Pour continuer à produire efficacement plus de lait en maîtrisant les coûts et en réduisant la pénibilité, Benoît et Romain Rodot ont pris le risque d’investir dans un nouveau bâtiment avec une traite robotisée.
En Bresse de Saône-et-Loire, au pied des contreforts du Jura, Benoît et Romain Rodot (34 et 31 ans) dirigent une exploitation de polyculture-élevage de 371 ha avec un atelier lait de 1 250 000 litres (135 vaches). Quarante-six ans plus tôt, leur père Jean-Luc s’installait avec quarante vaches en écurie entravée-pipeline. Il produisait alors 210 000 litres.
En 2021, un bâtiment neuf de logettes sur caillebotis avec traite robotisée, repousse fourrage et robot racleur, a remplacé la stabulation paillée. Construite en 1996 avec une TPA 2x4, puis agrandie, l’ancienne étable n’était plus en phase avec la production (900 000 litres). Les problèmes sanitaires se multipliaient, beaucoup de lait était écarté, et la durée de traite (2 fois trois heures par jour, nettoyage compris) devenait rédhibitoire.
« Les coûts de construction à l’époque étaient encore raisonnables, pointe Benoit Rodot. Au lieu d’emprunter sur quinze ans pour rénover l’ancien bâtiment, nous avons contracté un prêt sur vingt ans pour financer une construction neuve d’un montant de 900 000 € (moins 95 000 € de subvention). » D’une capacité de 140 places, la stabulation semi-ouverte à l’ouest et à l’est, avec des filets brise-vent sur les longs-pans, assure aux animaux une bonne ventilation. L’ancien bâtiment des laitières abrite désormais les taries, préparations vêlages et vêlages ainsi que les quarante vaches allaitantes qui valorisent les prairies naturelles.

Un gain de 350 000 litres
Depuis la mise en service du nouveau bâtiment, la production laitière a bondi de + 350 000 litres, bien au-delà des prévisions. L’effet conjugué de la traite robotisée, d’une génétique mieux exprimée et d’un état sanitaire considérablement amélioré en sont les causes. « De une à quatre par semaine sur l’ancienne aire paillée trop chargée, le nombre de mammites est tombé à trois par an, précise Romain Rodot. Avec une fréquence de 2,8 traites par 24 heures, le niveau de production moyen s’établit désormais à 32 kg de lait par vache contre 27 kg dans l’ancienne étable. »
Alors que l’augmentation de volume permet de diluer plus facilement les charges de structure (mécanisation en particulier), l’enjeu est la maîtrise des charges opérationnelles (coût de ration en priorité) ainsi que la sécurisation de l’alimentation. Un travail au quotidien qui s’exerce dans un contexte économique instable et climatique changeant.
Depuis 2015, les éleveurs diversifient les ressources fourragères. Pour réduire la part du maïs dans la ration (8-9 kg MS par vache et par jour), ils travaillent la qualité de leur herbe (ensilage et pâturage) et les stades de récolte. L’objectif est d’atteindre l’hiver un équilibre de 50-50 %. Inenvisageable il y a encore quelques années en Bresse, ce challenge est en passe d’être relevé grâce à des ensilages de qualité récoltés précocement avec des niveaux d’énergie proches de ceux du maïs et riches en cellulose brute. Les années où l’ensilage de maïs est pauvre en amidon, la ration est rééquilibrée avec du maïs épi.

Sécuriser l’alimentation
Compte tenu de la taille du troupeau et des objectifs de production (1 250 000 litres de lait), la constitution de stocks d’herbe de qualité au printemps est une nécessité. « On ne peut plus compter sur l’herbe d’été, constatent les éleveurs. Fini les années où l’on enrubannait toute l’année. Désormais, il faut avoir des prairies à ensiler de bonne heure et ramasser l’herbe quand elle est jeune. Les deux silos d’herbe sont remplis par couches successives avec les 30 ha de RGI dérobés, les 20 ha de méteil, les 40 ha de prairies temporaires (20 ha seulement il y a deux ans) . On bâche et on débâche tous les quinze jours à trois semaines, ce qui demande une grosse organisation de chantier. La qualité du fourrage passe par les variétés, les doses de semis, la fertilisation. »
La luzerne associée au dactyle va être réintroduite dans l’assolement à raison de 10 à 15 ha. La première coupe sera ensilée. Les secondes plus riches en fibre seront enrubannés à l’aide d’un rotocut.
Malgré l’introduction des robots de traite, un pâturage significatif a été conservé. Une attention plus soutenue est apportée depuis 2021 à la valorisation de l’herbe au printemps avant qu’elle ne grille à partir de mi-juin. Après un déprimage effectué à partir de mi-février sur les 22 ha d’herbe disponibles autour des bâtiments, un pâturage dynamique est conduit à raison d’un hectare par jour avec une mesure de l’herbe à l’herbomètre. Les silos ne sont jamais fermés. Au printemps 2022, la pâture (15 ares par vache) a représenté 8 kg de MS ingérée/VL, soit la moitié des quantités distribuées à l’auge. « Assurer cinq à six heures de vrai pâturage par jour et par vache en traite robotisée suppose d’avoir des stalles non saturées pour permettre les sorties étalées, pointe Benoît. 115 vaches est un maximum pour deux stalles. 110 serait mieux. 100 serait idéal. On a fait chiffrer une troisième stalle. » En attendant, il faut accepter de baisser en lait et en nombre de traites pour continuer à faire pâturer les vaches. « Nous raisonnons en marges à partir de la quantité d’herbe à faire manger dehors, tout en ayant en tête qu’il faut faire du lait sur l’année pour rembourser les emprunts. C’est un équilibre à trouver. En année pluvieuse, le pâturage est évidemment est plus dur. »
Le fait que 50 % des parcelles de l’exploitation soient drainées constitue un sérieux atout pour produire les fourrages nécessaires, en diversifiant les espèces dans les prairies temporaires (RGA-trèfle blanc ou RGH-trèfle violet, luzerne..), et en améliorant l’autonomie protéique (68 % contre 48 % en moyenne départementale pour des troupeaux équivalents en productivité). « Ici sur nos sols argileux et hydromorphes, l’ennemi c’est l’eau », soulignent les deux frères installés respectivement en 2009 et 2011. Les cultures et les prairies intensifiées sont toutes implantées sur des parcelles drainées.

Le coût alimentaire n’a pas dérapé
Avec le recul, l’introduction du robot est considérée par Romain et Benoît comme une réussite. Contrairement aux inquiétudes de départ, le coût de l’alimentation (90 €/1000 litres) n’a pas dérapé. « La vigilance extrême de notre contrôleur laitier, Anthony Grandmougin d’ACSEL, y a beaucoup contribué, soulignent Benoit et Romain. Chez nous ce n’est pas le marchand d’aliment qui équilibre la ration (1) ». Celle-ci est réactualisée tous les mois sur la base de quatre conduites différentes : premières lactations montbéliardes, vaches montbéliardes, premières lactations prim’holsteins, vaches prim’holsteins. « De 200 g par litre entre 2010 et 2015, la consommation de concentré est passée à 140 g (170 g en intégrant la drêche qui n’est pas considérée comme un concentré). Une telle évolution avec intégration d’un robot est une première, estime Laurent Lefevre, conseiller chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. D’autant plus que la mise en route du bâtiment en 2021 s’est faite avec un arrêt du pâturage pendant un mois et demi au printemps pour cause d’inondations. »
Avec le robot de traite, les éleveurs n’ont pas réduit leurs heures de travail, mais ont gagné en souplesse et en astreinte. Le matin, Romain et Benoît peuvent emmener leurs cinq enfants chez la nounou ou à l’école. Un quart d’heure devant l’écran du robot suffit pour faire le tour sanitaire du troupeau et repérer la vache à problème. Le troupeau est aussi surveillé pendant l’entretien des logettes.
La pénibilité a beaucoup diminué. « Dans l’ancien bâtiment, le pansage nous occupait de 5.30 à 10 h le matin avec deux fois trois heures de traite par jour. Chaque matin nous déroulions à la main 3-4 bottes de paille sur l’aire paillée et nous curions l’aire paillée toutes les semaines. Nous n’avions pas de pailleuse à cause de la poussière. Nous achetions et récoltions 100 ha de paille en andain par an ce qui représentait des heures de télescopique et un coût. »
Une désileuse automotrice
Depuis 2004, l’alimentation des 110 laitières et des 80-100 taurillons est distribuée en trois quarts d'heure par la désileuse automotrice de la Cuma de Gizia pour un coût de 18 €/1000 litres travail compris. « Économiquement, c’est plus rentable que d’avoir notre propre matériel, et ça nous libère une heure et demie le matin. » L’alimentation à distribuer doit être prête la veille.
La Cuma, constituée d’un groupe stable de sept exploitations, en est à sa septième machine. À part les départs à la retraite, il n’y a pas eu de retrait. « Nous avons trouvé le bon équilibre entre l’investissement et l’entretien. Le souci est de garder les chauffeurs. Des JA que nous embauchions se sont installés. Un week-end sur deux, un cantonnier conduit la machine. »
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