
Sommés d’améliorer leur conduite à l’herbe pour éviter les fuites de nitrates, Anne et Jean-Marc Le Vourc’h ont su rebondir. Et, en modifiant leur système, ils ont allégé la pression et amélioré leurs résultats.
« En août 2021, à l’occasion d’un contrôle de l’administration, nous avons été mis en demeure de réaliser un plan d’action pour 2022 afin d’améliorer notre indicateur de jours de présence au pâturage (JPP) », se souvient Anne Le Vourc’h. Installée avec son mari Jean-Marc à Plounévez-Lochrist, dans le Finistère, elle est tombée des nues ! Certes, leur centre de gestion calculait cet indicateur chaque année, ils savaient qu’il dépassait le seuil réglementaire, mais ils ignoraient qu’ils devaient agir.
Le siège de l’exploitation ne se trouve pas sur un bassin-versant dit « algues vertes », mais les éleveurs exploitent 30 ha situés sur le bassin de Quillimadec qui est concerné par le plan algues vertes (PLAV 1). Le sixième plan d’action régional, défini dans le cadre de la directive nitrates, impose de nouvelles contraintes dans le but d’améliorer la qualité de l’eau. Le calcul des JPP en fait partie. Si l’indicateur est trop élevé (supérieur à 900), un plan d’action doit être mis en place.
« Heureusement, nous n’étions pas exposés à une sanction, mais nous avions l’obligation de trouver rapidement le moyen de redresser la situation », explique Jean-Marc. L’élevage dispose d’une référence laitière de 1,05 Ml, mais en produit environ 870 000. Récemment, les charges d’emprunts ont diminué et le couple a décidé de lever un peu le pied pour se préserver. L’effectif des laitières a été maintenu mais les achats d’aliments ont été réduits et la productivité laitière a un peu baissé. «Les vaches sont moins sollicitées et c’est plus confortable pour nous », précise Anne.
Seulement 10 ha accessibles au pâturage
En 2021, le troupeau comptait 110 holsteins produisant en moyenne 9 000 kg de lait. Le maïs occupait 45 % de la surface fourragère principale (SFP) et seulement 10 ha étaient accessibles pour le pâturage des laitières.
Les éleveurs s’interrogeaient sur l’évolution de leur système après avoir visité un élevage à la conduite radicalement opposée : bio, en monotraite, très herbager. «Ces éleveurs ont beaucoup moins de travail que nous et dégagent un meilleur revenu, cela nous a interpellés. » Mais, avec moins de 10 ares accessibles par vache, Anne et Jean-Marc ne pouvaient pas emprunter cette voie.
Ils ont contacté Céline Favé, conseillère à la chambre d’agriculture, pour voir comment ils pouvaient réduire l’indicateur JPP. Elle a réalisé un plan d’action (voir l’infographie ci-dessous). L’option la plus simple consistait à diminuer le temps de sortie du troupeau pour alléger le chargement sur les prairies, ce qui ne plaisait pas aux éleveurs. Finalement, c’est grâce à un heureux concours de circonstances que la solution est apparue.

Échange parcellaire
L’un de leurs voisins produisait du lait et des légumes avec un salarié. Ce dernier, en charge de l’atelier laitier, a décidé de partir en mars 2022. Sachant que l’agriculteur s’adapterait en se spécialisant dans les légumes, ils sont allés le voir pour lui proposer un échange foncier. « Il possédait un champ en face de notre ferme, de l’autre côté de la route départementale. Il se trouvait entre deux îlots de terre que nous exploitions. De plus, nous avions aussi des parcelles imbriquées dans les siennes », raconte Jean-Marc. L’entente était bonne et, ensemble, ils se sont penchés sur leurs plans. Chacun a trouvé son intérêt dans un échange. L’opération a été subventionnée à hauteur de 70 % par le département du Finistère (acte notarié, géomètre...).
En récupérant la parcelle centrale, Anne et Jean-Marc faisaient la jonction entre leurs deux îlots. Restait à trouver le moyen d’y accéder pour faire passer la surface accessible au pâturage à 30 ha. Traverser la route n’était pas envisageable en raison de la circulation. Il fallait donc construire un boviduc. Les éleveurs sont allés voir plusieurs installations réalisées par une entreprise locale. Ils voulaient pouvoir y passer avec un petit engin motorisé ce qui imposait une hauteur de 2,20 m et 2,50 m de largeur.
Des aménagements subventionnés à 40 %
Des subventions pour ce type d’aménagements étaient accessibles via les aides à l’investissement prévues pour les baies algues vertes. Le dossier a été accepté. Le budget s’élevait à 65 000 €, dont 28 000 € pour le boviduc. Il fallait y ajouter des aménagements pour l’abreuvement, les clôtures et les chemins. Les subventions ont couvert 40 % du total, soit 26 000 €.
Les travaux ont été effectués durant l’automne 2022. «En creusant, on a trouvé du sable qui nous a été bien utile pour réaliser les chemins», rapporte Jean-Marc. Mais les éleveurs sont aussi tombés sur des roches qui ont un peu contrarié les plans. D’un côté, la pente est de 15 % au lieu des 12 % prévus.
Pour les clôtures, les éleveurs ont suivi les conseils de Pâturesens. Ils ont aménagé des paddocks de 1 ha avec une entrée et une sortie. Les piquets sont en bois le long des chemins. Autour des champs, ils ont alterné un poteau en bois et deux en plastique afin de pouvoir élaguer plus facilement. Pour ne pas perdre de courant sur la distance (1,6 km au plus loin), ils ont renoncé aux piquets métalliques. Les nouvelles prairies ont été ensemencées avec un mélange de RGA diploïde et tétraploïde (20 kg), trois trèfles (3 kg) et de la chicorée (1 kg).
Un vélo et un border collie
Il faut 35 minutes pour se rendre dans la parcelle la plus éloignée. « C’est le temps que j’aurais passé à nettoyer les logettes si on avait choisi de réduire le temps de sortie des vaches », relativise Jean-Marc. Il fait le trajet à vélo et un jeune border collie est venu en renfort.
Le nouveau système de production n’est pas encore stabilisé mais, déjà, les éleveurs apprécient. Leur indicateur JPP est descendu et l’élevage respecte désormais la réglementation. «On ne court plus après le volume de lait, on a réduit la surface en maïs et on achète moins de concentré. La pression mentale a baissé et on est beaucoup mieux dans nos têtes », se félicite Anne.
Entre la réduction des charges et celle des ventes de lait, le bilan est positif. La part de maïs dans la SFP est passée de 45 à 38 %, et le coût moyen par hectare de 538 à 336 €. Le coût alimentaire a reculé de 10 € (80 €) et les frais vétérinaires de 40 € (80 € par vache). Au final, la marge brute a progressé de 225 à 330 €/1 000 l de lait. De plus, le développement de l’herbe et la réduction des intrants rendent l’élevage éligible à des paiements pour services environnementaux (PSE). « On nous paie pour continuer à travailler comme nous le faisons. Ce n’est pas contraignant et cela peut représenter jusqu’à 50 000 € en cinq ans.»
« On se réapproprie notre métier. Certes, on fait vivre moins de monde, mais nous sommes plus autonomes et nous vivons mieux», poursuit Anne. Leur journée se termine à 18 h 30 et ils profitent de leur soirée avec leurs enfants. Les salariés apprécient aussi cette organisation.
Lancement d’une dynamique
Cette alerte sur les JPP a tout déclenché. La contrainte s’est transformée en avantage. Car les éleveurs étaient prêts à évoluer dans leur tête et ils ont eu la chance de bénéficier d’une belle opportunité pour réaliser des échanges parcellaires.
Et ce n’est pas fini. La réflexion se poursuit pour améliorer encore l’autonomie protéique. Les éleveurs se sont formés pour inséminer eux-mêmes. Ils se renseignent sur le croisement laitier. Une nouvelle dynamique est enclenchée et à voir les sourires d’Anne et de Jean-Marc, on devine le regain d’enthousiasme.
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