
Sur leur petite exploitation de Saône-et-Loire gérée de manière intensive, Charles et Benoît Belicard s'efforcent de contenir leurs coûts de mécanisation. Pas si simple, malgré le matériel en Cuma ou en copropriété.
A L'EARL BELICARD À SAINT-PIERRE-LE-VIEUX, EN SAÔNE-ET-LOIRE, LES perspectives d'aller plus loin dans la maîtrise des charges de mécanisation paraissent restreintes. À moins de rogner sur la qualité, l'entretien du matériel ou sur le confort du travail, ce à quoi les deux associés se refusent. « En lait, avoir un matériel de qualité est indispensable. Il n'est pas possible de faire de la "cueillette" quand on produit plus de 9 000 litres par vache laitière », estiment Charles et Benoît Belicard.
Dans cette exploitation située en zone de montagne, il n'a jamais été question de flamber de l'argent pour les belles machines. « Ne pas trop investir dans le matériel a toujours été la politique de la maison, précise Charles, le père. Nous avons toujours cherché à réduire au maximum les charges pour conserver un peu de marge. » Cette philosophie n'a pas changé avec l'installation de Benoît il y a quatre ans.
Le matériel en propre se limite à deux tracteurs (un de 80 ch à quatre roues motrices et un de 90 ch, qui ont déjà bien tourné : 9 500 heures et plus de 10 000 heures), à un petit valet de ferme acheté l'an passé (50 ch), une charrue et un canadien d'occasion. Le matériel de fenaison (andaineur, faneuse, presse), le malaxeur à lisier et la herse rotative sont en copropriété ou utilisés en entraide. Une mélangeuse a été acquise l'an passé avec le voisin. Le reste, dont le tracteur de tête, un Claas 530 de 120 ch qui sert aux gros travaux, est en Cuma. Il a été renouvelé en 2014 pour un coût de 55 000 €. « Nous avons la chance de travailler avec deux Cuma bien gérées : La Montagne, à Tramayes, et La Gaillarde, à Saint-Pierre-le-Vieux, note Charles. Outre l'économie faite en matière de bâtiments pour abriter les machines, cela nous permet d'avoir du matériel bien entretenu, mieux rentabilisé, et du choix. » Quatre tonnes à lisier aux volumes différents sont ainsi disponibles. « Pour épandre sur des parcelles de cultures, nous utilisons celle de 10 000 litres. En hiver, sur les prés en pente, nous privilégions celle de 6 000 litres », précise Benoît. Travailler en Cuma n'implique pas pour les éleveurs de grosses contraintes.
« NOS CHARGES DE MÉCANISATION ÉTAIENT DE 98 ¤/1 000 LITRES EN 2014 »
« Il suffit de prévoir un peu et de s'organiser autrement si le matériel n'est pas libre. » En 2014, les charges de mécanisation se sont élevées à 98 € les 1 000 litres, soit 10 € de plus que les années précédentes. C'est le second poste des coûts de production de l'atelier lait, après les charges d'alimentation, 151 € les 1 000 litres (dont 114 €/1 000 litres de concentré et lait aux veaux).
Les charges de mécanisation se décomposent ainsi : 32 € de travaux par tiers, 31 € d'amortissement, 19 € d'entretien du matériel et 16 € les 1 000 litres de carburants-lubrifiants. Les amortissements du télescopique ne sont pas encore intégrés dans ce dernier chiffre, le matériel ayant été facturé en décembre 2013.
L'augmentation des travaux par tiers (matériel en Cuma, moisson faite par l'entreprise, confection de quelques bottes d'enrubannage, et l'épandage annuel de chaux), ainsi que deux grosses réparations sur l'andaineur et sur l'embrayage du Fiat ont pesé sur les coûts.
« INVESTIR SEULS 30 000 € ÉTAIT DIFFICILE »
« Au lieu de payer 1 673 € pour réparer l'andaineur, peut-être aurions-nous mieux fait d'investir 3 000 € dans un nouvel andaineur d'occasion », s'interroge Benoît. Le remplacement de l'ancienne mélangeuse, amortie par une nouvelle machine de 13 m3 acquise avec le voisin, a également contribué à augmenter les charges de mécanisation. Cet investissement était indispensable. « Notre mélangeuse distributrice à vis horizontale donnait des signes de fatigue, expliquent les éleveurs. La machine de Bruno, le voisin, proche de 800 mètres, avec lequel nous faisons les foins et les ensilages, était en panne. Il y avait là une opportunité à saisir. » Avec 15 000 € sur les 28 000 €, l'EARL détient 55 % des parts de la machine, Bruno 45 %. La mélangeuse n'alimente que les laitières, à raison d'un bol par jour sur chaque exploitation. Les génisses sont nourries au foin et au concentré. La mélangeuse sert aussi à recharger les logettes creuses de la stabulation que les éleveurs ont aménagée en 2014. « En hiver, nous les rechargeons une fois toutes les deux ou trois semaines avec du bicarbonate de chaux (1,2 t), de la paille (500 kg) et de l'eau (500 litres). Compte tenu de la configuration de notre bâtiment, un tapis arrière était indispensable. Bruno a accepté cette exigence ainsi que le coût de l'option (2 000 € environ). Lui qui n'avait à l'origine qu'une simple distributrice a également dû changer sa ration. En contrepartie, il a gagné en temps et en pénibilité », précisent Charles et Benoît.
Satisfaits de la machine mise en service en février 2014, les associés soulignent l'intérêt économique du partenariat.
« Investir seuls 30 000 €était difficile. La machine n'existait pas d'occasion. À deux exploitations (900 000 litres par an), le coût ramené au litre de lait est beaucoup plus abordable. Par ailleurs, au lieu de devoir garder seuls la machine une quinzaine d'années, on pourra la changer d'ici sept à neuf ans. » Grâce à ces choix, les charges de mécanisation sont maîtrisées, sans être basses malgré tout.
« La Cuma a un coût, observe Charles. Mais elle nous permet d'avoir un bon matériel qui est renouvelé souvent etbien entretenu par le mécanicien du secteur. En propre, faute de l'amortir sur une surface suffisante, il faudrait attendre que le matériel soit au bout pour le changer. »
« DES CHARGES EN PLUS AVEC DEUX SITES »
L'absence de surfaces de cultures de vente qui permettraient de diluer une partie des charges, ainsi que le contexte de l'exploitation en zone de montagne avec des parcelles de petite taille (certaines font moins de un hectare) expliquent en partie cela.
« Pour monter et descendre des pentes allant jusqu'à 25 %, il nous faut un 120 ch, là où un 95 ch suffirait », note Benoît. La présence de deux sites induit également des charges supplémentaires. « Avec un seul site, nous n'aurions pas acheté le télescopique », expliquent les éleveurs. Très apprécié pour sa grande maniabilité, le JCB de 50 ch équipé de son godet a coûté 40 000 €, dont 8 000 € d'équipements (lève-palette, balayeuse et pince à enrubannage). En plus du curage des poulaillers, l'outil intervient dans le nettoyage de la nurserie des veaux, dans les chantiers de paille et de foin. Il monte le foin et la paille sur le second site. « Il nous fait économiser la moitié d'un tracteur. Mais comme ce dernier est amorti, économiquement, on ne gagne rien. »
« NOTRE TRÉSORERIE EST ENTRÉE DANS LE ROUGE »
Le fait d'avoir deux utilitaires coûte également : 1 393 € de carburant et lubrifiant chaque année. Dans ce contexte, quelles peuvent être les marges de manoeuvre des agriculteurs ? Déléguer une partie des travaux à des prestataires extérieurs (voisins céréaliers ou entreprises), comme cela se fait ailleurs, est difficile ici.
« À l'exception de la moisson, les ETA ne se bousculent pas pour venir dans notre zone escarpée aux petites routes, regrette Benoît. On essaie de réduire le nombre de passages sur les cultures : tous les semis (céréales, maïs, prairies) se font en combiné. Cette fin d'été, pour la deuxième fois, le ray-grass en dérobé a été semé à la volée avec un déchaumeur à disques. »
Charles estime difficile de faire mieux, à part laisser vieillir le matériel pour qu'il ne leur coûte rien ! « Malgré le fait que notre exploitation tourne bien, on arrive au bout. On a beaucoup de charges qui ne font qu'augmenter. Avec un prix unitaire du lait à 297 € les 1 000 litres(1) en juillet dernier, la trésorerie de l'exploitation est entrée dans le rouge alors que ces derniers mois, les poulaillers compensaient la baisse de la paie de lait, 1 500 à 2 000 €par mois depuis janvier 2015. »
ANNE BRÉHIER
(1) Prix de base A : 308 €/1 000 litres, prix de base B : 211 €/1 000 litres.
La mélangeuse, à vis verticale, est équipée d'un tapis arrière permettant une distribution sur les deux côtés (gauche et droit), ainsi que de contre-couteaux hydrauliques. C'est un atout, compte tenu que la vieille ensileuse de la Cuma hache fin. © A.B.
Le Claas 530 est équipé de quatre roues gonflées à l'eau, ce qui lui confère une meilleure stabilité dans les pentes. Réservé aux gros travaux, il a été facturé 8 052 € pour 673 heures en 2014. © A.B.
En fin d'après-midi, Benoît dételle la mélangeuse pour que le voisin Bruno vienne la chercher avec son tracteur. Il faut quelques minutes pour débrancher les différentes prises. © A.B.
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