Un prix du lait incertain et des produits laitiers touchés par l’inflation

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Des charges en hausse pour les éleveurs avec un impact sur les prix à la production (indice Ipampa alimentation animale :+25,3% ; engrais et amendements : +26,3% ; énergie et lubrifiants : +21,7%)
Des charges en hausse pour les éleveurs avec un impact sur les prix à la production (indice Ipampa alimentation animale :+25,3% ; engrais et amendements : +26,3% ; énergie et lubrifiants : +21,7%) (© FranceAgriMer)

Les négociations commerciales ont encore une fois marqué le Salon de l’agriculture, dans un contexte d’inflation inédit. Les annonces du gouvernement se sont succédé, avec pour 2023 une inflation prévue à la hausse sur l’alimentation, mais des cours des matières premières plutôt en baisse, sauf pour le gaz.

« L’ambiance générale sur les marchés 2023, dans un contexte incertain, instable et volatile est plutôt à la baisse», s’est exclamé Philippe Chalmin, président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM), au lendemain de la clôture des relations commerciales, lors d'une conférence de FranceAgriMer au Salon de l’agriculture. Et le lait n’échappera pas à cette tendance selon lui et selon d’autres experts, croisés tout au long du Salon. Importations chinoises, contradictions européennes entre défense de la souveraineté alimentaire ou préservation de l’environnement, crise du gaz et enjeux autour de l’accès à l’ammoniac russe, les facteurs influençant les cours des matières premières sont particulièrement nombreux cette année, sans parler d’éventuels phénomènes climatiques. Côté lait, les experts les plus optimistes au Cniel imaginent un prix du lait conventionnel stable durant 2023, au pire légèrement à la baisse. En lait bio, le moral est clairement dans les chaussettes. Le ministre de l’Agriculture a cependant tenté, sans résultat, de le remonter avec un fond d’urgence de 10 millions d’euros pour les exploitations « en graves difficultés économiques », annoncé le 1er mars.

© FranceAgriMer - Une inflation alimentaire plus tardive en France et plus mesurée qu’ailleurs en Europe.

Une crise avérée en lait bio

«Il y a eu déjà 3 % de déconversion en 2022 et on s’attend à 4-5 % en 2023 », affiche Yves Sauvaget, président de la commission bio au Cniel. Il s’inquiète d’une reprise du marché d’ici deux à trois ans avec de nouveau un manque de production du fait de producteurs réorientés vers l’agriculture conventionnelle. « Les politiques enterrent des objectifs qu’ils se sont eux-mêmes fixés », lance-t-il, rappelant les objectifs de la prochaine Pac et les millions d’euros publics versés pour accompagner les conversions. À cela s’ajoute la question de l’inflation. Si elle a débuté du fait de la hausse du coût de l’énergie et de la guerre en Ukraine, elle n’a touché les produits alimentaires que fin 2022. «Aujourd’hui, c’est l’alimentation qui est devenue le contributeur de l’inflation», relevait Pierre Claquin, directeur des Marchés, études et prospectives de FranceAgriMer, lors d’une conférence le 2 mars. « L’inflation n’a jamais été aussi élevée mais nous n’avons pas encore atteint les pics de l’époque des premiers chocs pétroliers», rappelle-t-il. D'après lui, l’inflation en 2022 reste faible en France par rapport aux autres pays d’Europe (+13,1 % en France vs +20,5 % en Allemagne, +17 % aux Pays-Bas, +18 % UE 27), en lien avec un mécanisme bien français : les négociations commerciales.

© FranceAgriMer - Les produits laitiers n’ont pas échappé à l’inflation mais les huiles restent à un niveau record.

Des Français qui s’orientent clairement vers les premiers prix

Dans l’ensemble, comme le fait remarquer Cécile Guillot, cheffe du service analyse économique des filières et OFPM de FranceAgriMer, les Français, en 2022, affichent «une baisse des achats en volume et en valeur». Ils achètent moins et moins cher et s’orientent dans les supermarchés vers des produits premiers prix, tout en réduisant l’achat de produits frais comme la crème ou les yaourts. «Le fromage à la coupe est un produit jugé cher et non indispensable, même si cela ne fait pas plaisir à entendre, relève Cécile Guillot. Depuis 2022, on constate et c’est la première fois que l’effet qualité est un frein à l’achat. » Sur 2022, les marques de distributeurs premiers prix ont progressé en volume (+7 %) et en valeur (+21 %) au détriment des marques nationales (volume : -3 % ; valeur : +3 %) ou de distributeurs (volume : -1 % ; volume : +7 %). Pour autant, ces marques de distributeurs, comme les autres produits alimentaires, ont quand même subi l’inflation (+8 % en moyenne 2022 et +16,7 % en décembre 2022), tout comme premiers prix (+11 % sur 2022 et +18,6 % en décembre 2022). Cette réductions des achats et cette réorientation vers les premiers prix montrent indirectement un appauvrissement de la société, « ce sur quoi ne manquent pas d’ailleurs d’alerter les banques alimentaires», confirme Pierre Claquin. D’où l’importance des négociations commerciales de cette année. Si les prix montent trop, les consommateurs achèteront moins ou descendront encore en gamme.

© FranceAgriMer - Plus le cercle du produit alimentaire est large, plus le produit a subi l’inflation et plus il est positionné vers le bas, plus ses ventes ont baissé.

L’inflation toujours en hausse pour 2023 sur l’alimentaire

De plus, l’inflation sur l’alimentation n’est pas près de s’arrêter étant donné que les industriels ont besoin de faire passer des hausses pour faire face aux coûts de l’énergie (indice prix à la production : +21,5 % emballages plastiques, +27,3 % pour le papier, carton ; +67,5 % aluminium ; +39 % électricité ; +107,7 % pour le gaz en moyenne 2022 comparé à la moyenne 2016-2019). Les négociations commerciales se sont achevées le 1er mars, avec des accords de hausse de tarifs de l’ordre de 10 % selon les rumeurs. Deux jours plus tard, le ministère annonçait « un plan de soutien et de souveraineté des industries agroalimentaires » avec 200 millions d’euros apportés par l’État dans un fond d’investissement et un report des charges sociales et fiscales. L’incitation d’Emmanuel Macron auprès des distributeurs, lors de l’inauguration du salon, à faire «un effort sur leurs marges » semblerait donc ne pas avoir eu d’écho. La matière première agricole (MPA), sanctuarisée par la loi Egalim2, aurait été plutôt préservée avec des négociations portant essentiellement sur la matière première industrielle (MPI). Philippe Chalmin le confirme : «Dans ces négociations qui viennent de se terminer, les discussions ont plus porté sur les hausses de prix par rapport à l’énergie que sur les prix des produits agricoles.»

Des négociations au détriment des marges des industriels

De son côté, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau justifie son plan dans son communiqué : « Fragilisées par une contraction de leurs marges, les industries agroalimentaires souffrent d’un déficit d’investissement qui nuit à leur compétitivité et entrave l’innovation et la conquête de nouveaux marchés, notamment à l’export. » Dans un contexte d’inflation pour 2023, avec une baisse du pouvoir d’achat des Français, le bio n’aura sans doute pas le vent en poupe. Quant au lait conventionnel, il restera la question des marchés exports, avec un éventuel retour de la Chine aux achats, pour tenter de maintenir les prix. Dans tous les cas, Bercy planche sur des mesures pour contenir l’inflation, prises « avec le soutien des distributeurs qui doivent faire – comme le président de la République l’a rappelé – un effort sur leurs marges pour continuer à baisser les prix alimentaires », expliquait Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, le 1er mars à l’Assemblée nationale. En échange, de nouvelles négociations tarifaires avec les industriels pourraient avoir lieu au début de l’été.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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