats », ajoute-t-elle. En effet, entre 2017 et 2021, la productivité du travail s'est accrue de 9 % pour les installations récentes, contre 3 % pour les installations anciennes qui subissent sans doute un phénomène de plafonnement. La rentabilité grimpe de 1 % alors qu'elle chute de 2 % respectivement.

strategies d exploitation elevages laitiers
(©Cap'lait // CER France Bourgogne-Franche-Comté)
 

Choisir entre volume et autonomie

Conclusion : « Si on veut continuer à installer des jeunes, il faut être particulièrement vigilant sur les coûts de reprise et prendre en compte la valeur économique de l'exploitation plutôt que la valeur patrimoniale. Il faut également être attentif sur les investissements et se demander s'ils sont judicieux plutôt que de se baser sur sa capacité d'achat. Enfin, il importe de choisir une stratégie, soit basée sur le volume soit sur l'autonomie. »

Dans le premier cas, il faudra essayer de réduire au maximum le coût de production. « Cela peut passer par une externalisation des capitaux, des investissements plus simples, plus économiques et mutualisés, avec une saturation de la main-d'œuvre ou des bâtiments/matériels », indique  Mathilde Schryve. Dans la deuxième situation, il s'agit d'ajuster la taille du cheptel à la capacité d'alimentation et/ou à la MO disponible, de chercher à diminuer les charges et à gagner de la valeur ajoutée. « Mais la prix du lait doit permettre de valoriser ces efforts d'autonomie », pointe-t-elle. 

Source : webinaire Cap'lait "S'installer en lait de plaine, ça en vaut la peine", diffusé sur Youtube. Financé par la Région Bourgogne-Franche-Comté, Cap'lait a pour objectif de fournir des analyses technico-économiques, en vue d'établir des références pour le conseil au sein de la filière lait standard régionale. Il associe différents organismes : les chambres d'agriculture, Conseil Elevage, le CER France, l'Institut Agro Dijon, le service statistiques de la Draf.

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